INTERVIEW – RICHARD RAMANAMBITANA – « De mes résultats dépendra ma candidature »

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INTERVIEW - RICHARD RAMANAMBITANA - « De mes résultats dépendra ma candidature »
INTERVIEW - RICHARD RAMANAMBITANA - « De mes résultats dépendra ma candidature »

Garry Fabrice Ranaivoson

Africa-Press – Madagascar. Après un baptême de feu qui a consisté à enlever les ordures en dix jours, le nouveau président de la délégation spéciale d’Antananarivo (PDS), présente ses priorités. Richard Ramanambitana laisse notamment entrevoir une ambition de briguer, par les urnes, la magistrature de la capitale, sous les couleurs du pouvoir. Ses résultats durant les sept prochains mois seront toutefois déterminants pour son futur en politique.

L’Express de Madagascar: En quelques mots, qui est Richard Ramanambitana ?

Richard Ramanambitana: Marié, père et grand-père, j’ai 54 ans. Je suis économiste de formation. Je ne suis pas novice dans la conduite des affaires de la commune urbaine d’Antananarivo. J’ai déjà été directeur général des affaires sociales au sein de la commune urbaine d’Antananarivo (CUA) en 2007. Récemment, en 2020, j’ai été directeur des relations avec les institutions, nommé par l’ancien maire Naina Andriantsitohaina, qui est actuellement ministre.

Qu’en est-il sur le plan politique ?

Avant ma nomination en tant que PDS, j’ai été sénateur de Madagascar à partir de 2021. J’ai également été connu en tant qu’enseignant et dirigeant d’un institut supérieur. Je suis enseignant en marketing stratégique et communication. Depuis 2018, je suis le président national de l’association IFI ou «Isika fikambanana miara-dia amin’i Andry Rajoelina». Elle rassemble différentes entités hors du parti «Tanora Malagasy vonona» (TGV), qui soutiennent le chef de l’État. J’ai également été coordonnateur, à deux reprises, du quartier général de campagne du Président.

Une partie de l’opinion publique est curieuse de savoir, qu’est-ce qui vous a motivé à quitter la tranquillité du Sénat pour la fournaise qu’est la CUA, autant sur le plan technique que politique ?

Comme je viens de le dire, je ne suis pas novice. J’ai déjà de l’expérience, que ce soit dans la conduite des affaires municipales ou en politique. Étant membre d’une structure politique, lorsque le chef de file donne une directive, mon rôle est de faire en sorte de la concrétiser. Concrétiser sa vision, réaliser la mission qu’il me confie. Au Sénat, il s’agissait surtout d’une mission politique. En tant que sénateur désigné, j’estime avoir rempli mon rôle dans le soutien politique du Président, mais aussi en tant que relais et interlocuteur des Collectivités territoriales décentralisées (CTD).

Actuellement, j’ai été désigné PDS. C’est une nouvelle mission que j’ai acceptée. C’est aussi une occasion de mettre à profit et de partager mon expérience en management stratégique d’une grande ville. Certes, ce ne sera pas une tâche facile. Mais aucune difficulté n’est insurmontable lorsqu’on a la volonté et la conviction de réussir. Il s’agit, par ailleurs, d’un travail d’équipe. Je reconnais que je ne pourrais pas y arriver tout seul. Une collaboration franche et une synergie avec tous les responsables sont nécessaires.

En somme, vous avez été appelé pour remplir une mission, mais vous n’avez pas postulé pour être PDS ?

Comme je viens de le dire, je suis désigné à ce poste. Ceci étant, je suis ici pour accomplir une mission. La mission que le président de la République m’a assignée est de travailler pour le bien-être des habitants d’Antananarivo. Cela passe par l’assainissement, mais aussi par l’embellissement de la ville. Certes, il s’agit d’une désignation, mais j’ai accepté cette mission avec plaisir et avec la ferme conviction que je vais réussir.

Les dispositions légales relatives aux délégations spéciales ont été modifiées. Dorénavant, le PDS peut se porter candidat aux communales. Être le candidat du pouvoir aux prochaines élections à Antananarivo ferait-il partie de cette mission qui vous est confiée ?

Mon point de vue sur cette question est simple. Si le PDS parvient à accomplir sa mission et obtient des résultats probants, il est envisageable qu’il puisse être le candidat du pouvoir lors des élections communales à Antananarivo. Dans le cas contraire, il est évident qu’il n’y a aucune chance pour que le PDS soit candidat. Je relève cependant le défi. J’y arriverai. Je parviendrai à redorer le blason d’Antananarivo avec le concours de ses habitants.

Pourquoi avoir accepté ce poste ? Comme vous le dites, si vous réussissez, ce sera une excellente rampe de lancement. Mais dans le cas contraire, ça pourrait sonner le glas de votre carrière politique.
Je viens de le dire. J’ai accepté cette mission avec la conviction de la réussir. Cela implique d’avoir une bonne stratégie d’action pour y parvenir. J’ai accepté pour également démontrer que je suis prêt à assumer la conduite des affaires de la commune que ce soit à court ou à plus long terme. Si j’y parviens en quelques mois, pourquoi n’y arriverai-je pas en cinq ans ?
Le redressement de la situation pourrait impliquer des actes impopulaires, bien que nécessaires. Comment allez-vous gérer les impératifs techniques et les sensibilités politiques de la population, surtout qu’au bout, il y aura les élections ?

(…) Qu’importe les différends politiques, le plus important est la lutte contre la pauvreté, l’insalubrité et d’autres priorités. Si le PDS d’Antananarivo parvient à gagner sur ces fronts, je pense qu’il pourra compter sur le fait que les habitants d’Antananarivo lui accordent leur confiance pour poursuivre le travail. C’est la raison pour laquelle il s’agit d’un défi énorme. Il faudra tenir compte des enjeux politiques, tout en engageant les actions nécessaires pour que la ville soit digne de son statut de capitale et de vitrine de Madagascar.

« Le but est, au final, de redonner ses lettres de noblesse à Antananarivo le plus rapidement possible.»
Quelles sont alors vos priorités ?

Premièrement, l’assainissement de la ville, notamment, l’efficience du ramassage des ordures. Il s’agit, d’autant plus, d’un défi posé par le président de la République. L’utilisation des véhicules et des équipements remis par le gouvernement japonais a permis d’avoir un bon départ. Un bon leadership et de la discipline à tous les niveaux sont aussi nécessaires. Le second point est la réhabilitation des routes. Il s’agit d’un dossier urgent, également. Et un dossier complémentaire avec l’assainissement.

Le troisième axe prioritaire est l’organisation des marchés. La capitale compte une trentaine de grands marchés. Ils contribuent, en grande partie, aux revenus de la ville. Il faut optimiser les recettes municipales en renforçant la coordination avec les responsables des différents marchés et en encourageant la coopération des marchands. Le dernier point concerne l’amélioration des relations entre les dirigeants de la commune et ses salariés. L’objectif est de renforcer la motivation de nos collaborateurs au sein de l’administration municipale.

Le but est, au final, de redonner ses lettres de noblesse à Antananarivo le plus rapidement possible. Qu’en quelques mois, Antananarivo redevienne une ville où il fait bon vivre, une ville moderne. Nous ne lésinons pas sur les efforts et nous comptons impliquer toutes les ressources à notre disposition, dont les ressources humaines. À l’exemple de l’assainissement. Nous avons pu relever le défi d’enlever les ordures qui s’entassaient, en dix jours.

L’opération nettoyage général, organisée dans les six arrondissements de la ville [hier], va dans ce sens d’impliquer tous les acteurs, jusqu’au niveau des Fokontany, dans cette quête de redorer le blason de la capitale. La devise de la délégation spéciale que je préside étant «Antananarivo, iray fo», ou «Iarivo, un seul cœur». C’est aussi le coup d’envoi d’une nouvelle façon de faire. Le nettoyage général se tiendra une fois par mois, au moins.

Pour en revenir à l’assainissement. Le défi des dix jours est terminé. Qu’en sera-t-il du nettoyage de la ville sur le long terme ?

Je tiens d’abord à remercier le président de la République et le Premier ministre pour leur soutien dans la concrétisation de ce défi de dix jours. Outre la dotation de matériel, il y a eu également un appui financier de l’État, surtout pour l’achat du carburant. Évidemment que nous nous projetons sur le long terme. Sur le plan technique, nous allons capitaliser sur la méthodologie appliquée durant ces dix jours. Un leadership fort, de la discipline, mais aussi, une bonne communication et de l’éducation citoyenne.

Nous avons par exemple pu faire respecter les articles 14, 15 et 16 du Code municipal d’hygiène. Comme la tranche horaire autorisée de 16 heures à 20 heures, pour sortir les ordures. Ou encore, seules les ordures ménagères peuvent être jetées dans les bacs à ordures.

Les autres types de déchets nécessitent une autorisation. Avec les nouveaux camions et équipements, nous avons dorénavant le matériel nécessaire pour nettoyer la ville.

« Une stratégie financière à cet effet sera bouclée incessamment pour être présentée devant le conseil municipal. »
Qu’en est-il des moyens financiers ?

Maintenant, s’agissant des moyens financiers, nous comptons d’abord, optimiser toutes les sources de revenus de la commune. L’idée est d’augmenter le taux de recouvrement fiscal, comme l’Impôt foncier sur la propriété bâtie (IFPB). Le constat est accablant. En 2021, le taux de recouvrement fiscal pour la trésorerie de la capitale était de 13,9%. En 2022, il n’y a que 0,07%, soit un taux quasiment nul.

À l’instar de l’opération assainissement, nous allons mettre en œuvre une stratégie pour mobiliser et encourager les contribuables à s’acquitter de leurs taxes. Sans revenu, l’administration municipale ne peut pas fonctionner correctement. Pour l’assainissement, par exemple, il y a la Redevance aux ordures ménagères ou ROME et d’autres redevances qui vont directement dans les caisses de la Société municipale d’hygiène (SMA). Elles contribuent pour beaucoup au budget nécessaire pour le ramassage des ordures. Il y a aussi les subventions de la part de la commune, selon les moyens à sa disposition.

Comptez-vous donc baisser le montant de l’IFPB ?

Ce sera le cas, en effet. Et ce sera nécessaire pour encourager les contribuables à payer. Ce sera, également, un des défis de la délégation spéciale de la ville d’Antananarivo. Une stratégie financière à cet effet sera bouclée incessamment pour être présentée devant le conseil municipal. Elle consistera, notamment, en un abattement du taux d’imposition. Il faudra juste prévoir une sorte de période transitoire durant le mois d’avril et mai. Le temps d’informer et de mobiliser les habitants. Le but est que les contribuables s’acquittent de leur taxe et que la commune ait, à sa disposition, une trésorerie suffisante pour travailler.

Toujours dans le domaine de l’assainissement, il y a la problématique d’évacuation des eaux à chaque saison des pluies. La démolition serait la solution. S’il fallait en arriver là, la délégation spéciale de la commune osera-t-elle en donner l’ordre ?

Dans la conduite des affaires de la commune, la délégation spéciale compte d’abord privilégier l’éducation citoyenne. Des échanges, des explications, de l’éducation mutuelle entre les responsables et les administrés sont nécessaires. Il faut que les citoyens sachent et soient convaincus que les décisions prises et mesures entreprises sont dans l’intérêt général et le respect de la loi ou son application. Des explications techniques et juridiques seront ainsi systématiquement apportées avant toute décision ou action.

Pour les cas d’obstruction de la voie publique ou de détérioration de biens publics, par exemple, des mesures d’accompagnement ou des alternatives seront proposées aux intéressés.

Cela pourrait être de construire une déviation, suivant les normes techniques définies par la commune, en cas de construction illicite obstruant des canaux d’évacuation. Sans quoi, la commune sera dans l’obligation de prendre les mesures qui s’imposent, puisque le mandat du PDS consiste en une mission spéciale.

L’autre grand défi de la CUA est la réhabilitation des routes. Comment comptez-vous trouver les moyens nécessaires ?

Pour la réhabilitation des routes, il faudra procéder de trois façons. Il y a la coopération avec l’État central. Je suis confiant qu’il appuiera la commune à cet effet. Le second moyen est le partenariat public privé. Nous allons encourager les partenaires privés, les opérateurs privés d’Antananarivo, pour prêter main forte aux autorités municipales pour la réhabilitation des routes. Le troisième volet est l’utilisation du fonds municipal dédié aux travaux publics. Après l’opération d’urgence de ramassage des ordures, nous entamerons la réhabilitation des routes. Il s’agit également d’une instruction du président de la République. Nous sommes en train de boucler le planning d’action. D’ici la fin du mois, probablement, les travaux démarreront. Il s’agira, néanmoins, des travaux selon les moyens à la disposition de la commune. Nous allons commencer les travaux avec le budget de la commune. Pour les grands chantiers, toutefois, un soutien de l’État et des partenaires privés s’avère nécessaire.

Il y a eu certainement une rencontre, ou un échange entre vous et le président de la République en vue de votre nomination. Vous a-t-il garanti le soutien de l’État central dans cet objectif de redorer l’image de la capitale ?

En tant que président de la République, il est responsable et soucieux du développement de l’ensemble du territoire. La bonne marchede la conduite des affaires de la commune d’Antananarivo le préoccupe donc, également. Oui, durant notre échange, il m’a assuré qu’il appuiera, autant que possible, la délégation spéciale dans sa mission de redressement de la capitale.

Source: L’Express de Madagascar

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