Ikala Paingotra
Africa-Press – Madagascar. Depuis ses débuts, la rédaction de Madagascar-Tribune.com a fait de la démocratie et du respect de l’État de Droit ses chevaux de bataille. Dans ces domaines, il faut reconnaître que Rajoelina et sa clique ont été des sujets d’inspiration, tant le viol des valeurs démocratiques et des principes de bonne gouvernance a été pour eux une pratique systématique. Nul n’est besoin de revenir dans le détail de tous les abus perpétrés en toute impunité par l’ancien régime, allant des fraudes électorales aux actes de corruption avérée, en passant par l’impunité des coquins chez les copains (affaires écrans plats, SMMC, fonds Covid, Imbiky Herilaza etc.).
Lors de son discours de prise de fonction, la nouvelle Garde des sceaux Fanirisoa Ernaivo a évoqué son propre cas, et a mis les sanctions à son encontre sur le compte de procédures politiquement motivées. On lui laissera la responsabilité de ce point de vue, en nous demandant quand même en quoi une révocation méritée de la magistrature pour « appel au lynchage public des membres des forces de l’ordre » serait une machination politique. En outre, elle a déclaré que les sanctions contre elle sont automatiquement levées avec le départ en exil de ceux qui les ont prononcées. On serait curieux de savoir sur quelle règle de Droit ce mécanisme se base, car plusieurs victimes de vraies accusations politiquement motivées sont toujours en train de végéter dans les prisons. Par la même occasion, on peut se demander en fonction de quels critères la Justice décide du caractère politique d’un emprisonnement. Question intéressante quand on a vu certaines libérations juste après la prise de pouvoir par les officiers du Capsat. Question intéressante quand on voit le renversement de la fortune judiciaire de ceux qui ont su se placer au bon moment du bon côté de la barrière, et passer d’un statut zéro à celui de héros.
Révélations d’actes sans scrupules
Parmi les avantages d’une alternance au pouvoir, c’est voir les langues se libérer au sujet des abus et actes arbitraires du régime déchu. Il est donc tout à fait normal que les révélations apparaissent en 2025, même si le développement d’une culture de la diffamation et de la manipulation rend pénible la distinction entre info et intox sur les réseaux sociaux. Si les malversations financières sont pour le moment au centre de l’attention, il y a des cas où les abus de pouvoir ont jeté des innocents derrière les verrous, sous le prétexte d’atteinte à la sûreté de l’État aux yeux de certains juges. Ces « grands criminels » ont porté un t-shirt mentionnant « Not my President », ont pris en photo un talon de bagage présidentiel, ont agité un pouce renversé au passage du cortège présidentiel, se sont fait cueillir à Ivato pour avoir partagé une critique contre le pouvoir sur Facebook.
Voilà quelques exemples des décisions de l’injustice à Madagascar. Si Fanirisoa Ernaivo veut vraiment redorer le blason bien terni de la Justice, elle devrait identifier et sanctionner les fripouilles de la chaîne judiciaire (enquêteurs et juges) et du monde politique qui ont été les complices sans scrupules de ces montages de dossier. Tout comme elle devrait le faire pour ceux derrière les emprisonnements de Rolly Mercia ou d’Iharizaka Rahaingoson. La fin de l’impunité est le premier pas vers une vraie refondation.
Dans ce cadre, le chantier de la Justice devrait être le premier auquel s’attaquer. Des déclarations des responsables étatiques à divers niveaux, y compris dans le milieu de la magistrature, pointent du doigt la corruption comme un fléau au sein de la Justice malgache. Cela est conforté par les rapports et indicateurs internationaux sur l’État de Droit et la corruption. On ne sait trop comment expliquer certains jugements reflétant le règne de l’arbitraire dans les tribunaux malgaches: s’agit-il du poids de la corruption, de l’incompétence des juges concernés, de l’arrogance du fait de leur pouvoir de nuire à autrui, ou simplement de leur stupidité? Voilà un sujet de réflexion pour Fanirisoa Ernaivo, si elle veut vraiment enclencher la refondation de la Justice malgache. Mais en a-t-elle la volonté et la capacité?
Réponse dans deux mois, et les points soulevés dans cet article seront de bons critères de jugement. Il y a une différence entre jouer à l’influenceur devant une caméra pour dénoncer l’inacceptable, et agir pour véritablement corriger la situation au-delà du werawera habituel de l’ancien régime. Toutefois, corriger la situation vers une véritable refondation passe également par renoncer aux pratiques de l’ancien régime en termes de vengeance politique pour s’en prendre juridiquement à ceux qui ont des idées différentes pour intimider l’opposition. Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina en avaient fait une spécialité en 2002 et 2009. Espérons que le Président de la refondation de la République de Madagascar et le Premier ministre sauront se souvenir des valeurs au nom desquelles le combat auquel ils doivent leur accession au pouvoir a été mené.
Source: Madagascar-Tribune.com
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