Mammifères, coraux, arbres : quelques histoires de symbioses

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Mammifères, coraux, arbres : quelques histoires de symbioses
Mammifères, coraux, arbres : quelques histoires de symbioses

Africa-Press – Guinee Equatoriale. Qu’il possède deux ou trois doigts, le paresseux a une habitude aussi risquée qu’étonnante pour un animal si lent : une fois par semaine, il descend de la canopée pour déféquer… au pied de son arbre, où il vit heureux. Emportant dans son expédition tout le bestiaire qui pullule dans sa fourrure : des champignons, des algues et des insectes, dont des mites du genre Cryptoses qui ne vivent nulle part ailleurs. C’est probablement pour ces demoiselles que le mammifère arboricole s’expose ainsi aux crocs des prédateurs des forêts d’Amérique centrale. Car c’est là, sur la terre ferme, que l’insecte en profite pour déposer ses œufs… dans les fèces du paresseux ! Ses larves coprophages pourront s’en délecter.

Avant, une fois adultes, de s’envoler vers les sommets, jusqu’au pelage du paresseux, pour rencontrer l’âme sœur. Mais la mite n’est pas une ingrate. Elle rend service, à son insu, à celui qui abrite le fruit de ses amours, en nourrissant une algue, Trichophilus. Voici donc qu’entre en scène le troisième protagoniste de l’affaire : Trichophilus offre par la couleur verte et l’odeur de végétation qu’il dégage un camouflage idéal. Plus les mites sont nombreuses, plus l’algue se développe, dans l’habitat idéal que constituent les petites fissures des poils du paresseux. Une bien belle histoire… mais qui ne s’arrête pas là ! Car d’autres créatures, des bactéries des genres Brevibacterium et Rothia, font partie de la communauté du paresseux. Et, on vient de l’apprendre, ces bactéries, qu’il héberge dans son pelage, fabriquent un antibiotique garantissant à l’animal, au prix d’un simple coup de langue, santé et longévité.

Une seule algue vous manque…

Les récifs coralliens doivent leur majesté à l’intimité qui rapproche le corail et les zooxanthelles, des algues unicellulaires lovées dans ses tissus où elles trouvent refuge. C’est de cette symbiose que naissent les couleurs flamboyantes de cet animal aux branches délicates. Entre elles et lui, s’est instauré un partage des tâches qui leur permet de concocter des repas dont chaque convive ne peut que se féliciter. Le corail fournit à l’algue sa ration de dioxyde de carbone. En retour, à partir d’un peu de ce gaz, d’eau et d’énergie lumineuse, celle-ci fabrique, en suivant la recette de la photosynthèse, des glucides, mets indispensable à son protecteur.

Las, cette relation harmonieuse risque de connaître bientôt ses derniers instants. En ces temps troubles de réchauffement, les coups de chaleur répétés pourraient s’avérer fatals pour les commensaux. Car, quand la température de la mer s’élève (une variation de 1 °C suffit), le corail réagit en expulsant ses hôtes. Puis il blanchit et, privé de nutriments essentiels, meurt de faim. L’algue ne survit pas mieux à la séparation. Pour ce couple en danger, le salut pourrait venir de la mer Rouge, dont les coraux, qui se sont acoquinés avec des algues symbiotiques inconnues jusque-là, tolèrent des variations de température allant jusqu’à 5 °C ! Ils pourraient recoloniser les récifs coralliens qui, de la Grande Barrière de corail australienne aux Caraïbes, ne survivront pas à la hausse attendue des températures marines. Encore faudra-t-il les protéger aussi de la pollution…

Fidèles jusqu’au bout du monde

Vivre dans un décor de rêve n’est pas toujours facile. Comme tous les arbres des Caraïbes enracinés dans la zone de balancement des marées, Coccoloba uvifera doit affronter un environnement hostile. Très salé. Trop salé. Et pourtant, cet arbre à feuilles rondes et aux fruits en grappe – qui lui valent son nom de raisinier bord de mer – ne semble guère se soucier de cette adversité. Tant et si bien que les hommes ont un jour décidé de lui faire traverser l’océan vers le Sénégal, pour qu’il y joue le rôle de sa vie : lutter contre l’ensablement…

Aux arbres, ils n’ont pas touché : ce sont les graines qui ont fait le grand voyage. Mais le raisinier pourrait-il s’acclimater à ces contrées lointaines, lui dont la survie dépend de champignons symbiotiques qui filtrent le sel de l’eau de mer ? Retrouverait-il son principal associé, le scléroderme, qui lui fournit eau douce et nutriments en échange de carbone ? S’en inquiéter, c’était mésestimer la nature des liens qui unissent les deux compères. Car le second ne colonise pas les racines du premier lorsqu’elles ne sont encore que de frêles radicelles. Il est là… bien avant ! Ses spores se cachent en effet – le croirez-vous ? – sur l’enveloppe des graines du raisinier, mises à nu par quelque rongeur gourmand s’étant régalé de ses fruits. Attendant patiemment d’être utiles à leur hôte adoré. Importées en Afrique, et mises à germer dans des pépinières sénégalaises, les graines de raisinier ont livré le secret de leur intimité avec leurs spores essentielles.

Ensemble, ils ne perdent pas le nord

Température, lumière, pression, taux d’acidité, gravité… On peut ne posséder qu’une seule cellule – et un noyau – et néanmoins bien connaître son entourage. Les eucaryotes unicellulaires, ou protistes, perçoivent ainsi les variations de leur environnement grâce à des récepteurs. Mais une seule, parmi les quelque 70.000 espèces connues, sait utiliser le magnétisme terrestre pour se déplacer dans l’espace. Longtemps imaginée, longtemps cherchée, découverte en 2019 dans des sédiments marins, elle affiche par son nom, Symbiontida euglenozoa, l’histoire symbiotique nouée avec les bactéries qui lui confèrent cette propriété inédite.

Elle porte en effet, attachées à sa surface, une centaine de ces petites passagères aux propriétés singulières : elles synthétisent des chaînes de cristaux d’oxyde de fer qui s’orientent selon le champ magnétique – ce qui leur a valu le doux qualificatif de magnétotactiques. L’évolution a fini par les priver de flagelle propulseur, les rendant incapables de se mouvoir. Mais le protiste est bon camarade. Aussi accepte-t-il d’embarquer ces pérégrines, sachant qu’il bénéficiera de leur talent de copilotes. Toutefois, long seulement d’une dizaine de micromètres, il se contentera de déplacements modestes. Laissant aux grands migrateurs que sont sternes, baleines ou autres tortues marines, eux aussi aimantés par les pôles, l’apanage des voyages au long cours.

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