« Mitsangana ry tanora » : une lecture politique

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« Mitsangana ry tanora » : une lecture politique
« Mitsangana ry tanora » : une lecture politique

Ikala Paingotra

Africa-Press – Madagascar. Les jeunes à l’origine de la chanson polémique « Mitsangana ry tanora » ont eu la dignité de prendre la mesure de l’impact de leurs manipulations « avant-gardistes » sur l’hymne du MDRM, et ont présenté leurs excuses.

Ces jeunes ont fait montre de sagesse et d’intelligence, là où d’autres auraient certainement fait montre d’arrogance et de sourde oreille devant une opinion publique défavorable. Tahiana Bradley et Didà ont montré de réelles valeurs malgré un contexte culturel de plus en plus orienté vers la recherche du buzz à tout prix. Qu’ils oublient l’erreur, et retiennent la leçon.

Résumons ce qui leur était reproché: changement du titre et des paroles, inclusion de paroles en français, insertion de paroles évangéliques, et adoption d’un rythme moderne pour séduire les jeunes. Tout ceci a été considéré à juste raison comme sacrilège envers un hymne symbolisant une partie des combats nationalistes du pays. Toutefois, on peut aussi essayer de comprendre leur motivation sur le fond du projet, même si on ne peut souscrire à la forme: éveiller la fibre patriotique chez les jeunes, et encourager leur foi. A priori, il n’y a donc rien de véritablement scandaleux dans ces objectifs, si ce n’était que ça concernait un chant portant une charge émotionnelle et symbolique pour beaucoup de générations de Malgaches.

Une lecture politique

Toutefois, à part cet aspect de non-respect d’une œuvre devenue institution dans la mémoire collective, ces jeunes ont certainement payé pour leur proximité supposée, à tort ou à raison, avec Andry Rajoelina. Tout comme Didier Ratsiraka à l’époque, le président actuel accorde beaucoup d’intérêt envers les « nouvelles églises », considérées par leurs détracteurs comme des sectes. Reste à savoir si c’est par conviction religieuse ou calcul politique afin de contrecarrer le FFKM. Toujours est-il que les mouvements évangéliques de jeunes ont le vent en poupe sous le pouvoir actuel, et bénéficient de largesses financières qui leur permet de produire des événements comme les antsam-piderana au stade Barea, ainsi que des clips qui coûtent cher. Bien entendu, l’inclusion de paroles évangéliques au côté des paroles originales a réjoui les grenouilles de bénitier, toujours heureuses de voir Dieu et Jésus mis à toutes les sauces au nom d’une mission d’évangélisation du monde qu’elles se donnent. Mais qu’une chose soit claire: tous les Malgaches ne sont pas chrétiens, et voir un mouvement religieux s’approprier ainsi un symbole du nationalisme qui appartient à tous a été logiquement ressenti comme une transgression inacceptable.

Il y a donc eu dès le départ une lecture politique du clip « Mitsangana ry tanora » produit par Unity, groupe soupçonné à tort ou à raison d’être soutenu par Andry Rajoelina, ce qui a catalysé les rancœurs contre lui. Celles des personnes qui ont un regard perplexe sur ses tentatives d’user de maquettes de comportement pour apparaître pieux et vertueux, malgré ses actes fort critiquables depuis son coup d’État de 2009 jusqu’à aujourd’hui. Celles des personnes pour lesquelles « Madagascar tanindrazanay » est un symbole du nationalisme, dans un contexte où la citoyenneté française de Rajoelina reste ressentie par beaucoup comme une trahison. Et surtout, celles des citoyens qui considèrent que Rajoelina a une forte responsabilité dans la déliquescence du respect des valeurs et des normes, dont « Mitsangana ry tanora » est devenu un exemple, à l’image du Colisée dans le Rova d’Antananarivo.

Finalement, le combat contre ce clip est donc devenu un mode d’expression politique pour les opposants. Clouer au pilori ce clip afin de contrarier Rajoelina et ses partisans est donc une stratégie de bonne guerre, à défaut de pouvoir manifester et exprimer librement ses opinions. Car à Madagascar, on connait la chanson: la moindre fausse note peut faire de son auteur un centre d’intérêt des forces de répression.

Source: Madagascar-Tribune.com

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