A huit mois, un bébé comprend déjà la notion d’outil, y compris les nouvelles technologies

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A huit mois, un bébé comprend déjà la notion d’outil, y compris les nouvelles technologies
A huit mois, un bébé comprend déjà la notion d’outil, y compris les nouvelles technologies

Africa-Press – Guinee Equatoriale. Un appétissant biscuit repose sur la table basse, hors de portée du bébé pourtant debout. D’un geste, le petit malin tire la nappe, jusqu’à pouvoir saisir l’objet de sa convoitise. Cette première action s’apparentant à l’utilisation d’un outil, d’abord décrite par le scientifique Jean Piaget dans les années 1930, est généralement possible vers l’âge d’un an. “Une théorie voulait que ce soit en réalisant ce type d’action que le bébé apprend ce qu’est un outil”, explique Jean-Rémy Hochmann, directeur de recherche au CNRS et spécialiste en sciences cognitives du développement. En réalité, les bébés comprennent la notion d’outil dès l’âge de huit mois, soit bien avant d’être en capacité physique de les utiliser, démontre-t-il dans des travaux cosignés par la neuroscientifique Parvaneh Adibpour et publiés dans la revue PNAS.

La pupille qui se dilate, marqueur de l’incompréhension du bébé

Assis sur les genoux d’un de ses parents, chacun des 120 bébés de huit mois observés par les chercheurs fixe un écran pendant quelques minutes. Pendant que les images s’affichent, un oculomètre mesure les variations de la taille des pupilles des nourrissons. “La pupille d’un adulte ou d’un bébé surpris se dilate d’environ un dixième de millimètre”, explique Jean-Rémy Hochmann. Grâce à la pupillométrie, les chercheurs peuvent donc repérer lorsque ce qu’ils diffusent à l’écran ne parait pas logique aux bébés. Avec cette technique, les chercheurs commencent par confirmer de précédents travaux selon lesquels à l’âge de huit mois les humains sont déjà capables de comprendre des liens de causalité directe. “Par exemple, un nourrisson comprend qu’une balle qui entre en contact avec une autre balle la fasse bouger, c’est ce qu’on appelle la physique naïve”, détaille le chercheur. Les pupilles de l’enfant ne se dilatent pas, l’événement était donc attendu.

Mais si la relation de cause à effet est directe entre un marteau qui enfonce un clou ou une pelle qui remplit un seau de sable, ce n’est pas le cas pour la plupart de nos outils modernes. Le mécanisme derrière la conséquence d’un bouton pressé sur la télécommande ou une pression du doigt sur un smartphone connecté à une enceinte ne sont pas directement lisibles: c’est ce que les chercheurs appellent l’opacité causale. “Nous nous demandions si cette opacité causale serait un problème pour les bébés”, explique Jean-Rémy Hochmann.

Les bébés de huit mois comprennent qu’il faut une intention pour utiliser l’outil

Pour le savoir, les chercheurs commencent par montrer à l’écran une petite boule jaune avec un visage, capable de bouger seul, afin que le bébé l’interprète comme un être vivant – ou comme l’appellent les chercheurs, un “agent intentionnel”. Chaque bébé voit sur le téléviseur le bonhomme jaune pousser une balle, qui roule jusqu’à être cachée par un panneau. De l’autre côté de ce panneau dépasse un cube, qui se met alors à clignoter. “La question qu’on pose au bébé c’est s’il pense qu’il y a besoin d’un contact, donc d’une interaction causale boite-balle pour obtenir le changement de couleur de la boîte”, traduit Jean-Rémy Hochmann.

La réponse vient dans la seconde partie de l’expérience. La scène qui se déroule sous les yeux des bébés est identique, mais cette fois sans le panneau. Dans une version, le bébé voit la balle toucher la boîte au moment où elle clignote. Dans l’autre, la balle s’arrête juste avant de toucher la boîte, qui change tout de même de couleur. “La dilatation de la pupille est plus forte quand il n’y a pas de contact entre la balle et la boîte. Ça montre que le bébé pense que la balle cause le clignotement de la boîte !”, interprète le chercheur.

Exemples de captures d’écran des images présentées aux bébés. En encadré noir à gauche, la première scène dans laquelle la balle rouge est cachée lorsqu’elle s’approche du cube bleu. En encadré bleu au milieu, le panneau est supprimé de façon à ce que le bébé puisse voir que la balle a touché le cube devenu jaune. En encadré rouge à droite, une version alternative où le panneau a été enlevé et le cube change toujours de couleur, mais sans contact de la balle rouge. Cliquez ici pour voir en plus grand. Crédit: Jean-Rémy Hochmann.

En revanche, lorsque le bonhomme – l’agent intentionnel – est supprimé et que la balle roule vers la boîte après avoir été poussée par une autre balle, le bébé ne montre plus de surprise particulière, qu’il y ait contact ou non entre la balle et la boîte. “Ça suggère que le bébé ne pense pas seulement que c’est le contact de la balle qui agit sur la boîte, mais l’agent, le bonhomme”, explicite Jean-Rémy Hochmann. “On pense que pour les bébés de huit mois, les objets peuvent avoir un effet causal sur le monde uniquement dans la physique naïve: un objet qui en bouge un autre. Mais un changement de couleur semble nécessiter l’intervention d’un agent intentionnel, un être animé, qui a un pouvoir causal plus large qu’un simple objet.”

Comprendre les fondations de notre pensée

Comprendre comment un bébé structure sa pensée et sa vision du monde avant même d’avoir les mots pour l’exprimer est important. “Tout ce qu’on apprend en tant qu’enfant et même en tant qu’adulte se construit à partir de ce qu’on sait déjà”, rappelle le neuroscientifique. Et à la base de tout, il y a notre représentation du monde en tant que nourrisson. “Nos résultats suggèrent que les bébés comprennent déjà dans la première année de vie la notion d’outil, d’agir sur le monde au moyen d’un objet intermédiaire.” Et si ce n’est pas par l’action, sans doute le bébé apprend-il par l’observation… Ou même par un mécanisme inné, imagine Jean-Rémy Hochmann. Un mécanisme qui serait propre à l’humain ? Des résultats suggèrent que les chimpanzés comprennent la notion d’outil même en cas d’opacité causale, mais cela reste à confirmer.

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