Un « Mini-Prion » Synthétique pour Mieux Comprendre la Maladie D’Alzheimer

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Un « Mini-Prion » Synthétique pour Mieux Comprendre la Maladie D’Alzheimer
Un « Mini-Prion » Synthétique pour Mieux Comprendre la Maladie D’Alzheimer

Africa-Press – Guinée. Pour de nombreuses maladies neurodégénératives, des protéines mal repliées s’accumulent dans le cerveau, perturbant progressivement le fonctionnement des neurones. L’une de ces protéines défectueuses est la protéine tau. Son repliement anormal mène à la formation d’amas qui perturbent le bon fonctionnement du cerveau, entraînant diverses pathologies. Ces dernières sont appelées tauopathies, dont la plus connue est la maladie d’Alzheimer.

Pour comprendre comment une protéine tau peut se replier de manière déficiente, une équipe de recherche américaine a choisi d’en étudier une version simplifiée. Dans une étude parue le 28 avril 2025, les chercheurs des universités Northwestern et de Californie (Etats-Unis) expliquent comment ils ont synthétisé un fragment plus simple de la protéine tau se comportant comme un prion.

Un mini-fragment pour mimer la maladie

Publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences​, l’étude dévoile la création d’un fragment synthétique de la protéine tau. Nommé jR2R3, il est constitué de seulement 19 acides aminés. Lorsqu’il se replie de manière anormale, il est capable de changer la conformation des autres fragments jR2R3 « normaux » qui rentrent en contact avec lui. Les fragments mal repliés se rassemblent alors en empilements appelés fibrilles, de la même manière que la protéine tau qui s’accumule dans le cerveau.

Ce comportement de protéines qui viennent « zombifier » leurs homologues en modifiant leur repliement rappelle celui des prions. Néanmoins, il n’est pas exactement identique. « Les vrais prions sont des protéines appelées PrP qui subissent un mauvais repliement et une agrégation anormale, causant notamment la « maladie de la vache folle » (lire l’encadré ci-dessous, ndlr), explique Songi Han, professeur de chimie à l’Université de Northwestern qui a dirigé l’étude. Ils sont causés, d’une manière ou d’une autre, par l’ingestion de la “mauvaise” protéine, puis leur agrégation se propage dans l’organisme.”

La « maladie de la vache folle » est le surnom d’une maladie à prions: l’encéphalopathie spongiforme bovine. L’accumulation de protéines PrP mal repliées rend les tissus cérébraux des vaches spongieux, causant des troubles neurologiques. Dans les années 1990, une épidémie de vache folle a débuté en Angleterre, quand les éleveurs ont nourri le bétail avec des farines à base de carcasses d’animaux broyées. Depuis 1996, plus de 200 cas d’humains contaminés par de la viande de vaches malades ont été relevés, dont 27 en France. La crise s’est soldée par l’interdiction des farines animales et l’élimination de millions de bovins.

L’agrégation de la protéine tau dans le cerveau est similaire à celle de PrP, mais elle n’est pas causée par l’ingestion d’une protéine défectueuse. Il s’agit d’un processus beaucoup plus lent se développant sur plusieurs décennies, faisant des tauopathies des maladies progressives pour lesquelles il n’existe actuellement ni diagnostic ni approche thérapeutique. Un processus similaire a également lieu dans les neurones des patients atteints de la maladie de Parkinson, avec l’accumulation d’une autre protéine, l’alpha-synucléine.

Habituellement, les fibrilles sont récupérées sur des échantillons de cerveaux provenant de patients décédés, ce qui complique l’étude des tauopathies. Les chercheurs ont donc voulu synthétiser un petit fragment protéique capable de former des fibrilles comme une protéine tau. “L’idée nouvelle réside dans le fait de former d’abord un mini-élément prion, avant de construire plus tard le modèle fibrillaire complet de la maladie, résume Songi Han. Ces modèles de mini-prions peuvent d’ores et déjà être utilisés pour développer des stratégies diagnostiques ou thérapeutiques.”

Le rôle étonnant de l’eau

Pour étudier la déficience de repliement, la particularité du fragment jR2R3 est de contenir une mutation: P301L. Cela signifie que dans la chaîne d’acides aminés, en position 301, un acide aminé appelé proline est remplacé par un autre nommé leucine. Il s’agit d’une mutation largement utilisée pour modéliser la maladie d’Alzheimer. Elle déstabilise la structure de la protéine, ce qui facilite son passage vers une conformation favorisant son comportement semblable à un prion.

L’étude des fragments jR2R3 dotés de la mutation P301L révèle ainsi un mécanisme étonnant: l’eau joue un rôle important dans son repliement. Autour du site de la mutation, les molécules d’eau se réorganisent de manière très localisée, favorisant ainsi l’agrégation des protéines. En d’autres termes, l’eau structurée agit comme une sorte de ciment, en fixant les brins de protéines dans une architecture ordonnée avant qu’ils ne se propagent.

À l’avenir, d’autres mutations que P301L seront étudiées sur des fragments de protéine comme jR2R3. Cela permettra de mieux cerner les spécificités de chaque maladie neurodégénérative impliquant la protéine tau. Avec de nouveaux outils pour étudier les tauopathies, les chercheurs pourront peut-être développer de meilleurs outils pour diagnostiquer ces pathologies, et des pistes thérapeutiques pour les guérir.

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