Africa-Press – Guinee Equatoriale. Sur la sellette depuis de nombreuses années pour ses impacts environnementaux, le glyphosate a-t-il également des effets négatifs sur la santé des êtres humains et notamment sur leur cerveau ? C’est ce qu’a souhaité vérifier l’équipe de Jose Suarez-Lopez de l’Université de Californie (San Diego, Etats-Unis), qui a publié ses résultats le 11 octobre 2023 dans la revue Environmental Health Perspectives.
Un herbicide qui diminue les performances cognitives
Les chercheurs ont suivi 519 participants âgés de 11 à 17 ans vivant dans des communautés rurales d’Equateur et ont mesuré dans leurs urines les concentrations de produits phytosanitaires très populaires, des herbicides comme le glyphosate et l’acide 2,4-dichlorophénoxyacétique (ou 2,4-D). En parallèle, ils ont soumis leurs sujets à des tests de performance neurocognitive. Cinq domaines étaient sur la sellette : l’attention, la mémoire/l’apprentissage, le langage, la perception sociale et les compétences visuospatiales.
Les résultats sont édifiants. Clairement, les scientifiques ont pu établir une corrélation négative entre le taux de 2,4-D relevé dans l’organisme des jeunes gens et leurs performances cognitives. Cette association s’est révélée particulièrement forte en ce qui concerne l’attention. Pour le glyphosate, détecté chez 98 % (!) des participants à l’étude, seule la perception sociale, c’est-à-dire la capacité de reconnaître les émotions chez autrui, semblait altérée.
Une toxicité des herbicides sur le système nerveux d’animaux
Plusieurs études ont par le passé mis en évidence une toxicité des herbicides sur le système nerveux d’animaux. Sur les souris par exemple, une exposition chronique à du glyphosate depuis l’état in utero jusqu’à l’âge adulte provoque des bouleversements neuro-comportementaux tels qu’une réduction de l’activité locomotrice, une mémoire défaillante, des fonctions cognitives altérées et des taux plus élevés d’anxiété et d’états dépressifs.
Chez un autre animal de laboratoire, le poisson-zèbre, une exposition à des doses pourtant très faibles du même herbicide conduit à une augmentation de l’anxiété de l’animal ainsi que de ses taux de stress oxydant. Même chose en ce qui concerne le 2,4-D associé à des changements comportementaux et à une toxicité neurologique accrue.
Un manque de données
Pourtant, en dépit des résultats significatifs obtenus sur l’animal, les preuves épidémiologiques concernant l’être humain quant à l’impact du glyphosate et du 2,4-D sur ses performances cognitives font singulièrement défaut faute d’études scientifiques.
C’est à ce manque de données qu’ont voulu remédier Jose Suarez-Lopez et son équipe. A leur connaissance, c’est ainsi la première fois qu’est examinée l’association entre les concentrations urinaires d’herbicides retrouvés chez des êtres humains et les performances neuro-comportementales de ces derniers. Toujours selon eux, jamais aucune étude ne s’était penchée sur les effets du 2,4-D sur le système nerveux d’adolescents, ni n’avait mis en évidence un lien entre l’exposition au glyphosate et la perception sociale. Pourtant, des études récentes sur l’animal suggéraient un lien possible entre l’exposition à l’herbicide et la survenue de traits autistiques.
Forts de ces résultats, les chercheurs plaident pour plus de recherches scientifiques et épidémiologiques concernant l’impact cognitif sur l’être humain de ces produits phytosanitaires extrêmement populaires.
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