Points de convergence et de divergence entre les coups d’État ayant écarté Bazoum et Bongo

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Points de convergence et de divergence entre les coups d’État ayant écarté Bazoum et Bongo
Points de convergence et de divergence entre les coups d’État ayant écarté Bazoum et Bongo

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Guinee Equatoriale. Les coups d’État militaires dans le monde, en général, mûrissent dans les « cuisines » du pouvoir, mais ils ne sont pas de même type, même si les ingrédients sont toujours les mêmes : une action limitée et rapide du cercle militaire et sécuritaire proche du président renversé, son arrestation, puis l’annonce de la première déclaration pour dessiner les traits de la nouvelle orientation politique prise par les putschistes..

Nous ne devons pas nier que le phénomène des coups d’État militaires s’est répandu sur le continent africain, en particulier, depuis les premières décennies qui ont suivi l’indépendance, et cela est devenu un phénomène régulier, ce qui a suscité de nombreuses inquiétudes quant à la fréquence élevée de sa récurrence, surtout durant ces dernières années.

Mais l’adepte des coups d’État du continent brun depuis 2021 au Mali, au Burkina Faso, en Guinée, puis au Niger et finalement au Gabon, sait à quelques mesures prés qu’ils se ressemblent tous en général dans la mesure où ils sont un changement forcé du système de gouvernement, et une fin au système constitutionnel en vigueur, mais qu’ils diffèrent dans les détails, notamment en termes de mise en œuvre, jusqu’aux relations géostratégiques avec les principaux acteurs de la région.

Découvrons ensemble certaines caractéristiques communes

Ali Bongo – Brice Olegei Nguema


Mohamed Bazoum – Abderrahmane Tchiani

Le dernier coup d’État survenu au Gabon est similaire à celui qui a eu lieu en Guinée Conakry, car il s’est produit après l’annonce de la victoire du président pour un troisième mandat, et il est similaire au coup d’État au Tchad parce que Mahamat Idriss Deby a pris le pouvoir après l’annonce de la mort de son père, Idriss Deby Itno, dans sa lutte contre les groupes insurrectionnels, après avoir annoncé sa victoire lors d’un sixième mandat présidentiel.

Le Centre d’études et de consultations du Sahara, estime qu’« il ressort clairement du contexte général du coup d’État militaire qui a renversé le président gabonais Ali Bongo, qu’il se rapproche davantage d’un mouvement de correction de l’intérieur sous l’égide française, car il semble que Paris ait anticipé les événements par crainte d’une contagion par des coups d’État dans la région et pour protéger ses grands intérêts au Gabon, et pour anticiper aussi l’entrée en jeu de ses concurrents, après qu’il soit devenu clair que Bongo n’était plus en mesure de protéger ces intérêts.

Au niveau de la forme, le service médias du centre a souligné une autre similitude « caractérisée par le coup d’État au Gabon », qui le rapproche de ce qui s’est passé au Niger, puisque des officiers de diverses formations militaires et sécuritaires se sont déclarés derrière le coup d’État, et il a été dirigé par le commandant de la Garde présidentielle, qui est considéré comme le sponsor officiel du régime au Gabon pendant les années de maladie de Bongo et son éloignement de la scène politique.

En effet, il n’y a pas de doute que le coup d’État au Gabon soit similaire au coup d’État au Niger dans la mesure où il a permis au président isolé Ali Bongo de communiquer avec le monde extérieur, en envoyant un message vidéo par téléphone depuis son domicile.

Le coup d’État semble également être une réaction à la « fraude électorale » qui aurait permis au président sortant de remporter un troisième mandat après plus d’un demi siècle de règne de sa famille, un point sur lequel il se distingue des coups d’État du Burkina Faso et du Niger qui ont mis fin au rêve d’une jeune démocratie dans ces deux pays.

Sans oublier entre-autres que les condamnations occidentales et africaines du coup d’État ont été modérées, contrairement aux réactions aux récents coups d’État dans la région, en particulier au Niger, où la France continue de faire pression pour une intervention militaire pour mettre fin au coup d’État.

Décortiquons ensembles les différences et les nuances

Bien que les coups d’État vécus par l’Afrique soient identiques, du moins dans leur forme, il existe des différences qui constituent des différences entre eux.

Dans ce contexte, on peut estimer que « la différence fondamentale entre les coups d’Etat au Niger et au Gabon se situe à l’heure où les putschistes au Niger ont annoncé dès les premiers jours la cessation de tous les accords militaires avec la France et l’arrêt des exportations d’uranium vers ce pays, jusqu’à ce qu’ils demandent finalement, directement à l’ambassadeur de France, de faire ses bagages et quitter le pays ».

Tandis que les putschistes au Gabon affirmaient leur respect de tous les accords internationaux et appelaient les communautés et missions étrangères au calme, présentant jusqu’à présent un discours que l’on peut qualifier d’équilibré et non d’imprudent.

D’après les analystes et connaisseurs des affaires africaines, d’autres points de différence ont fait également surface, car selon eux : « La différence fondamentale dans le coup d’État au Gabon réside dans son contexte pro-français, contrairement aux coups d’État libéraux qui font pression pour mettre fin à la présence française en Afrique ».

La même source extrapole la manière dont Paris gère les nouveaux coups d’État dans sa zone d’influence traditionnelle, en déclarant : « La nature du coup d’État au Gabon suggère que la politique à venir de la France en Afrique sera basée sur la réalisation de coups d’État par le biais d’officiers dont la loyauté est garantie avant que d’autres parties n’interviennent et que les choses ne deviennent incontrôlables, comme cela s’est produit dans les pays d’Afrique de l’Ouest, au Mali, au Burkina Faso et au Niger.

Ce scénario est étayé par le fait que le coup d’État contre Ali Bango a été mené à l’intérieur du régime, et qu’il s’agissait d’un coup d’État blanc au cours duquel aucune balle n’a été tirée et au cours duquel le président déchu a été détenu dans des conditions « acceptables » avec sa famille et médecins.

La France a également soutenu le principal rival de Bongo lors des élections présidentielles et a insisté pour que l’opposition s’unisse derrière lui pour redonner du sang au régime et assurer la continuité de ses intérêts au Gabon, selon d’autres points de vue, en plus d’un autre détail qui a caractérisé le coup d’État au Gabon, à savoir « la brève condamnation de la France, contrairement au coup d’État au Niger, qu’elle a fermement condamné et à cause duquel le Conseil de paix et de sécurité français s’est réuni et a exercé une forte pression auprès des pays alliés dans la région à intervenir militairement pour ramener le président Bazoum au pouvoir ».

Par ailleurs, à propos de la différence la plus importante constatée entre les coups d’État du Niger et du Gabon, il apparaît que : « Le coup d’État du Niger a eu lieu contre un président civil élu il y a seulement deux ans lors d’élections décrites par de nombreux analystes comme équitables, tandis que le coup d’État du Gabon a été perpétré contre un président qui gouvernait depuis 14 ans et qui a hérité du pouvoir de son père qui dirigeait le Gabon depuis quatre décennies ».

Deux poids…deux mesures !

Contrairement à sa position sur le Niger, nous nous demandons « pourquoi la France a-t-elle réagi sereinement au coup d’Etat au Gabon ? »

Les analystes et les experts ont des opinions différentes sur les motivations du coup d’État au Gabon qui a renversé le président Ali Bongo, certes, et si certains d’entre eux ont vu qu’il pourrait être préventif de protéger les intérêts et l’influence de la France dans ce pays africain, d’autres ont appelé à attendre avant de rendre des décisions définitives, soulignant qu’il s’agit d’un cas différent des coups d’État qui ont eu lieu ces dernières années sur le continent brun.

Nous nous posons également des questions, autant que la plupart des experts des affaires africaines, sur la manière dont Paris gérera le coup d’État au Gabon et si ce sera avec la même intensité avec laquelle la France a traité le coup d’État au Niger « en appelant au lancement d’une opération militaire pour ramener au pouvoir le président Ali Bongo », sachant que Paris avait commenté le coup d’État avec une condamnation attendue, mais mitigée.

Seulement un mois sépare les coups d’État du Niger et du Gabon, néanmoins l’approche occidentale à leur égard était distinctement « différente ».

En effet, le ton de la condamnation a été plus dur envers les militaires nigériens que contre les Gabonais, car à Niamey, il en est arrivé au point de menacer d’une intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Cette approche a été explicitement confirmée le vendredi 1er septembre par le président français Emmanuel Macron, lorsqu’il a déclaré : « Les situations au Niger et au Gabon sont très différentes ».

Argument de sécurité

Au Niger, les arguments et prétextes pour réaliser le coup d’État contre le président Mohamed Bazoum n’étaient pas la corruption, mais plutôt la sécurité, car le 26 juillet dernier, les militaires avaient invoqué la « détérioration de la situation sécuritaire » pour justifier leur coup d’État, faisant référence aux attaques menées par des groupes terroristes dans le pays, même si ce coup d’État n’a cependant pas empêché la poursuite de ces attaques. Le 15 août, 17 militaires ont été tués dans une attaque près de la frontière avec le Burkina Faso !

De plus, Bazoum a été démocratiquement élu en 2021 et il n’a pas passé des décennies à la présidence.

Argument de corruption et blanchiment d’argent

Par contre, au Gabon, l’armée a annoncé avoir mené son coup d’État parce que les résultats annonçant la victoire d’Ali Bongo pour « un troisième mandat présidentiel » étaient truqués et parce que « le système était ravagé par la corruption et caractérisé par un régime irresponsable et imprévisible ».

C’est ce à quoi l’Union européenne a également fait allusion. Le responsable de la politique étrangère, Joseph Borrell, a reconnu que les élections avaient été entachées de nombreuses violations et de corruption.

De son côté, l’opposition gabonaise a confirmé que son candidat, Albert Ondo Ossa, avait remporté les élections présidentielles du 26 août, mais elle a exigé qu’elle remette immédiatement le pouvoir.

Outre les falsifications, l’armée a accusé de corruption les hommes du président déchu, et le chef des putschistes, le général Brice Olegei Nguema, commandant de la Garde républicaine, a menacé de poursuivre en justice un certain nombre d’hommes d’affaires de haut rang ayant participé à la corruption au sommet de la pyramide du pouvoir à travers des opérations systématiques, parfois pour « gonfler les factures ».

Ils ont effectivement été accusés d’avoir gonflé les factures des contrats conclus entre leurs filiales et les services de l’État, et d’avoir soudoyé plusieurs hauts fonctionnaires de l’État.

Ils étaient accusés aussi de « détournement de fonds publics à grande échelle » et de « falsification de la signature » du chef de l’Etat.

Dans ce contexte, son fils Noureddine Bongo Valentin et sa mère Sylvia étaient devenus la cible d’accusations régulièrement portées contre eux par l’opposition, la société civile et les médias locaux ces dernières années.

Selon ces accusations, l’épouse et le fils du président le « manipulaient » depuis qu’il a été victime d’un grave accident vasculaire cérébral en 2018, à la suite duquel il est devenu très affaibli.

Point de vue de Josep Borell

Le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a souligné qu’il ne faut pas comparer le coup d’État militaire au Gabon avec celui du Niger, soulignant que l’armée de Libreville était intervenue après que les élections aient été « volées ».

Borell poursuit : « Nous ne devons pas oublier que les élections au Gabon se sont déroulées de manière pleine d’irrégularités », estimant que « la fraude électorale est un coup d’État institutionnel ».

Il a ajouté que les diplomates européens travaillent à la médiation pour trouver une solution à la crise au Gabon et qu’il n’est pas prévu d’évacuer leurs citoyens, comme cela s’est produit au Niger après le coup d’État du 26 juillet, qui a renversé le président Mohamed Bazoum.

Une même doctrine militaire sur le Continent africain

Des régimes qui tombent comme des pions sur un échiquier

La doctrine militaire des putschistes en Afrique exige que ses partisans s’accrochent à l’inévitabilité de continuer à déraciner le régime renversé jusqu’au dernier soldat sur le terrain et aux dernières balles d’une mitrailleuse, surtout si celui qui est renversé est un civil, comme dans le cas du cas des coups d’État au Niger et en Guinée-Conakry.

Selon ceux qui connaissent la mentalité des militaires africains, le coup d’État réussira tant que les révolutionnaires réussiront à restreindre la liberté du président et à diffuser tout de suite la première déclaration.

Ceci explique la liesse de la rue africaine dans les capitales des deux derniers pays où les présidents ont été renversés, à savoir Niamey et Libreville, où les masses sont sorties en soutien aux nouveaux dirigeants en uniformes.

Les coutumes des coups d’État, qui se sont formées au cours de la vie des États continentaux en Afrique depuis les années soixante du siècle dernier, et qui se comptent par dizaines, exigent également que les putschistes choisissent le commandant de la Garde républicaine comme façade et chef de la période transitoire.

D’autant plus que la scène des coups d’État d’aujourd’hui dans la région de l’Afrique centrale et de l’ouest, se présente d’une nouvelle manière, dans laquelle il est prouvé que les loyautés traditionnelles des pays occidentaux ne sont plus ce qu’elles étaient.

Aujourd’hui, la scène des coups d’État dans la région de l’Afrique centrale et de l’Ouest, s’installe d’une nouvelle manière, dans laquelle il est prouvé que les loyautés traditionnelles envers les pays occidentaux ne sont plus ce qu’elles étaient.

Quand le cas du Gabon réconforte les putschistes au Niger

Alors que la crise du coup d’État au Niger est dans une impasse et que chaque partie locale et internationale insiste sur sa position, le coup d’État au Gabon est venu comme un « cadeau du ciel » pour les Nigériens, leur donnant indirectement un grand espoir pour façonner l’avenir de leur pays, le Niger.

De facto, beaucoup d’analystes s’attendent à ce que le coup d’État au Gabon soit dans l’intérêt des dirigeants du coup d’État au Niger, qui refusent de reculer et de rétablir au pouvoir le président Mohamed Bazoum, malgré l’insistance des parties, dont la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest « CEDEAO », notamment à travers un retour pacifique, ou par le biais de l’intervention militaire dont tous en parlent, pour mettre fin au coup d’État.

Qui sont donc les deux auteurs de ces Coups d’Etat ?

• Le général Abderrahmane Tchiani, commandant de la garde présidentielle nigérienne à l’origine du coup d’État qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum, est un homme qui était toujours « à l’ombre » et qui dirige désormais un pays ravagé par les violences des groupes extrémistes armés et menacé par une grande pauvreté. Cet officier haut placé et secret de 59 ans est devenu, le 29 juillet, le chef du conseil militaire qui détient le pouvoir au Niger

• Le général Brice Olegei Nguema, son nom est sur toutes les lèvres depuis le coup d’État militaire au Gabon qui a conduit à « mettre fin au régime en place » dirigé par Ali Bongo. Devenu depuis l’homme fort du riche pays d’Afrique centrale, le général Nguema a été nommé à l’unanimité à la tête du « Comité de transition et de restauration institutionnelle et chef de la période de transition ».

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