Africa-Press – Guinee Equatoriale. Le saumon-carpe géant du Mékong, de son nom scientifique Aaptosyax grypus, a été placé dans la catégorie “En danger critique d’extinction” de la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2011. Cela faisait alors six ans qu’aucun individu n’avait été repéré, faisant craindre une probable extinction. Finalement, trois spécimens ont été trouvés en trois ans (de 2020 à 2023). Une bonne nouvelle relatée le 13 octobre 2024 dans la revue Biological Conservation.
Ce poisson, endémique du fleuve d’Asie du Sud-Est et de ses affluents, ne manque pas de panache. Il fait partie des plus grands poissons d’eau douce du monde, pouvant atteindre 1,30 m pour 30 kilos. Il est qualifié de méga-poisson et est surnommé “fantôme du Mékong” tant il est rare et insaisissable.
Une espèce “perdue” durant 15 ans
Tellement insaisissable qu’il n’a été nommé qu’en 1991 et que moins de 30 spécimens ont été recensés. Sa discrétion a inquiété les chercheurs quand le saumon-carpe géant du Mékong n’a plus donné de signes de vie dans la nature pendant 15 ans, de 2005 à 2020.
La nouvelle étude confirme une bonne fois pour toutes que l’espèce n’est pas éteinte. Trois individus adultes ont été capturés par des pêcheurs de 2020 à 2023 dans les eaux du Mékong. Plus surprenant encore: ils ont tous été capturés au Cambodge, “en aval de l’aire de répartition historique de l’espèce”, souligne l’étude publiée dans Biological Conservation. “Cela laisse penser que l’aire de distribution de ce poisson est plus large que ce que l’on croyait auparavant”, remarque, dans un communiqué, le chercheur français Sébastien Brosse (Université Paul Sabatier-Toulouse III), co-auteur de l’étude.
ADN environnemental et sciences citoyennes
Ces résultats confirment donc que “l’espèce persiste et qu’une ou plusieurs populations d’A. grypus habitent le Mékong cambodgien et ses affluents”, notent les scientifiques. Une bonne nouvelle que Sébastien Brosse tempère: “Il faut cependant rester prudents quant au potentiel de survie de l’espèce, qui reste considérée comme en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature”.
Le saumon-carpe géant du Mékong doit être surveillé, mais comment réaliser une telle veille alors que l’espèce est particulièrement furtive ? Les chercheurs proposent d’utiliser une technique bien adaptée à cette problématique: l’ADN environnemental. Les êtres vivants laissent des fragments de leur ADN (écailles, poils, sécrétions…) dans les milieux qu’ils fréquentent. Prélevés, amplifiés et séquencés, ils peuvent ensuite permettre d’identifier leur auteur sans les déranger, ni même les voir. Cette technique peut être réalisée, dans ce cas, en filtrant quelques dizaines de litres de l’eau du fleuve.
Seconde idée: utiliser les sciences citoyennes pour affiner les contours de l’aire de répartition du méga-poisson. Une donnée essentielle pour ensuite mettre en place des actions de conservation efficaces. Les premiers acteurs seraient alors les pêcheurs locaux, à même de signaler une capture ou une observation de l’espèce. Ils seraient encouragés à remettre à l’eau les Aaptosyax grypus pêchés.
Les biologistes pensent que la protection de ce méga-poisson pourrait être bénéfique pour tout le milieu. “Compte tenu du statut d’espèce emblématique d’A. grypus, sa conservation pourrait avoir un effet global contribuant plus largement à la conservation de la biodiversité d’eau douce d’importance mondiale dans l’écosystème du bassin du Mékong”, remarquent-ils.
A noter que les méga-poissons d’eau douce font partie des taxons les plus menacés à l’échelle mondiale. Le déclin de leur population est estimé à 94 % depuis 1970.
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