Ikala Paingotra
Africa-Press – Madagascar. Samedi dernier, la planète entière a rendu hommage au Pape François. Avec ses funérailles se tourne une page écrite par un Souverain pontife soucieux de la dignité de son sacerdoce. Il était humble, humain, et a montré sa volonté de réformer une Église catholique presque deux fois millénaire. Il n’a sûrement pas tout réussi, mais il a de nombreuses avancées à son actif. C’est sous son Pontificat que les révélations de nombreux scandales ont éclaboussé et fragilisé le clergé catholique, en particulier les actes de pédophilie et les viols de religieuses. Récemment la révélation des abus sexuels de l’abbé Pierre en a rajouté une couche.
Grâce à ses qualités, le Pape François a su rester un phare dans la tempête, et sa légitimité n’a jamais été remise en question malgré ces scandales. Sous son Pontificat, l’Église catholique a demandé pardon à plusieurs reprises pour des actes (ou l’absence d’actes) perpétrés par ses représentants. Conscient que les problématiques liées au changement climatique deviendront majeures, il a souligné son engagement envers l’environnement en publiant l’Encyclique Laudato Si. Infatigable messager pour la paix et la prise en considération des plus vulnérables, sa voix était de celles qui comptaient. Elle va donc manquer dans un contexte où la géopolitique accroît quotidiennement l’inquiétude planétaire.
Chef religieux, le Pape François était aussi un chef d’État, et jouait donc un rôle politique majeur. Certes, les dictateurs ne sont pas nécessairement respectueux du Saint-Siège. On se souvient notamment de la phrase sarcastique de Staline (“Le Pape, combien de divisions ?”) quand on lui faisait remarquer que le Vatican pourrait s’émouvoir de ses brutalités. Mais même avec des forces armées fortes de seulement 135 gardes suisses, le Pape François a été un chef d’État honorable et respecté. Il n’a jamais versé dans le déshonneur de dépenses de prestige et d’apparat. Tous ne peuvent en dire autant, surtout quand on observe le train de vie, le patrimoine immobilier et le parc automobile de tous les chefs d’État, surtout dans les pays les plus pauvres. Le Pape François se contentait de se déplacer dans une Fiat 500 ou une Ford Escort. Pas de Cadillac, pas de Mercedes Maybach: la véritable puissance n’a pas besoin d’être soulignée, car seul ce qui n’est pas évident a besoin du folklore lié au pouvoir pour être mis en valeur.
En Amérique latine et en Afrique, l’Église catholique reste une force puissante que les autorités locales rechignent à affronter. Symbole majeur de son aura politique: la cohorte de chefs d’État et de gouvernement qui s’est précipitée au Vatican pour assister aux funérailles du Pape François. Celles-ci ont été l’occasion de moments historiques en marge, comme la rencontre en aparté entre Donald Trump et Volodymir Zelensky.
Un protocole foulé aux pieds par quelques chefs d’État
Le Pape François est donc enterré, mais pour au moins 1,4 milliards de catholiques, il reste vivant à travers ses messages. Malheureusement, on ne croit pas que les autorités malgaches aient la capacité de les recevoir en héritage. Lors de sa visite à Madagascar en septembre 2019, le Pape avait appelé à « lutter contre toutes ces idolâtries qui focalisent notre attention sur les sécurités trompeuses du pouvoir, de la carrière et de l’argent et sur la recherche des gloires humaines » (homélie du Pape François, Antananarivo, 8 septembre 2019). Il n’est pas certain que le narcissisme mégalomaniaque des autorités malgaches leur donne l’espace d’entendre un tel message. Dans les événements mondiaux en lien avec le Vatican, Andry Rajoelina est probablement plus intéressé par les opportunités de photos et leur utilisation dans sa propagande, que par l’écoute et la réception des messages quant à la nécessité de l’humilité, de l’action pour le bien-être des plus pauvres, et du respect des valeurs de l’humanité.
Dans une cérémonie bien huilée et réglée, les seuls couacs auront été d’ordre vestimentaire. Malheureusement, le chef d’État malgache a fait partie des très rares à enfreindre le dress code que le Vatican avait pourtant pris soin de diffuser à l’avance: « Pour les hommes, un costume sombre avec une cravate noire longue et un bouton de la même couleur sur le revers gauche de la veste, où seules les distinctions vaticanes peuvent être placées. » Les médias internationaux ont pointé du doigt Donald Trump, Joe Biden, ainsi que le président Ukrainien Zelensky. Hélas pour les Malgaches, le français président de la République de Madagascar a aussi fait partie de ceux qui se sont singularisés par une tenue qui foulait aux pieds les consignes. Malheureusement pour lui, il n’a même pas été remarqué par la presse internationale, malgré son envie de paraître remarquable. Il aurait pourtant bien aimé figurer dans les titres aux côtés de ces trois noms.
On ne sait trop quelles étaient ses motivations. Incompétence de la direction du protocole de la Présidence qui ne lui a pas communiqué les informations idoines, ou bien incapacité du personnage à comprendre ce que sont le sens et l’importance du protocole dans le cadre des relations internationales, alliée à un narcissisme naturel qui le pousse à faire le manava-tena ? Il est vrai que quand on n’a pas de scrupules pour violer la Constitution en faisant un coup d’État, on ne va pas se laisser enquiquiner par un vulgaire dress code, fusse-t-il édicté par le Vatican.
Par ailleurs, on s’étonne de cette propension d’Andry Rajoelina à imposer sa progéniture dans les dîners et voyages officiels, comme s’il s’agissait de colonies de vacances. Si des « fils de » ou « fille de » comme Jean-Christophe Mitterand ou Ivanka Trump avaient des fonctions officielles qui justifiaient leur présence auprès de leur père, jusqu’à preuve du contraire ce n’est pas le cas des enfants Rajoelina. On se demande donc si les frais y afférents sont à la charge de l’État ou du paternel qui a envie qu’ils fréquentent les grands de ce monde.
Source: Madagascar-Tribune.com
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