Crise entre Moroni et Antananarivo : Les lingots d’or… à tout prix

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Crise entre Moroni et Antananarivo : Les lingots d’or… à tout prix
Crise entre Moroni et Antananarivo : Les lingots d’or… à tout prix

Toufé Maecha

 

Africa-Press – Madagascar. Antananarivo ne lâche pas. Après la tentative de négociation à l’amiable avortée le 26 mai, en marge de l’investiture d’Azali Assoumani, Andry Rajoelina envoie sa ministre des affaires étrangères en médiation. Objectif: la récupération des 50 kg de lingots d’or saisis par les autorités comoriennes depuis 2021.

Entre Madagascar et les Comores, il y a de nouveau de l’eau dans le gaz. Depuis la semaine dernière, la Grande-île a décidé unilatéralement d’empêcher le débarquement au port de Majunga des passagers en provenance de Moroni. Officiellement, la raison évoquée est la résurgence du choléra en Union des Comores. S’il est vrai que dans l’archipel le choléra circule encore, le niveau n’est pas aussi alarmant que cela. Le niveau de l’épidémie est jugé « très faible » et n’a pas à entrainer la fermeture des frontières chez les voisins. C’est en tout cas l’avis largement partagé dans la sphère politique à Moroni. Le timing choisi pour dégainer l’argument du choléra, et décider par conséquent la fermeture brutale des frontières maritimes, ne serait pas anodin. Le gouvernement malgache, qui rejette d’un revers de la main toutes les propositions de Moroni pour résoudre cette crise, a choisi de mettre la pression sur les Comores pour une raison bien précise.

En décembre 2021, la gendarmerie des Comores a procédé à une importante saisie de 50 kilogrammes de lingots d’or en provenance de Madagascar. L’or, depuis gardé à la Banque centrale des Comores, est réclamé aussi bien par les autorités malgaches que par les trafiquants. Voyant que Moroni est resté inflexible face à ses appels du pied, le président malgache Andry Rajoelina n’a pas abdiqué pour autant. Lui qui avait tenté vainement le 26 mai en marge de l’investiture de son homologue comorien de repartir avec les lingots, revient à la charge. Il compte dépêcher, cette semaine à Moroni, sa ministre des affaires étrangères pour tenter à nouveau de faire fléchir Azali Assoumani. « Je ne vois pas Azali accéder à la demande d’Antananarivo. Au-delà du fait que nous avons pleinement le droit de garder les lingots, il faut savoir que rien ne prouve, jusqu’à ce stade, qu’ils appartenaient à l’État malgache. Si vous vous souvenez bien, l’on disait aussi qu’ils étaient achetés au Mali », nous confie un collaborateur de premier plan du locataire de Beit-Salam où devrait être reçue, ce 24 octobre, la cheffe de la diplomatie malgache, si Beit-Salam autorise les Affaires étrangères à répondre favorablement à sa demande.

Contrairement aux autorités malgaches, les trafiquants, eux, avaient présenté des documents supposés attester de l’origine malienne du métal. Malgré tout ce flou, Moroni serait prêt faire preuve de bonne volonté dans cette affaire et de céder les lingots si Antanarivo se plie à une exigence. Selon deux sources gouvernementales, le président Azali exige en effet « une demande officielle » émanant des autorités malgaches avant de leur remettre les lingots. « Les Malgaches prétendent que les lingots d’or appartiennent au beau-père d’Andry Rojoelina. Qu’ils formulent alors la demande officielle de restitution », nous siffle un des ministres que nous avons interrogés, séparément. Pour notre interlocuteur, cela ne fait aucun doute: la démarche officielle reste bel et bien la pierre d’achoppement des négociations. Il faut dire que la libération des trafiquants malgaches Azaly Failaza Pacheko et Pierre Stenny, aussitôt extradés à Madagascar en janvier 2022, en dit long sur l’influence du prétendu propriétaire. Ils étaient arrêtés à l’aéroport de Hahaya le 28 décembre 2021 avec un complice comorien, Elhad Ibrahim Halifa, alors qu’ils étaient en partance pour Dubaï à bord d’un jet privé avec le métal jaune. Le président malgache avait dépêché son ministre de la justice de l’époque, Herilaza Imbiki, pour négocier l’extradition. Celle-ci a été obtenue dans la douleur après près de 48h de pourparlers.

Depuis la saisie de ces lingots, les relations entre Madagascar et les Comores ne sont plus au beau fixe contrairement à ce que veut faire croire un conseiller du président Rajoelina. Les transports aériens entre les deux pays, suspendus depuis la crise de la Covid-19, n’ont jamais été rétablis. Une mesure de rétorsion décidée, encore une fois, par Antanarivo et dont la population des deux parties fait les frais. A Moroni, les autorités regrettent « l’amalgame » de la partie malgache. « La bonne approche serait que nos deux ministères de la justice se rapprochent entrent eux comme c’est une affaire judiciaire et non politique », prône un membre du gouvernement, tandis qu’un ancien ministre des affaires étrangères renchérit en paraphrasant De Gaulle à propos du Brésil: « Tant que Madagascar ne fera pas la distinction entre les affaires privées et publiques, elle restera toujours un grand pays d’avenir. Ce mélange des genres ne peut offrir un véritable futur à l’île et à la région, tout comme le mariage de la carpe et du lapin est voué à l’échec ».

Source: lagazettedescomores

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