Des dinosaures capables de vivre sous terre ? Un comportement potentiellement inédit

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Des dinosaures capables de vivre sous terre ? Un comportement potentiellement inédit
Des dinosaures capables de vivre sous terre ? Un comportement potentiellement inédit

Africa-Press – Guinee Equatoriale. Willo (Thescelosaurus neglectus) vivait en Amérique du Nord, juste avant l’extinction massive de la fin du Crétacé, il y a 66 millions d’années. C’est un dinosaure herbivore de la famille des Thescelosauridés, plutôt costaud : 3,6 mètres de longueur pour un poids de 340 kg. Son fossile a été découvert en 1993 et il est, aujourd’hui, exposé au Musée des sciences naturelles de Caroline du Nord.

Ses ossements ont déjà fait l’objet de plusieurs recherches et cette fois, David J. Button, paléontologue à l’université de Bristol, au Royaume-Uni, s’est penché sur son crâne et son endocaste (qui permet de reconstituer la forme du cerveau) reconstruit à l’aide d’images prises au scanner. Son étude évoque la possibilité d’un comportement inconnu chez les dinosaures, même s’il n’y a aucune certitude quant au mode de vie de Willo.

Des dinosaures équipés pour vivre en terrier

L’analyse du cerveau reconstitué, ainsi que des structures de l’oreille interne, révèle que Willo possédait une combinaison unique de traits associés aux animaux qui vivent, au moins une partie de leur temps, sous terre. Notamment un super odorat et un équilibre exceptionnel. Ce travail, publié dans la revue Scientific reports, est le premier à associer une empreinte sensorielle spécifique à ce comportement chez les dinosaures. “Nous montrons dans cette étude que les dinosaures avaient un plus grand éventail de spécialisations neurologiques liées à différentes habitudes de vie qu’on ne le pensait auparavant”, souligne David Button.

Ainsi, l’audition de Willo était limitée : il ne pouvait entendre qu’environ 15 % des fréquences que les humains peuvent détecter, et entre 4 % et 7 % de celles que les chiens et les chats peuvent capter. Néanmoins, il percevait mieux les basses fréquences, et particulièrement celles que les gros dinosaures prédateurs tels que les T.rex étaient censés produire, en vocalisant. Mais cette mauvaise audition était compensée par un excellent odorat, comme en témoignent des bulbes olfactifs très développés, plus gros que chez la plupart des dinosaures et semblables à ceux des crocodiles qui sont capables de sentir une goutte de sang à des centaines de mètres.

Enfin, la reconstruction des canaux semi-circulaires, qui assurent dans l’oreille interne des fonctions liées à l’équilibre et à la proprioception, témoignent d’un sens de l’équilibre inhabituellement développé qui lui permettait de se repérer dans un espace en trois dimensions sans avoir besoin d’autres informations sensorielles.

Des ancêtres livrent des indices

Ces caractéristiques, associées à des membres assez puissants pour creuser, forment un faisceau d’indices qui sous-tend la possibilité d’un comportement que les spécialistes nomment fossorialité ou semi-fossorialité. Un terme qui fait référence aux animaux qui creusent et vivent sous terre, mais qui peuvent également se déplacer en surface. Peut-on pour autant dire que Willo avait adopté de telles mœurs ? “Nous n’avons pas de preuves directes de fossorialité chez T. neglectus. Mais nous en avons chez d’autres Thescelosauridés qui vivaient avant lui”, précise David Button.

Effectivement, plusieurs squelettes d’un Thescelosauridé primitif, appelé Oryctodromeus et qui vivait il y a 95 millions d’années, ont été retrouvés enterrés dans des terriers en compagnie de juvéniles. Leur position et la forme des terriers (d’une dimension quasi égale à celle de l’adulte) suggèrent qu’ils ont été creusés intentionnellement et que ces dinosaures y vivaient une partie de leur temps, peut-être pour y pondre et élever leurs progénitures en toute sécurité.

Une grande partie de la vie des Thescelosauridés sous le Soleil

L’étude prouve que les T.neglectus avait l’équipement sensoriel nécessaire pour adopter le même mode de vie. Néanmoins, il était beaucoup plus gros que les autres Thescelosauridés, ce qui peut s’avérer être un facteur limitant pour une vie souterraine. “Cela signifie, je pense, que les comportements fouisseurs étaient sans doute plus importants lorsqu’ils étaient jeunes. Peut-être qu’alors, ils creusaient des trous pour s’abriter mais qu’ils n’en avaient pas autant besoin en grandissant comme nous le voyons chez quelques crocodiles vivants. Encore que certains gros crocodiles continuent de creuser même à l’âge adulte”, souligne le paléontologue.

En tout cas, l’étude suggère que la fossorialité était présente dans la lignée des Thescelosauridés. “Mais il ne faut pas imaginer un dinosaure vivant comme une taupe. Un blaireau, un lapin ou un oryctérope est un meilleur modèle auquel penser pour imaginer ce à quoi aurait pu ressembler leur vie”. Ainsi, un Thescelosauridé aurait encore passé la plupart de son temps sous le Soleil, broutant les plantes et creusant pour trouver des racines ou des larves enfouies.

Pour en savoir plus, les paléontologues doivent continuer à fouiller dans l’espoir de trouver des terriers d’autres Thescelosauridés et idéalement celui d’un T. neglectus. “Cependant, ceux-ci seront difficiles à trouver – même s’ils existaient, ils n’ont peut-être pas été préservés – nous devrons donc peut-être nous appuyer sur des études plus indirectes”, regrette David Button.

Par exemple, il serait intéressant de réaliser des modélisations biomécaniques des membres antérieurs et des épaules pour tenter de comprendre comment ces dinosaures creusaient et avec quelle efficacité. Enfin, des études de la neurologie d’autres Thescelosauridés permettraient d’établir comment les caractères identifiés varient au sein de ce groupe et ainsi de mieux comprendre l’évolution de l’écologie de ces animaux.

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