Africa-Press – Guinee Equatoriale. A l’occasion de la Journée internationale de lutte, le coordinateur de l’Unicef, Hani Mansourian, décrypte les raisons de la remontée en flèche du phénomène sur le continent.
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La pandémie de Covid-19 a eu raison des énormes progrès enregistrés depuis le début des années 2000 pour mettre fin au travail des enfants, notamment en Afrique. L’Organisation internationale du travail (OIT) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) estiment que les conséquences de la crise sanitaire risquent de « pousser » encore « 9 millions d’enfants à travailler d’ici à la fin de 2022 » dans le monde.
En Afrique subsaharienne, la croissance démographique, les multiples crises économiques et sécuritaires, l’extrême pauvreté et l’insuffisance de protection sociale ont déjà abouti à ce que 16,6 millions d’enfants supplémentaires soient astreints au travail depuis 2016, selon les chiffres des Nations unies.
Hani Mansourian, coordinateur de l’Alliance pour la protection de l’enfance dans l’action humanitaire (Alliance CPHA) au nom de l’Unicef, décrypte les enjeux de l’endiguement de ce fléau qui prive les enfants africains de leur avenir.
Pourquoi le travail des enfants est-il en hausse en Afrique alors qu’il décline en Asie, en Amérique latine et au Moyen-Orient ?
Hani Mansourian La première raison semble être la croissance démographique, qui continue d’accélérer sur le continent. De nombreux gouvernements n’ont pas les moyens de garantir aux familles une protection sociale suffisante, qui permette d’éviter le travail des enfants. L’accès à l’éducation pose problème, alors que c’est un facteur de prévention efficace. Sur le continent africain, un enfant sur quatre âgé de 5 à 11 ans n’est pas scolarisé. Chez les plus âgés, c’est un enfant sur trois. Or il y a un lien de réciprocité direct entre la déscolarisation et le travail chez les enfants. La crise sanitaire a eu un impact considérable sur ce phénomène.
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Nous l’avions prédit dès 2020, en militant pour que la fermeture des écoles soit prise plus au sérieux. Au Kenya, où je vis, les écoles ont fermé pendant neuf mois ! Cette décision était fondée sur des considérations liées à la santé publique, mais ne prenait pas nécessairement en compte les autres conséquences. Beaucoup d’enfants ont décroché et ne sont jamais revenus à l’école. L’épidémie de Covid-19 a également accru la pauvreté, particulièrement parmi les plus vulnérables qui ont fini par perdre leur travail ou leurs sources de revenus, notamment à cause de la fermeture des marchés.
Comment se matérialise le travail des enfants et quels sont les secteurs les plus concernés ?
En Afrique subsaharienne, l’agriculture, et notamment l’agriculture de subsistance, concentre 82 % du travail infantile, contre 71 % à l’échelle mondiale. Le secteur agricole en lui-même n’est pas considéré comme dangereux, mais les contraintes qui lui sont associées (déscolarisation, mauvaises conditions de travail…) le catégorisent comme tel.
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Quelque 57 % des enfants qui travaillent en Afrique subsaharienne sont des garçons, mais on sait que les filles sont davantage victimes d’exploitation sexuelle ou même d’esclavage : des trafiquants les arrachent à moindre coût à leurs communautés et les emmènent au-delà des frontières.
Quelles sont les conséquences économiques et sociales de ce phénomène sur le long terme ?
Le travail des enfants a une étroite corrélation avec la pauvreté. En travaillant pour participer à satisfaire les besoins de la famille, un enfant a plus de risques d’être déscolarisé et de ne jamais trouver un emploi bien rémunéré dans le futur. Il est d’autant plus difficile de briser ce cycle qu’un adulte ayant travaillé lui-même dans l’enfance aura davantage tendance à banaliser cette situation. Plus le travail infantile est répandu, plus il devient une norme sociale.
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Ceci vaut au sein des familles mais aussi des sociétés : les communautés sont moins enclines à lutter contre ce phénomène et les gouvernements à mettre en place des réglementations. Si les Etats tentent de légiférer, ils doivent affronter les employeurs qui bénéficient du moindre coût de la main-d’œuvre infantile et s’y sont habitués. D’ailleurs, lorsqu’il s’agit d’un milieu agricole intrafamilial, les enfants travaillent gratuitement.
Jeanne Le Bihan
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