Madagascar Airlines : le combat des chefs

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Madagascar Airlines : le combat des chefs
Madagascar Airlines : le combat des chefs

Ikala Paingotra

Africa-Press – Madagascar. Le weekend a été l’occasion de voir avec amusement une étrange petite guéguerre bien peu digne et bien peu sage, lancée sur Facebook par Rinah Rakotomanga, membre du Conseil d’administration de Madagascar Airlines. Sa cible: Thierry de Bailleul, Directeur général de la même compagnie. On note que cela fait suite à une conférence de presse donnée il y a quelques jours par ce dernier, et durant laquelle la perspective d’une forte réduction des effectifs avait été annoncée pour assurer leur adéquation avec le volume des opérations. Effectivement, 800 personnes et 18 directeurs pour deux avions fonctionnels, cela fait un peu beaucoup.

Quels que soient les désaccords internes aux dirigeants de la compagnie, le choix de Rinah Rakotomanga de prendre à partie l’opinion publique des facebookers, et ce pour tenter de les gagner à sa cause, est d’un intérêt hasardeux. En face d’elle, la confiance entre le ministre des Transports Valéry Ramonjavelo et Thierry de Bailleul semble solide, et semble même bénéficier pour le moment du soutien du Président de la République et du Conseil des ministres. Ce n’est donc pas en s’agitant sur les réseaux sociaux qu’elle va réussir à faire bouger les lignes dans le sens qu’elle voudrait. C’est un manque de sens stratégique et de sagesse, surtout pour quelqu’un qui se targue d’être un expert en communication. D’autant plus que dans le contexte politique actuel qui est plus que tendu, le pouvoir n’a pas besoin d’ennemis internes à ses plans. Mme Rakotomanga s’est donc fait remarquer, reste à savoir si c’est à son avantage.

Mais son intervention était également bien peu digne, car Rinah Rakotomanga utilise dans ses attaques la référence au fait que Thierry de Bailleul soit un “vazaha”. Ainsi, dans ses deux posts sur le sujet en 48 heures, elle utilise ce terme 13 fois. Sa stratégie est claire: marteler que M. de Bailleul est un vazaha afin de titiller la fibre nationaliste, dans le but de mobiliser ceux qui sont prêts à s’enflammer à la moindre étincelle contre les « méchants vazaha qui profitent de Madagascar », qu’il s’agisse de la France, de la SADC, du FMI, de Rio Tinto ou de… Thierry de Bailleul. Cette approche a toujours de bons clients grâce à la xénophobie latente qui sommeille en chaque Malgache. C’est d’ailleurs ce qui a été utilisé pour plomber les partenariats avec Lufthansa Consulting, puis plus tard avec Air Austral. Mais pour quels résultats, à part la mise en faillite d’Air Madagascar ?

Un vazaha peut en cacher un autre…

Toutefois, là où elle risque de se tromper lourdement dans le contexte actuel, c’est qu’elle oublie qu’agiter l’étendard anti-vazaha va contribuer à réveiller dans l’opinion publique le souvenir qu’il y a aussi un autre vazaha dont la révélation de la nationalité est ressentie par beaucoup comme une trahison: son Excellence, si excellence il y a, le citoyen français qui préside aux destinées de la République de Madagascar. Ce dernier risque donc de prendre ombrage des saillies de la dame Rakotomanga contre M. de Bailleul, qui risquent de remuer une boue plus ou moins endormie. Sans oublier que ce comportement qui dénigre publiquement un DG sensé travailler dans le même objectif de sauver l’entreprise est loin d’être un modèle de dignité pour le personnel. Quelle image de cohésion, de stabilité et de confiance cela donne-t-il de Madagascar Airlines envers le public extérieur qui a besoin d’être rassuré ?

Faute d’éléments objectifs, on se gardera de choisir un quelconque camp entre les deux personnalités. On soulignera toutefois qu’en matière de transport aérien, le background de M. de Bailleul est largement plus parlant que celui de Rinah Rakotomanga. Il a donc un a priori favorable qui plaide en sa faveur. La Banque mondiale a d’ailleurs réitéré sa confiance envers le plan de sauvetage présenté par le DG. Toutefois, loin de nous l’idée de vouloir prendre sa défense: nous tenons juste à rappeler que jusqu’à preuve du contraire, Rinah Rakotomanga est loin d’avoir le profil d’un expert du transport aérien.

Mais au-delà de ses sautes d’humeur, justifiées ou pas, il y a une question qui se pose. Surfer sur l’équation “nationalité = compétence” est-il un signe de pertinence, voire d’intelligence ? Quand la compagnie malgache a été en de telles graves difficultés que l’État a jugé à trois reprises que les compétences nationales étaient insuffisantes, les dirigeants qui avaient contribué à ces difficultés étaient-ils Malgaches ou étrangers ?

Au moment de la mondialisation des échanges, les entreprises qui veulent réussir n’hésitent pas à rechercher leurs dirigeants en dehors de leurs frontières. Le président d’Emirates est depuis des décennies le britannique Tim Clark. Nissan avait fait appel au Franco-libanais Carlos Ghosn. On pourra également citer les cas du Suisse Nestlé, du Néerlandais Unilever, de la banque britannique HSBC Holdings , du britannique Vodafone, du Français Arcelor Mittal, du Suisse Novartis ou de l’Américain PepsiCo, qui ont dans le passé ou au présent eu des dirigeants étrangers. De même, de nombreux Malgaches s’expatrient car leur valeur est compétitive sur le plan international. Malheureusement pour les xénophobes, la maxime de Mao Tse Toung reste une vérité: « peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape les souris ». Reste à savoir si le chat vazaha attrape bien les souris, ou s’il est aussi incompétent que son collègue malgache qui parle beaucoup, mais avec peu de résultats.

Source: Madagascar-Tribune.com

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