Pourquoi l’urine est jaune ? Un mystère de plus d’un siècle enfin résolu

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Pourquoi l’urine est jaune ? Un mystère de plus d’un siècle enfin résolu
Pourquoi l’urine est jaune ? Un mystère de plus d’un siècle enfin résolu

Africa-Press – Madagascar. Un mystère vieux de plus de 125 ans vient d’être résolu, qui pourrait aider à prévenir les jaunisses du nourrisson et certaines complications des maladies inflammatoires de l’intestin (MICI). En 1897, des scientifiques découvrent la molécule responsable de la couleur jaune de l’urine: l’urobiline. Mais la protéine responsable de sa production restait inconnue… Jusqu’à sa découverte par des chercheurs américains au cœur des bactéries peuplant notre flore intestinale, relate une publication parue dans la revue Nature Microbiology.

La bilirubine réductase ou BilR, essentielle à l’organisme

Elle se nomme BilR, pour “bilirubine réductase”. Si l’action de cette enzyme est si décisive, c’est que la bilirubine orange vif produite lors de la dégradation de nos globules rouges doit être dégradée rapidement, sous peine d’être intégralement réabsorbée par les intestins. “S’il n’y avait pas de bactéries dégradant la bilirubine dans nos intestins, ceux-ci auraient tout le temps de réabsorber la bilirubine insoluble avant qu’elle n’atteigne la fin de notre tractus intestinal”, explique Xiaofang Jiang, spécialiste du microbiote et investigatrice au NIH (autorités de santé américaines) qui a co-dirigé ces travaux. Or, l’excès de bilirubine dans le sang provoque notamment des jaunisses, plus courantes chez les nourrissons, voire des dommages neurologiques dans des cas extrêmes. C’est la dégradation de la bilirubine qui donne l’urobiline, soluble et… Jaune.

Une protéine produite par nos bactéries intestinales

Les scientifiques savent depuis les années 1980 que l’enzyme responsable de cette dégradation de la bilirubine se trouve dans le microbiote intestinal. “Malheureusement, les bactéries intestinales peuvent être difficiles à étudier”, explique Brantley Hall, biologiste à l’université du Maryland (Etats-Unis) et premier auteur de la publication. “De nombreuses bactéries présentes dans nos intestins ne peuvent survivre en présence d’une trop grande quantité d’oxygène, ce qui les rend difficiles à cultiver et à étudier en laboratoire.”

D’autant que les chercheurs ont besoin d’examiner l’ensemble des gènes du microbiote intestinal. Un travail autrefois titanesque, rendu accessible par les nouvelles technologies de séquençage à grande échelle. Le résultat est au rendez-vous. 1.801 échantillons de microbiote provenant d’adultes en bonne santé sont analysés, menant à la découverte du gène bilR, codant pour l’enzyme BilR !

BilR est majoritairement produite par des bactéries de la famille des Firmicutes, “l’un des embranchements bactériens les plus courants dans l’intestin humain”, précise Brantley Hall. Pour autant, toutes les souches de cette famille n’en sont pas capables, compliquant encore l’identification de la BilR. En revanche, l’enzyme est présente chez 99,9% des échantillons provenant d’adultes en bonne santé, tant son action est essentielle.

La capacité à produire de la BilR augmente pendant la première année de vie

La BilR manque en revanche chez une proportion plus importante des plus de 4.000 échantillons prélevés sur des nouveau-nés. “Au cours du premier mois de vie, seuls 31% des échantillons contenaient le gène bilR”, décrit Xiaofang Jiang. Un chiffre qui augmente légèrement à 51% pendant le deuxième mois. “Cette période correspond à celle où la jaunisse néonatale est la plus fréquente, ce qui suggère que l’absence de bilR dans les bactéries intestinales de ces jeunes nourrissons peut être un facteur de développement de la jaunisse.” Le pourcentage d’échantillons de microbiote intestinal capable de produire de la BilR augmente heureusement régulièrement au cours de la première année de vie du bébé, atteignant 97% à l’âge d’un an.

“Maintenant que nous savons ce qu’est le gène bilR et quelles sont les bactéries qui le possèdent, nous pouvons réfléchir à la manière dont ces connaissances peuvent être appliquées dans un contexte clinique”, se réjouissent les auteurs. Parmi leurs suggestions se trouvent l’usage de probiotiques enrichis en BilR et la prédiction de la susceptibilité des nourrissons à la jaunisse sur la base de la présence du gène BilR dans leurs intestins en développement.

Les calculs biliaires des patients atteints de MICI semblent liés à un manque de BilR

A l’instar des bébés, une autre population se distingue par son absence fréquente de BilR: les personnes atteintes de maladies inflammatoires de l’intestin (MICI). Ces pathologies incluant la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques sont causées par une dérégulation du système immunitaire dont les crises sont douloureuses et les complications potentiellement graves (occlusions, cancer colorectal, etc). Ces patients ont également un risque accru de souffrir de calculs biliaires constitués d’un composé appelé bilirubinate de calcium, qui est une forme de bilirubine, expose Brantley Hall. Ces dépôts sont très douloureux et peuvent mener à des dommages à la vésicule biliaire, aux voies biliaires et au foie.

L’analyse de 1.224 échantillons de patients souffrant de la maladie de Crohn et de 639 de rectocolite hémorragique révèlent qu’un tiers des malades ne possèdent pas le gène bilR dans sa flore intestinale, pourtant présente chez la quasi-totalité des personnes en bonne santé. “Bien que nous n’ayons pas de lien direct entre nos données et la formation de calculs biliaires, notre hypothèse est que la perturbation de la présence normale de BilR chez les patients atteints de MICI peut conduire à une perturbation globale de cette voie et à une réabsorption accrue de la bilirubine chez ces patients.”

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