Ruminations, pensées intrusives : quand s’inquiéter pour sa santé mentale ?

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Ruminations, pensées intrusives : quand s’inquiéter pour sa santé mentale ?
Ruminations, pensées intrusives : quand s’inquiéter pour sa santé mentale ?

Africa-Press – Guinee Equatoriale. Désignée cause nationale de l’année 2025, la santé mentale des jeunes continue de se dégrader, renforcée par un sentiment de solitude généralisé. En 2023, 63% des jeunes de 18 à 24 ans disaient souffrir de solitude selon un sondage IFOP.

“C’est une tranche d’âge qui correspond à l’entrée dans la vie active, avec son lot de difficultés, nous explique Marine Starostka, psychologue clinicienne et responsable du Fil Santé Jeunes, un dispositif d’écoute et de prévention. Mais un climat politique et social anxiogène, doublé d’un manque d’accès aux soins pour les jeunes travailleurs, peut vite créer un sentiment de solitude. Et c’est la porte ouverte aux ruminations.”

Les ruminations, qu’est-ce que c’est ?

Pour la psychologue: “ruminer, c’est comme lancer un hamster dans une roue, ça tourne de plus en plus vie, sans pouvoir s’arrêter”. Avant tout un mécanisme de défense universel, les ruminations, ces pensées répétitives, permettent d’intégrer des situations parfois difficiles, et participent à la prise de décision.

“On les appelle les ruminations réflexives. C’est quelque chose de profondément humain, qu’on expérimente toutes et tous”, nous précise Jean-Luc Martinot, directeur de recherche à l’Inserm. “Cela arrive face à des circonstances particulières, comme une rupture, ajoute Marine Starostka. Le jeune adolescent va nous appeler parce qu’il ressasse tout ce qu’il aurait dû faire pour éviter la séparation. C’est normal”.

D’abord un signal d’alerte, ces pensées répétitives peuvent prendre de plus en plus de place, et devenir invasives, voire pathologiques.

“On essaie de faire notre autothérapie”

Lorsque les difficultés s’éternisent et que les solutions viennent à manquer, on va tenter de verbaliser intérieurement ses pensées. “On essaie de faire notre autothérapie”, illustre Marine Starostka. Sans succès, on ressasse, et ces ruminations deviennent “soucieuses”, décrit Jean-Luc Martinot, lorsque l’individu “ne parvient à prendre du recul” sur la situation. Ce sentiment de tourner en boucle est souvent amplifié par un contexte négatif, individuel, comme une situation de précarité, ou collectif, l’écoanxiété par exemple.

Le troisième type de ruminations décrit par la littérature est de nature “dépressive”. Dans ce dernier cas, fréquent chez les jeunes qui entrent dans l’âge adulte, les ruminations deviennent semblables à “des pensées noires répétitives sur sa situation ou son avenir, explique Jean-Luc Martinot. Elles peuvent devenir le symptôme d’un trouble psychiatrique”.

“L’entrée dans l’âge adulte est une période particulièrement à risque”

Les ruminations étant complètement subjectives, il n’existe pour le moment aucun moyen de les mesurer. Jean-Luc Martinot et son équipe de l’Inserm ont tenté de les associer à des réseaux fonctionnels du cerveau, pour mieux les repérer, et ainsi les prévenir. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Molecular Psychiatry.

Son équipe a suivi l’activité cérébrale spontanée de 595 jeunes au repos. Les premières images ont été réalisées à 18 ans. “Lors de cet examen de neuro-imagerie, les participants n’avaient aucune consigne et étaient laissés libres de leurs pensées. De sorte que les profils “ruminateurs” se sont laissé aller à leurs ruminations”, précise Jean-Luc Martinot.

Les jeunes ont rempli un questionnaire factuel pour mesurer la fréquence et le type de leurs ruminations. Grâce à un modèle mathématique, les chercheurs ont recoupé les valeurs des réponses aux questionnaires avec les valeurs des régions cérébrales, afin d’associer chaque type de rumination à un réseau d’activité (c’est-à-dire un ensemble de régions distinctes du cerveau qui communiquent en permanence des informations entre elles).

L’examen a ensuite été renouvelé chez les mêmes participants, cette fois âgés de 22 ans. “On a découvert une évolution des ruminations dans le temps, et leur lien avec des symptômes psychiatriques. Cela souligne que l’entrée dans l’âge adulte est une période particulièrement à risque”, confirme le chercheur. `

L’équipe a montré que l’activité d’un réseau associé aux ruminations soucieuses était aussi associée à certains symptômes dits “internalisés” (anxiété, nervosité, retrait, etc.). L’activité d’un réseau associé aux ruminations “dépressives” était aussi associée à des symptômes “extériorisés” (agitation, irritabilité, recours aux passages à l’acte, à des substances, etc.).

“À cet âge, certains jeunes adultes avaient une diminution des ruminations « soucieuses » en faveur de ruminations « réflexives »”, explique Jean-Luc Martinot. Ces résultats suggèrent qu’entre 18 et 22 ans, période de transition vers l’adulte, certains jeunes ont acquis une meilleure capacité d’adaptation aux émotions négatives et une meilleure aptitude à la prise de décision. “Mais d’autres ont aggravé les ruminations soucieuses et dépressives”, tempère-t-il.

Une prise en charge le plus tôt possible

Cette étude insiste surtout sur l’importance de la prévention. “Souvent, les jeunes appellent lorsque leur situation devient insupportable”, déplore Marine Starostka. Les résultats montrent que les ruminations sont un signe avant-coureur à prendre au sérieux.

“Plus les jeunes sont pris en charge tôt, plus on évite l’évolution des ruminations en symptôme d’un état dépressif majeur par exemple”, qui, même traité, a un taux de récidive élevé, rappelle Jean-Luc Martinot.

“Avec le Fil Santé Jeune, on remet du réel, des solutions concrètes dans la tête des jeunes”, explique la psychologue, tout en admettant que ce dispositif ne soit pas suffisant. “Il faut mettre des moyens dans la médecine scolaire préventive”. Pour les chercheurs, il faudrait apprendre aux jeunes adolescents à comprendre leurs ruminations mentales, leur évolution, pour leur donner les moyens d’avertir le plus tôt possible.

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