Africa-Press – Guinee Equatoriale. Depuis son invention il y a une trentaine d’années par le neurochirurgien Alim Louis Benabid, la stimulation cérébrale profonde est devenue l’un des outils préférés des neurosciences. D’abord pour atténuer les tremblements causés par la maladie de Parkinson, puis pour lutter contre la dépression, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) sévères et l’épilepsie. Plus récemment, cette technique a été testée avec succès pour réparer le cerveau après des traumatismes crâniens.
Son pouvoir réparateur vient à nouveau d’être démontré pour d’autres types de traumatismes du système nerveux, les lésions de la moelle épinière, l’une des causes principales de paraplégie et tétraplégie. Des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et le Centre hospitalier universitaire vaudois à Lausanne (Suisse) viennent de montrer que la stimulation cérébrale profonde peut aider ces personnes paralysées à marcher à nouveau. Des résultats prometteurs, publiés le 2 décembre 2024 dans la revue Nature Medicine.
Stimuler les neurones qui survivent après la lésion
Les traumatismes de la colonne vertébrale abîment la moelle épinière et peuvent couper sa connexion avec les membres, notamment les jambes, causant une paralysie. Mais souvent, cette déconnexion n’est pas totale, laissant intact une partie du tissu nerveux. Le cerveau peut donc continuer à envoyer des ordres vers les jambes en passant par ces neurones qui restent, ce qui peut lui permettre de rétablir en partie le mouvement et donc la marche. Mais ce rétablissement est souvent lent et incomplet, ce qui empêche un retour à une démarche normale. Dans ces cas, le but de la stimulation est de profiter de cette connexion résiduelle pour augmenter le signal du cerveau vers les membres et ainsi améliorer le rétablissement.
L’hypothalamus joue un rôle essentiel dans le rétablissement de la marche
Les chercheurs ont d’abord trouvé la cible à stimuler en faisant des cartes très détaillées de l’activité cérébrale de souris avant et après une lésion de la moelle épinière. Pour cela, ils ont mesuré l’activité transcriptionnelle (et donc l’activation de l’expression des gènes) dans les cellules des régions du cerveau qui se connectent avec la moelle épinière (plus précisément, la région lombaire, au-dessous de la lésion). Le but étant d’identifier quelles cellules s’éteignaient à cause de la lésion, mais se rallumaient ensuite lorsque le corps tentait de rétablir la marche. Le deuxième critère était que la densité des projections neuronales provenant de la région où siègent ces cellules devait diminuer après la lésion (montrant que celle-ci les impacte directement), pour ensuite augmenter et permettre de recréer suffisamment de connexions pour rétablir la marche.
Ils ont ainsi identifié l’hypothalamus, structure localisée à la base du cerveau. Et en effet, l’activation des neurones de cette région par optogénétique était suffisante pour améliorer la démarche des souris ayant subi ces lésions. Cependant, ce n’étaient pas directement les neurones provenant de l’hypothalamus qui stimulaient la marche. Elles passaient leur message à travers des neurones du tronc cérébral, qui connecte le cerveau et la moelle épinière.
La stimulation cérébrale profonde aide la moelle épinière à se réparer
Une fois la bonne région identifiée, les chercheurs ont testé la stimulation cérébrale profonde pour l’activer, ce qui avait un effet immédiat sur la démarche des souris. Des résultats confirmés ensuite chez des rats, qui peuvent marcher sur les deux pattes arrière si on soutient leurs corps. Même celles ayant perdu le contrôle de plus de 80 % du tissu nerveux à cause du traumatisme retrouvaient la marche grâce à la stimulation de l’hypothalamus. Intervention qui ne causait aucun inconfort ou douleur visible chez les rongeurs.
Les rats ont été traités avec la stimulation pendant huit semaines, ce qui a amélioré leur démarche, même lorsque la stimulation était éteinte. Car cette intervention accélérait la création de nouvelles connexions neuronales au site de la lésion. C’est-à-dire que la stimulation cérébrale profonde non seulement améliorait la démarche, mais aussi aidait le corps à se réparer plus rapidement.
Un espoir pour les personnes paralysées à cause d’un traumatisme
Après validation chez les rongeurs, c’était au tour des humains. Les chercheurs ont observé, par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, les cerveaux de 21 personnes en bonne santé, afin d’identifier avec précision la partie de l’hypothalamus qui s’activait lors de la marche. Puis ils ont implanté des électrodes stimulant cette région chez deux personnes ayant subi un traumatisme de la moelle, mais qui pouvaient marcher un peu à l’aide de déambulateurs. Cette stimulation a eu des résultats immédiats, augmentant l’activité musculaire des jambes et permettant aux participants de marcher plus facilement, avec moins de fatigue.
Les participants ont ensuite fait trois mois de rééducation, avec neuf heures de stimulation par semaine. Comme chez les rongeurs, cette stimulation régulière a facilité la régénération de connexions neuronales dans la moelle épinière, réparant partiellement la lésion. “L’année dernière, en vacances, j’étais capable de descendre quelques marches et retourner à la mer en utilisant la stimulation”, se félicitait dans un communiqué l’un des participants, Wolfgang Jäger, Autrichien de 54 ans en fauteuil roulant depuis 2006, après un accident de ski.
La prochaine étape sera de combiner plusieurs approches
“Cette recherche démontre que le cerveau joue un rôle clé dans le processus de récupération d’une paralysie, explique Grégoire Courtine, professeur en neurosciences à l’EPFL et auteur de l’étude. Étonnamment, il n’est pas en mesure de tirer pleinement profit des projections neuronales qui survivent après une lésion de la moelle épinière. Ici, nous avons découvert comment exploiter une petite région du cerveau, auparavant inconnue pour son rôle dans la production de la marche, afin d’engager ces connexions résiduelles et d’améliorer la récupération neurologique chez les personnes souffrant de lésions de la moelle épinière.”
L’année dernière, son équipe avait présenté une autre approche pour rétablir la marche chez des personnes paralysées, qui reposait sur une stimulation directement de la moelle épinière au-dessous de la lésion. “L’intégration de nos deux approches – stimulation cérébrale et spinale – offrira une stratégie de récupération plus complète pour les patientes et patients souffrant de lésions de la moelle épinière”, affirme-t-il. Cependant, avant de combiner ces deux techniques, il sera nécessaire de confirmer l’efficacité de la stimulation cérébrale profonde chez un plus grand nombre de patients. Toutefois, ces premiers résultats sont extrêmement encourageants et pourraient aboutir à court terme à un nouveau traitement thérapeutique pour aider les personnes paralysées à retrouver leur mobilité.
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