Africa-Press – Guinee Equatoriale. Alors que la mer gagne chaque année du terrain sur les côtes françaises, devons-nous continuer à ériger des digues, ou au contraire, apprendre à composer avec elle? En France métropolitaine, un quart du linéaire côtier est en érosion, et 20 % du trait de côte recule, d’après l’Indicateur national de l’érosion côtière (INEC), établi en 2018 par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema). La protection du littoral a longtemps reposé sur des solutions techniques dites « dures », telles que les digues, les enrochements ou les brise-lames. Or, ces structures de protection rigides sont soumises à l’érosion à long terme, extrêmement onéreuses et menacent les écosystèmes côtiers. Une autre voie émerge: celle des solutions fondées sur la nature. Et si l’innovation venait des huîtres?
Un mortier bas carbone à base de coquilles d’huîtres
Robin Lalauze développe, depuis 2022, une nouvelle génération d’ouvrages côtiers qui marie écoconception et biomimétisme contre l’érosion du littoral. Son projet phare est nommé Up Block ; il s’agit d’un atténuateur de vagues dont la forme et la structure poreuse est inspirée des mangroves, des herbiers marins et des fonds rocheux. Contrairement aux structures de protection du littoraux dures et inertes, ces « Lego sous-marins » s’assemblent pour former des dispositifs de protection côtière.
Concrètement, il s’agit d’une frise de mortier obtenu via des techniques d’impression 3D grande échelle, constitué à près de 50% coquilles d’huîtres recyclées et broyées, qui ont servi de substitut au sable. Ce matériau, biocompatible avec l’environnement marin, confère à l’ensemble une forte résistance mécanique aux courants marins. « Il s’agit du premier mortier 3D bas carbone et coquillé », se félicite Robin Lalauze, rencontré par Sciences et Avenir au Ocean Rise and Coastal Resilience Summit de l’UNOC à Nice.
Atténuer les vagues et réensabler les plages
Sa structure en récif permet d’agir sur les vagues pendant les tempêtes, et de les atténuer – entre 5% et 56% de l’énergie de la vague déferlante – sous l’eau par sa base, mais sans les bloquer, explique Robin Lalauze. D’où l’intérêt de la structure poreuse du dispositif: elle permet à la plage de « respirer ». « Les digues ne font que repousser le problème, voire le déplacer ailleurs en modifiant la dynamique sédimentaire », expliquait Gauthier Carle, coordonnateur des ONG de la Plateforme Océan et Climat lors d’un précédent échange avec Sciences et Avenir.
Les défenses rigides telles que les digues, opaques aux flux naturels empêchent l’accrétion naturelle des sédiments et par conséquent la formation de plages et de dunes. « À Palavas-les-Flots, 80% du stock de sable a ainsi été perdu ces dernières décennies dans tout le Golf d’Aigues Mortes de Sept à Port Camargue », confie Robin Lalauze.
Le module conçu par LineUp Ocean doit permettre de rétablir ces flux naturels, le sable étant un des principaux moteurs de dissipation naturelle des vagues. Ainsi, tout comme les herbiers marins capables d’atténuer la houle tel un brise-lames et de limiter l’érosion des côtes, Up Block pourrait contribuer à terme, à réduire l’érosion côtière.
Chaque module représente 40 mètres carrés d’habitat colonisable par la vie marine
Tirer parti des propriétés ultra-résistantes des coquilles de mollusques et coquillages n’est pas nouveau: elles ont par exemple déjà fait l’objet de recherches pour créer un « ciment naturel » bioinspiré servant de barrière naturelle à l’érosion côtière. Mais alors que créer une barrière rigide, certes bioinspirée, pose de sérieux problèmes de fragmentation des habitats, impactant directement les écosystèmes côtiers, LineUp Ocean rend ce dispositif colonisable par la vie marine grâce à sa structure en alvéoles.
« Inspirée de la tortuosité des mangroves, de la rugosité des fonds rocheux et de l’enchevêtrement des herbiers marins, ce module a les qualités de trois écosystèmes naturels qui participent à la résilience côtière », explique Robin Lalauze. Avant d’ajouter: « Nous avons montré par modélisation que lorsque le module se fait coloniser par la vie, notamment par les algues et les coquillages, cela obture les mailles ce qui atténue encore plus les vagues. Cela s’explique par le fait de créer un support de concrétion pour la vie, qui ramène de la rugosité et de la surface. Finalement, c’est un système qui s’auto-régule », précise Lalauze. Chaque module – pour un module d’un volume de huit mètres cubes, de deux mètres de haut et de deux mètres de large – représente alors 40 mètres carrés d’habitat capable d’accueillir la vie marine.
Un dispositif conçu sur mesure
Contrairement aux ouvrages classiques de protection côtière, Up Block est adaptable et réversible en fonction des sites d’implantation. À chaque plage, son dispositif conçu sur mesure: en effet, l’environnement biophysique de la plage, du fond marin ainsi que la vulnérabilité du front de mer varie d’une plage à l’autre. Pour répondre à des besoins variés, des suivis scientifiques réguliers ainsi que des diagnostics des besoins socio-économiques sur site sont réalisés, tant en surface que sur le fond marin. Un premier site pilote a été installé sur le littoral méditerranéen, à 200 mètres de la plage de Palavas-les-Flots. Depuis maintenant plus de deux ans, des caméras installées sur les toits des immeubles de Palavas-les-Flots permettent de recueillir des informations précieuses sur la dynamique des vagues en continu.
Si Up Block en est encore à son stade expérimental, reste à démontrer l’efficacité de ce dispositif à grande échelle. La start-up cherche aujourd’hui à étendre ses expérimentations sur d’autres façades littorales et en appelle aux gestionnaires de territoires, collectivités et partenaires privés pour trouver des sites d’expérimentation. Affaire à suivre…
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Guinee Equatoriale, suivez Africa-Press