Coup D’État Militaire à Madagascar et Fuite du Président

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Coup D’État Militaire à Madagascar et Fuite du Président
Coup D’État Militaire à Madagascar et Fuite du Président

Africa-Press – Madagascar. En octobre 2025, Madagascar connaît un coup d’État militaire après des manifestations contre la pauvreté et la corruption. Le colonel Michael Randrianirina prend le pouvoir, soutenu par l’armée et la population. Le président Rajoelina fuit le pays. Un Conseil militaire provisoire est instauré, suspendant les institutions. Les nouveaux dirigeants promettent une transition courte vers la stabilité, malgré les tensions sociales persistantes.

1. Un archipel stratégique rongé par la pauvreté et l’instabilité

Située au large de la côte sud-est de l’Afrique, Madagascar, quatrième île du monde, incarne un paradoxe: des ressources naturelles abondantes, mais une pauvreté chronique et un système politique fragile. Depuis son indépendance de la France en 1960, la Grande Île a connu une succession de crises institutionnelles, de coups d’État et de transitions inachevées.

En 2025, le pays replonge dans une nouvelle tourmente, où la misère quotidienne, l’arrogance du pouvoir et la lassitude populaire ont convergé pour provoquer un effondrement brutal de l’ordre établi.

2. Le déclenchement de la crise: une insurrection sociale devenue politique

La crise actuelle éclate fin septembre 2025. À Antananarivo et dans plusieurs villes, les habitants descendent dans la rue pour protester contre les coupures d’électricité et d’eau. Derrière cette révolte quotidienne se cache une colère plus profonde: 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et les inégalités s’aggravent.

Les jeunes, regroupés sous la bannière du mouvement « Génération Z Madagascar », transforment la grogne sociale en mouvement politique. Ils réclament la démission du président Andry Rajoelina, accusé de corruption, de népotisme et d’indifférence. Son double passeport franco-malgache devient un symbole de trahison nationale.

La répression policière, violente, fait plus de vingt morts selon l’ONU, et accentue la rupture entre l’État et la rue. Les syndicats et ONG rejoignent alors les jeunes dans une contestation sans précédent depuis 2009.


3. Le basculement militaire: le coup d’État du 11 octobre 2025

Le samedi 11 octobre marque le tournant: les soldats de l’unité d’élite CAPSAT (Corps d’appui à la logistique et à la technique) se mutinent. Sous la direction du colonel Michael Randrianirina, ils refusent d’obéir aux ordres du président et se rallient aux manifestants.

Des affrontements éclatent entre forces loyales et insurgés. Le lendemain, le commandement du corps de gendarmerie déclare à son tour son soutien au « peuple ». Le pouvoir présidentiel s’effondre en quarante-huit heures.

Le 12 octobre, Rajoelina s’enfuit — selon plusieurs sources, à bord d’un avion militaire français — vers un lieu tenu secret, probablement en France. Le 14 octobre, le parlement vote sa destitution, avant que Randrianirina n’annonce à la radio nationale la prise de pouvoir par les forces armées.

Il nie tout coup d’État, parlant plutôt d’un « redressement nécessaire ». Un Conseil militaire provisoire est instauré, suspendant le Sénat, la Cour constitutionnelle et la commission électorale.

4. Les nouveaux maîtres d’Antananarivo

Le colonel Michael Randrianirina, 48 ans, incarne désormais la figure centrale du pouvoir. Formé en France, ancien conseiller militaire de Rajoelina, il bénéficie d’une réputation de discipline et de compétence logistique. Sa rhétorique est nationaliste et réformatrice: il se présente comme un « patriote du peuple » et promet une transition courte, « deux ans au maximum ».

À ses côtés, deux figures montent:

– Le général Démosthène Bicolas, nouveau chef d’état-major, prône le maintien de l’ordre et la « cohésion nationale ».

– Le général Nounous M’bina Mamilson, nommé à la tête de la gendarmerie, s’engage à restaurer la confiance entre l’armée et les citoyens.

Pour l’heure, ces hommes semblent unis autour d’un projet: stabiliser le pays sans sombrer dans la dictature.


5. Réactions intérieures: entre euphorie et prudence

Dans les rues d’Antananarivo, l’euphorie domine après la chute de Rajoelina. Des milliers de citoyens célèbrent « la fin du régime », offrant nourriture et eau aux soldats mutinés. Les jeunes de la Génération Z proclament « une victoire du peuple », tout en promettant de surveiller les militaires.

Les partis d’opposition, notamment le TIM de l’ancien président Marc Ravalomanana, saluent le départ du chef de l’État, estimant que l’armée a empêché un chaos institutionnel. Même certains députés du parti présidentiel approuvent le vote de destitution.

Les syndicats et ONG, plus réservés, mettent en garde contre la militarisation du pouvoir. Elles exigent la libération des détenus politiques et des garanties de respect des droits humains. Les journalistes annoncent une suspension de leur collaboration avec les organes de l’État tant que la liberté de la presse n’est pas garantie.

En somme, l’opinion publique, largement favorable au changement, reste vigilante: le souvenir amer des transitions inachevées de 2009 plane toujours.

6. Réactions régionales et internationales: prudence diplomatique

Le Union africaine condamne toute prise de pouvoir par la force et envisage la suspension de Madagascar, rappelant les précédents de la Guinée et du Mali. La SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) exprime sa « profonde préoccupation » et appelle au retour rapide à l’ordre constitutionnel.

La France, ancienne puissance coloniale, adopte une position ambivalente: elle nie toute implication dans la fuite de Rajoelina, tout en appelant au dialogue. Paris, soucieuse de préserver ses intérêts économiques dans la région, soutient discrètement une solution de transition pacifique.

Les Nations Unies exhortent à la retenue, dénoncent les violences policières et demandent une enquête sur les victimes des manifestations.

Quant aux institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale), elles suspendent temporairement leur aide, conditionnant sa reprise à la formation d’un gouvernement civil légitime.


7. La transition militaire-civile: promesses et incertitudes

Le 14 octobre, Randrianirina dévoile la feuille de route du Conseil militaire de transition:

– Durée maximale de deux ans ;

– Formation d’un gouvernement civil dirigé par un Premier ministre technocrate ;

– Rédaction d’une nouvelle Constitution soumise à référendum ;

– Organisation d’élections libres avant fin 2027.

Les institutions les plus controversées (Sénat, Cour constitutionnelle, Commission électorale) sont suspendues, le Parlement reste partiellement actif sous supervision militaire.

Le colonel promet un processus « de refondation nationale » et la réintégration des civils dans la gouvernance. Des signaux d’apaisement sont envoyés: levée du couvre-feu, maintien des services publics, libération de prisonniers politiques, engagement de respecter les accords internationaux.

Cependant, nombre d’observateurs doutent de la capacité du Conseil à respecter ses délais. L’histoire récente montre que les transitions militaires africaines s’éternisent souvent sous prétexte de « réformes nécessaires ».

8. Lecture juridique: un vide constitutionnel assumé

Le renversement du président, la dissolution du Parlement et la suspension de la Cour constitutionnelle créent un vide juridique total. Aucune disposition de la Constitution malgache ne prévoit une telle combinaison d’événements.

En pratique, le pays fonctionne désormais selon le principe de légitimité révolutionnaire plutôt que constitutionnelle.

Le pouvoir actuel ne peut revendiquer qu’une légitimité de fait, fondée sur l’adhésion populaire et le contrôle du territoire. Seul un retour rapide à l’ordre constitutionnel par le suffrage universel permettra de conférer une légitimité durable au nouveau régime.


9. Scénarios d’avenir: quatre voies possibles

a. Scénario optimiste: la refondation réussie: Le Conseil militaire respecte son calendrier: adoption d’une nouvelle Constitution, réformes institutionnelles, amélioration des services publics et élections libres d’ici 2027. Le pays retrouve sa stabilité, l’armée retourne dans ses casernes, et Madagascar regagne la confiance des bailleurs.

b. Scénario du statu quo: militarisation prolongée: Le pouvoir militaire s’installe, repoussant les élections au nom des « réformes structurelles ». Les jeunes se désillusionnent, les sanctions internationales s’alourdissent, et les divisions internes fragilisent le régime.

c. Scénario de compromis: cohabitation civilo-militaire: Un gouvernement mixte est formé: un Premier ministre civil, un Conseil militaire garant de la sécurité. Ce modèle, soutenu par l’Union africaine, permet une sortie ordonnée de la crise, mais dépend de la capacité à trouver un consensus national.

d. Scénario du chaos: retour à la violence politique: Si les partisans de Rajoelina organisent une résistance armée ou si l’économie s’effondre, le pays pourrait sombrer dans l’instabilité chronique. Des fractures au sein de l’armée ou des mouvements de rébellion régionaux risqueraient de faire exploser l’unité nationale.

10. Conclusion: une transition à haut risque

Madagascar se trouve aujourd’hui à un moment charnière. Ce qui a commencé comme une révolte contre les coupures d’électricité s’est mué en un renversement de régime historique. L’armée, soutenue par une population exaspérée, détient désormais les clés du futur politique du pays.

Mais l’expérience malgache enseigne que les transitions militaires promettent souvent plus qu’elles ne livrent. Le défi sera d’éviter que ce « redressement » ne devienne un pouvoir de fait permanent.

Si le colonel Randrianirina parvient à organiser une refonte constitutionnelle crédible et à transférer le pouvoir à un gouvernement civil élu, il pourrait entrer dans l’histoire comme l’homme du redressement démocratique. Dans le cas contraire, il ne serait qu’un acteur supplémentaire dans le cycle des espoirs déçus et des coups d’État répétés qui jalonnent la trajectoire politique de la Grande Île.

** Fiche récapitulative
Dates clés:

– 25 septembre 2025: début des manifestations contre la crise énergétique

– 11–12 octobre 2025: mutinerie de la CAPSAT, fuite du président Andry Rajoelina

– 14 octobre 2025: annonce de la prise de pouvoir par le Conseil militaire

Principaux acteurs:

– Andry Rajoelina: président évincé, réfugié à l’étranger

– Colonel Michael Randrianirina: chef du coup d’État et du Conseil militaire

– Général Démosthène Bicolas: chef d’état-major

– Général Nounous M’bina Mamilson: commandant de la gendarmerie

– Mouvement Génération Z Madagascar: fer de lance des protestations civiles

Institutions suspendues:

– Sénat, Cour constitutionnelle, Commission électorale indépendante

– Conseil supérieur des droits humains

* Durée de transition prévue: 24 mois maximum, avec rédaction d’une nouvelle Constitution et élections libres.

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