Africa-Press – Guinée. Depuis l’événement de Carrington (du nom de l’astronome britannique Richard Carrington) survenu en 1859, qui avait provoqué la coupure du réseau télégraphique mondial, la surveillance des tempêtes solaires est devenue un domaine actif de la physique spatiale. Les tempêtes solaires sont émises depuis la couronne de notre étoile et génèrent l’émission de particules chargées, incluant les électrons et les protons. Le flux de particules se propageant dans le vide spatial fait alors référence au vent solaire. Ce dernier est en constante interaction avec le bouclier magnétique de la Terre (la magnétosphère) et provoque occasionnellement des perturbations électromagnétiques, notamment sur les communications satellitaires ou en formant de multiples aurores boréales.
C’est la raison pour laquelle il convient de surveiller un tel phénomène, car si une tempête solaire surpuissante venait à frapper la Terre, tout le système électrique global serait compromis, faisant replongeant le monde moderne à l’époque du 19e siècle en quelques minutes. Ce fut presque le cas en décembre 2012, lorsqu’une tempête avait manqué de peu la Terre, alimentant des spéculations sur la fin du monde. Des instituts spécialisés dans les prévisions de la météo spatiale comme le NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) ou la Nasa guettent les phénomènes radiatifs de notre étoile de manière quotidienne afin de prévoir leur impact sur notre atmosphère.
Une équipe de chercheurs émirato-indienne dirigée par Dattaraj Dhuri, du Centre d’Astrophysique et de Science Spatiale (CASS) à l’université de New-York Abu Dhabi (NYUAD), a publié une étude le 8 septembre 2025 dans The Astrophysical Journal, détaillant une surveillance plus précise et fiable du vent solaire grâce à un modèle d’intelligence artificielle (IA) qui fonctionne avec des réseaux neuronaux. De tels réseaux permettent à une intelligence programmée d’assimiler rapidement des données fournies et d’en déduire un modèle mathématique décrivant l’ensemble de ces données, comme le ferait un cerveau humain. Le modèle d’IA de ces chercheurs est capable de prédire jusqu’à quatre jours à l’avance l’évolution du vent solaire au point de Lagrange L1, situé à 1,5 million de kilomètres de la planète Bleue, étant le point idéal pour observer l’astre solaire de manière continue.
Un modèle qui prévoit la météo solaire 4 jours à l’avance
Bien que de nombreux modèles numériques basés sur l’application des modèles de propagation du vent solaire existent pour étudier ce processus physique, le modèle récent mis au point par l’équipe de Dattaraj Dhuri s’avère plus précis et plus fiable que les modèles classiques. L’IA se charge d’analyser des images en haute résolution du Soleil dans le domaine des ultraviolets (UV): en effet, l’observation du rayonnement de l’astre dans cette partie du spectre électromagnétique peut révéler des informations sur la couronne comme sa température ou son champ magnétique.
Par ailleurs, l’analyse des images s’effectue durant une rotation solaire, c’est-à-dire sur une période s’étalant sur 27 jours afin d’étudier les éjections de masse coronale (CME), éruptions de plasma (gaz chaud) où les émissions de particules solaires énergétiques (SEP). Ces trois facteurs peuvent conduire à la naissance d’une tempête solaire, donc du vent solaire. Tout l’historique est passé au crible par le modèle qui est caractérisé d’encodeur/décodeur et reconstitue séquence par séquence la propagation du vent solaire. Ce type de modèle s’avère très robuste et s’appuie sur les grands modèles de langage (LLM), génère de la capture d’images ou produit du texte à partir d’audios.
L’analyse temporelle du vent solaire par l’IA permet en outre d’estimer sa vitesse, à partir de laquelle on peut établir le temps de voyage du vent solaire, avec une précision de l’ordre du jour. L’article de recherche indique que le vent solaire ne mettrait que 30 minutes à atteindre l’atmosphère terrestre à partir du point L1, ce qui rend compte de l’incroyable rapidité d’un tel rayonnement. « Ceci est un pas en avant majeure dans la protection des satellites, les systèmes de navigation et toute l’infrastructure énergétique dont la vie moderne dépend. En combinant une IA avancée avec des observations solaires, nous pouvons donner les premiers avertissements qui contribuent à préserver la technologie critique sur Terre et dans l’espace », explique Dattaraj Dhuri.
Le premier modèle d’IA de prédiction du vent solaire
Cependant, bien que les physiciens connaissent les possibles causes des tempêtes solaires, le mystère reste total quant au mécanisme qui contribue à accélérer et faire varier le vent solaire depuis la couronne, ce qui rend difficile l’assignation à une valeur précise de vitesse de propagation. Certains vents solaires peuvent se propager à plus de 500 km/s -notamment lors du pic d’activité du Soleil qui se produit en moyenne tous les 11 ans – ou à moins de 100 km/s, ce qui affecte de surcroît le temps de propagation du flux de particules chargées. Non seulement l’IA prend en compte l’historique passé et récent du vent solaire, mais est aussi capable de simuler le comportement du vent solaire pour les quatre prochains jours, mettant en lumière le caractère novateur d’une telle prouesse technique.
Ainsi, comme expliqué dans l’étude, il s’agit du premier modèle d’IA qui a pour objectif la prévision des vitesses du vent solaire. Les chercheurs suggèrent qu’un tel paradigme pourraient ainsi aider à améliorer ces prévisions en sélectionnant d’autres paramètres physiques, notamment la température du vent. Comme dans tout modèle d’apprentissage profond (deep learning, en anglais) et empirique, une pléthore de données est indispensable pour augmenter la précision et la fiabilité du modèle, dont les résultats de la recherche montrent « qu’elles croissent respectivement de 45% et de 20% », comme le rapporte Dattaraj Dhuri dans un communiqué. L’article de recherche conclut sur la nécessité de s’appuyer de plus en plus sur les modèles fiables de surveillance du vent solaire afin d’adopter une nouvelle direction dans les modèles de deep learning: « en 2022, par exemple, 40 satellites Starlink de SpaceX ont été perdus suite à l’impact d’un vent solaire fort, soulignant le besoin urgent de posséder une technologie de prédiction fiable », insiste auprès de Sciences et Avenir Shravan Hanasoge, co-auteur de ces travaux.
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