Modéliser L’océan Permettra de Percer Ses Secrets

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Modéliser L’océan Permettra de Percer Ses Secrets
Modéliser L’océan Permettra de Percer Ses Secrets

Africa-Press – Guinee Equatoriale. Parmi les concurrents du Vendée Globe qui ont quitté les Sables-d’Olonne, le 10 novembre dernier, plus de la moitié embarquaient des instruments de mesure océanographiques en vue de collecter des données dans les mers les plus hostiles et les moins connues de la planète. Les organisateurs prévoient d’équiper l’ensemble des bateaux participant à la prochaine édition du tour du monde en solitaire, en 2028, avec des instruments sélectionnés par l’Unesco.

Cette initiative s’inscrit en effet dans le cadre de la décennie d’action pour l’océan des Nations unies. L’objectif est de mieux connaître le système océanique pour mieux le protéger. Avec le deuxième plus grand domaine maritime, qui abrite 10 % des coraux de la planète et 20 % des atolls, la France déploie quant à elle un gros effort de recherche en réalisant 120 campagnes océanographiques par an, avec une flotte de 17 bateaux scientifiques et six sous-marins.

Aujourd’hui, les données océaniques connaissent une croissance exponentielle grâce, notamment, aux satellites du programme européen d’observation de la Terre Copernicus, qui délivrent quotidiennement des quantités colossales de données concernant l’état physique et biogéochimique des océans. Ou encore aux milliers de balises déployées dans les mers du monde, qui transmettent régulièrement des informations sur la faune et divers paramètres environnementaux. S’y ajoutent les observatoires sous-marins, les drones, les stations côtières, et désormais les bateaux des marins et plaisanciers qui s’équipent d’instruments scientifiques.

« Au cours des deux dernières années, on a produit mondialement autant de données que lors de la décennie passée »

Depuis 2017, ces tombereaux d’informations sont stockés et traités à Plouzané, dans le Finistère. C’est là, face à la spectaculaire rade de Brest, que l’Ifremer a installé Datarmor, un centre consacré à l’océanographie, qui mêle calcul de haute performance et intelligence artificielle. Depuis 2023, ses infrastructures sont en phase de modernisation.

« Au cours des deux dernières années, on a produit mondialement autant de données que lors de la décennie passée, indique Guillaume de Landtsheer, directeur général pour la France de NetApp, une entreprise américaine spécialisée dans le stockage de données impliquée dans le projet. Il est donc nécessaire de faire évoluer les solutions de stockage, de sécurisation et de gestion des données. » Les capacités de stockage devraient ainsi atteindre 70 pétaoctets [1015 octets] en 2025, contre 10 aujourd’hui, « soit l’équivalent d’un peu plus de 70.000 iPhone de dernière génération pleins à craquer, tout en maintenant une consommation d’énergie identique « , souligne Benoît Morin, en charge du projet de renouvellement des infrastructures du centre de calcul à l’Ifremer.

Sa puissance de calcul déployée en 2017 est de 426 téra-flops, ce qui équivaut à celle de 2000 à 3000 ordinateurs travaillant de concert pour résoudre des équations. Le nouveau calculateur d’une puissance de 2 pétaflops pourra effectuer 2 millions de milliards d’opérations mathématiques par seconde. Surtout, le centre dispose de quatre supercalculateurs spécifiquement réservés aux applications d’IA.

« Pour obtenir cette intelligence artificielle, il faut intégrer au système un grand nombre de données afin de nuancer les résultats et contrer les biais cognitifs, détaille Benoît Morin. Les chercheurs ont notamment utilisé des techniques développées pour les voitures autonomes afin de faire de la reconnaissance d’espèces marines. Nous transformons en chiffres accessibles les données collectées du plancher océanique jusqu’à la surface, de la ligne de côte jusqu’à la haute mer. »

Le système réalise des analyses à partir des données physico-chimiques de l’océan (température, salinité, degré d’acidification, concentrations en divers éléments…) qui permettent aux scientifiques de modéliser son état et de prévoir son évolution. Mais cette intelligence artificielle sert aussi à l’analyse des séquences génétiques d’espèces marines pour faire, par exemple, de la taxonomie, une discipline qui reposait jusqu’à présent sur l’observation visuelle. Un atout déployé dans le cadre du programme Meiodyssea de l’Ifremer, qui vise à décrire en trois ans jusqu’à 200 nouvelles espèces de la méiofaune, constituée de petits animaux marins nichés dans les sédiments.

Un vaste projet de recensement génétique des espèces, le projet Atlasea, va quant à lui ouvrir de nouvelles voies de recherche. « Avec le stockage et le séquençage du génome d’un grand nombre d’espèces, il va être possible de reconstituer l’arbre généalogique des espèces et remonter au moment où les branches bifurquent « , explique Benoît Morin.

Cela offre aussi la possibilité d’évaluer la sensibilité d’une espèce à une maladie, de comparer les populations de poissons, ou d’étudier l’évolution d’une espèce, son adaptation au changement climatique et ses migrations. « En Bretagne, nous observons déjà l’arrivée de populations d’algues et de méduses depuis des régions plus méridionales « , note Benoît Morin. Le système permet aussi de détecter dans les jeux de données des cas particuliers, comme des vagues scélérates – phénomène rare de vagues géantes. Connaître leur localisation et leur occurrence pourrait être utilisé, par exemple, pour la certification des navires marchands.

65 millions d’heures de calcul produites par an

L’une des applications les plus ambitieuses est la création d’un jumeau numérique de l’océan, une initiative lancée en 2022 par l’Union européenne et dont une première démonstration a été présentée en juin dernier lors du Digital Ocean Forum, à Bruxelles (Belgique). « Il devrait permettre d’extrapoler les événements futurs, d’étudier l’influence des courants marins sur les événements extrêmes, de mieux comprendre l’évolution du Gulf Stream « , précise Benoît Morin.

Le jumeau numérique devrait être opérationnel dans les prochains mois. D’ores et déjà, l’Ifremer dénombre annuellement un millier d’utilisateurs actifs de l’offre d’intelligence artificielle du centre Datarmor et environ 300 utilisateurs distincts par mois, soit probablement autant d’équipes de recherche. 65 millions d’heures de calcul sont produites par an, avec l’ambition de réaliser environ un milliard d’heures de calcul dans dix ans.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Guinee Equatoriale, suivez Africa-Press

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