À Madagascar, Christine Razanamahasoa est-elle encore fidèle à Rajoelina ?

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À Madagascar, Christine Razanamahasoa est-elle encore fidèle à Rajoelina ?
À Madagascar, Christine Razanamahasoa est-elle encore fidèle à Rajoelina ?

Flore Monteau

Africa-Press – Madagascar. En dénonçant les tensions qui émaillent la campagne, la présidente de l’Assemblée nationale s’est attiré les foudres de son camp. Pourtant proche du président candidat, elle appelle maintenant à la suspension du processus électoral.

C’était la médiation de la dernière chance. Le 8 et 9 novembre, à sept jours du premier tour de l’élection présidentielle, les candidats se sont retrouvés à huis clos au palais de l’Assemblée nationale, pour trouver le moyen de calmer les tensions qui ont émaillé la campagne électorale. La présidente de la chambre basse, Christine Razanamahasoa, a présidé la session avant de demander, jeudi dans la soirée, la suspension de l’élection présidentielle. « Les conditions pour une élection apaisée, crédible et acceptée par tous ne sont pas réunies », a-t-elle déclaré.

Appel au dialogue

Une demande jugée « farfelue » et immédiatement rejetée par le camp Rajoelina. Déjà grand absent d’un premier rendez-vous initié par les Églises fin septembre, le président sortant, candidat à sa réélection, ne s’était pas non plus rendu à cette deuxième médiation. Andry Raobelina, le candidat du collectif de l’opposition qui se trouve à l’étranger après avoir été blessé dans une manifestation, et Siteny Randrianasoloniaiko s’étaient quant à eux fait représenter.

Christine Razanamahasoa, elle, s’était associée quelques jours plus tôt au Conseil chrétien des Églises (FFKM) pour appeler au dialogue. Cette proche d’Andry Rajoelina, élue sous la bannière de l’IRD (pour Isika rehetra miaraka amin’i Andry Rajoelina en malgache, la plateforme des partis en soutien au président sortant), avait surpris la classe politique, le 17 octobre dernier, en dénonçant l’impasse dans laquelle se trouve la Grande Île.

« Notre pays va mal, notre peuple est en souffrance, et nous sommes la cause de cette défaillance », avait-elle lancé devant des députés de l’opposition lors de l’ouverture de la deuxième session ordinaire du Parlement. « La démocratie se dégrade fortement […]. Les normes morales et universelles sont loin d’être remplies », avait-elle ajouté.

Fidèle… et désavouée

Ces propos ont entraîné le départ de plusieurs députés IRD de l’hémicycle. Furieux, ils ont en partant invectivé la présidente de l’Assemblée nationale. Plus tard dans la soirée, ils ont aussi officiellement condamné son discours, lui reprochant de perturber le processus électoral pour aboutir à une transition. « Elle a tourné le dos à Andry Rajoelina », l’accusent certains. « J’allais oublier que dans ce pays, dire vrai et clamer la vérité dérange », s’est défendue l’intéressée.

Élue en 2019 à la tête de la chambre basse, cinq ans après l’avoir présidée sur une courte durée du mois de février à au mois de mai 2014, Christine Razanamahasoa est la première femme à avoir accédé à un tel poste. Doyenne du Parlement, elle avait été plébiscitée par l’ensemble des parlementaires – par ceux de l’IRD mais aussi par ceux de l’opposition du Tiako i Madagasikara (TIM) de l’ancien président Marc Ravalomanana. Juriste et magistrate, elle avait annoncé vouloir diriger « une Assemblée nationale digne, forte et équilibrée ».

Si la tâche de la nouvelle présidente s’annonçait laborieuse, elle savait pouvoir compter sur un appui de taille. Ancienne ministre de la Justice pendant la transition menée par Rajoelina (de 2009 à 2014), Christine Razanamahasoa fait partie des fidèles du chef de l’État. En 2013, elle est élue députée de la commune de Ambatofinandrahana sous les couleurs du Mapar (Miaraka Amin’i Prezidà Andry Rajoelina), le parti du président de la transition.

Intimidations

Un dévouement qui n’a pas faibli au fil des années. En décembre 2022, alors que le gouvernement est ébranlé par une motion de censure pour, entre autres, non respect de la Constitution, Christine Razanamahasoa déclare le document non recevable alors même qu’une centaine de députés, y compris du parti présidentiel, y avaient apposé leurs signatures. Six mois plus tard, son domicile était cambriolé et ses effets personnels – téléphone et ordinateur contenant des documents sensibles – dérobés.

« Je ne céderai pas aux intimidations et continuerai ma mission à la tête de l’Assemblée nationale », avait-elle déclaré, affirmant n’avoir « aucun doute sur l’identité des responsables », sans toutefois donner leurs noms. Avec la récente montée des tensions autour de la campagne présidentielle, aurait-elle décidé de changer de camp ?

Marionnette ?

D’abord applaudie par l’opposition après son discours du 17 octobre, la présidente de l’hémicycle inspire tout de même une certaine méfiance. « Rajoelina serait prêt à reporter l’élection présidentielle, mais en restant au pouvoir dans le cadre d’une transition. Et c’est elle qui serait chargée de mettre cela en place », croit savoir une représentante de l’opposition, qui voit en Christine Razanamahasoa « une marionnette » du président sortant.

« Il n’y aura pas de transition, ça ne se justifie pas », dément un membre du camp Rajoelina. Pour lui, la présidente de l’Assemblée nationale « essaie d’instaurer une transition avec l’opposition, pour pouvoir prolonger son mandat de député », lequel prendra fin en début d’année prochaine. « Elle soigne sa retraite politique », estime-t-il.

Toujours en campagne dans le nord du pays, Andry Rajoelina manœuvre-t-il à distance pour trouver un consensus ? Malgré sa démission du palais d’Iavoloha au mois de septembre après avoir confirmé sa candidature à la présidentielle, il a su garder la main sur certaines des plus hautes instances du pays. C’est d’ailleurs le général Richard Ravalomanana, une personnalité très proche du président-candidat, qui a été nommé à la tête du Sénat puis président par intérim, le 27 octobre dernier.

source: jeuneafrique

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