Le dolmen de Menga, prouesse technologique du Néolithique

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Le dolmen de Menga, prouesse technologique du Néolithique
Le dolmen de Menga, prouesse technologique du Néolithique

Africa-Press – Madagascar. Érigé au 4e millénaire avant notre ère, le dolmen de Menga, sur le site d’Antequera, en Espagne, est le plus grand monument en pierre construit au néolithique en Europe. Étudié dès le 19e siècle, il fait l’objet de nouvelles recherches depuis 2010.

Une récente étude publiée par une équipe d’experts espagnols dans Scientific Reports vient compléter cet ensemble en identifiant la carrière probable d’où les pierres ont été extraites et la manière dont elles ont été transportées.

Comme le montre en particulier la réalisation de la plus grande dalle de couverture, qui pèse plus de 150 tonnes, les constructeurs du dolmen avaient non seulement une fine connaissance des caractéristiques des roches de la région, mais ils faisaient aussi preuve d’une remarquable maîtrise technique. Le monument, qui revêt par ailleurs une signification symbolique puisqu’il s’aligne avec le Soleil au solstice d’été, est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2016.

Le dolmen de Menga, prouesse technologique du Néolithique

Le sud de la péninsule ibérique est riche en ressources géologiques (sel, cuivre, et roches comme les ophites, les dolérites et le silex) qui ont joué un rôle majeur dans la création du site de Menga, en particulier pour la fabrication d’outils. Lors de sa construction, entre 3800 et 3600 avant notre ère, les principaux éléments rituels de la région d’Antequera – aujourd’hui une petite ville au sud-ouest de Grenade – existaient déjà.

Selon les chercheurs, les dimensions du dolmen laissent entendre qu’il fut “conçu pour être la plus grande construction de l’époque”: composé de deux rangées de 12 orthostates (grand bloc de pierre vertical), dont une massive dalle de chevet marquant le fond de la chambre, de trois piliers intérieurs – l’existence d’un quatrième pilier manquant est possible –, et de cinq dalles de couverture reposant sur les orthostates et les piliers pour fermer la construction, il s’étend sur presque 25 mètres et pèse en tout plus de 1140 tonnes.

Des recherches précédentes ont montré que sa géométrie irrégulière fait en sorte qu’au solstice d’été le soleil vient illuminer le côté droit de la chambre, tandis que le côté gauche, parfaitement incurvé, est uniformément plongé dans l’obscurité – une caractéristique que l’on retrouve dans d’autres dolmens du sud de l’Ibérie.

Mais le monument, situé au sommet d’une petite colline, n’est pas seulement astronomiquement aligné avec le Soleil, il offre aussi une vue imprenable sur un massif calcaire anthropomorphique situé à l’est: la Peña de los Enamorados, “le rocher des amoureux”.

Des pierres faciles à tailler

Comme le rappellent les chercheurs, l’étude des pierres utilisées pour réaliser les sites mégalithiques est à même d’apporter de nouvelles informations sur leur qualité et les techniques utilisées pour les extraire ou les transporter.

Mais ce type d’analyses commence seulement à être effectué en Espagne, alors qu’on y trouve des milliers de mégalithes. Au cours de la dernière décennie, les chercheurs espagnols ont ainsi analysé les 32 pierres du dolmen de Menga afin d’établir leur provenance et de comprendre les technologies impliquées.

Il en résulte que le monument est composé de pierres relevant de cinq types, relevant plus généralement de deux sortes: “Nous avons identifié un premier groupe de grès bioclastiques (formés de débris organiques, ndlr) au sens large (calcarénites et calcirudites) et un autre de brèches”, annoncent les chercheurs, ajoutant qu’il s’agit de “pierres tendres, ou modérément tendres”, et, surtout, qu’elles sont très poreuses, ce qui signifie que l’on peut facilement les tailler.

La carrière se situait à moins d’un kilomètre

L’étape suivante a consisté à chercher dans le paysage alentour la source probable de ces pierres, sachant que les mégalithes sont construits en Espagne au plus près des carrières. Plusieurs sites sont envisagés, car la région est rocailleuse, et différents affleurements subsistent encore malgré l’érosion et la mauvaise conservation des carrières.

Les chercheurs retiennent comme zone principale d’extraction la plus probable la colline voisine de Cerro de la Cruz, non seulement parce que l’on y trouve des matériaux qui correspondent parfaitement aux pierres du dolmen, mais aussi en raison de sa topographie, favorable au transport des pierres vers la colline de Menga, qui se trouve à environ 850 mètres de distance et à une altitude inférieure de 100 mètres. L’occupation néolithique de Cerro de la Cruz est par ailleurs confimée par la présence de fragments de poterie datant de cette période.

Des pierres monumentales

Alors même qu’il se situe dans un vaste complexe rituel riche en mégalithes, le site d’Antequera, le dolmen de Menga se distingue par sa monumentalité.

Les pierres qui le composent sont en effet les plus grandes jamais utilisées dans tout le sud de l’Ibérie: “Dans d’autres dolmens du sud de la péninsule ibérique, comme ceux de Soto ou d’Alberite, de grandes pierres ont été utilisées, mais elles sont loin d’atteindre les dimensions de celles de Menga, font remarquer les chercheurs. Il s’agit le plus souvent de pierres plus dures, comme des grauwackes (grès très durs, ndlr), des grès ou des pierres volcaniques dans le cas de Soto, et des calcaires noduleux et marbriers dans le cas d’Alberite”.

Parmi ces pierres monumentales, une se distingue plus encore: la dalle de couverture du fond, qui pèse plus de 150 tonnes. Longue de 5 mètres et haute d’1,83 mètre en son point le plus haut, il s’agit de “la deuxième plus grande pierre jamais utilisée dans le cadre du phénomène mégalithique en Europe après le Grand Menhir brisé de Locmariaquer (France), dont le poids est estimé à 335 tonnes, et la plus grande pierre jamais utilisée dans un dolmen néolithique”, indiquent les chercheurs.

Le travail dans la carrière

Comment ces pierres ont-elles été extraites ? D’après les observations sur le terrain, elles résulteraient de la fracturation tectonique naturelle, les chercheurs reconstituant tout un mode opératoire: “Pour la fabrication des dalles de couverture, on a utilisé des pierres encore plus grandes, qui ont été extraites des différentes carrières selon un processus très élaboré et bien planifié. Notre hypothèse est que les pierres étaient individualisées à la base au moyen de petits piliers, comme cela est documenté dans les civilisations anciennes”.

Ce travail a dû exiger une forte mobilisation de main d’œuvre et de matériaux: des outils pour travailler les pierres, mais aussi du bois et des cordes pour construire des échafaudages lors de l’extraction, et des routes pour le transport.

Une fine connaissance des caractéristiques lithologiques

Les bâtisseurs disposaient en outre d’évidentes connaissance géologiques et lithologiques, estiment les chercheurs. En choisissant en premier lieu un emplacement solide pour ériger le dolmen, “les concepteurs de Menga ont évité les sols mous enrichis en marnes et en argiles des zones environnantes, car ils n’auraient pas garanti la stabilité du monument sur le terrain, et l’ont donc placé sur les lithologies beaucoup plus stables de brèche et de sable sédimentaire du sommet de la colline “, analysent-ils.

Mais le choix de pierres tendres afin de leur faciliter le travail de taille et d’extraction les a confrontés à un obstacle majeur: leur fragilité lors du transport, et leur porosité qui laisse passer l’eau entre les grains, facteur qui peut entraîner une fragmentation de la roche et surtout alourdir et déstabiliser le monument.

La réalisation d’un tumulus étanche

Parce que les bâtisseurs ont su parer à tous ces obstacles, les chercheurs estiment que le monument est une véritable prouesse d’ingénierie lithique.

Le dolmen est en effet isolé des éléments par un tumulus parfaitement étanche, constitué d’une alternance de couches de grès et de terre pressée, et la dalle de couverture la plus extérieure, qui pourrait entrer en contact avec la pluie et le vent, a été taillée dans la brèche calcaire, une pierre moins poreuse et plus cimentée que le grès des orthostates. “Compte tenu de la construction de la rampe nécessaire au transport depuis le Cerro de la Cruz, de la taille, du nombre et de la fragilité de ces pierres, la construction de Menga représente une réalisation unique, à la pointe de l’ingénierie mégalithique dans l’Ibérie préhistorique et peut-être en Europe”, concluent donc les chercheurs. Une perfection qui nous permet de l’admirer encore près de 6000 ans plus tard…

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