Ndimby A., Patrick A.
Africa-Press – Madagascar. Les élections législatives ont tenu toutes leurs promesses : pour ne pas changer, les tentatives de fraude, les actes de violence et les comportements discutables de la part de responsables de bureau de vote se sont multipliés. Toutefois, à l’heure des smartphones, tout dérapage est facilement documenté, et à l’heure des réseaux sociaux, photos et vidéos circulent très rapidement. Vouloir comme autrefois continuer les tripotages malsains est une dangereuse ineptie. Le système électoral montre, encore une fois, qu’il est loin d’être digne de confiance. Et encore, l’équipe d’Ambohidahy n’est même pas encore entrée en jeu pour envoyer balader les requêtes documentées.
Un système électoral de moins en moins crédible
En matière électorale, au lieu de s’améliorer, la situation empire d’un scrutin à l’autre depuis des années. Le référendum de 2010 organisé par Andry Rajoelina avait été qualifié par le KMF-Cnoe de « pire élection qui lui a été donnée d’observer depuis sa création ». Preuve de la défiance et du désintérêt de la part de la population, la présidentielle de 2023 organisée et verrouillée par les proches d’Andry Rajoelina a vu le record d’abstention. Les législatives de 2024 ont également vu une abstention record. Ainsi, s’il est une chose qu’Andry Rajoelina est assurément incapable de réaliser, c’est l’organisation d’élections qui inspirent confiance par leur dignité et leur attachement à la fiabilité.
Comment peut-on donc comprendre les nombreux dérapages ? S’agit-il d’initiatives isolées d’individus trop zélés, d’incompétence de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et de ses démembrements, ou d’un vaste mouvement d’ensemble organisé par le pouvoir pour triompher sans gloire dans une victoire sans péril, comme il en a pris l’habitude ? L’avenir nous le dira.
La perte des derniers scrupules
Il est effarant de constater que même à Antananarivo, capitale de Madagascar, tant de dérapages aient été possibles. Même ce qui ne devrait être que coïncidence rend perplexe, comme cette coupure quasi-généralisée d’électricité dans la Capitale à l’heure où le le comptage des voix allait commencer. La question se pose automatiquement sur ce qui est en train de se passer dans les tany lavitra andriana. L’absence de scrupules et le manque de vergogne ne pourra qu’aller crescendo au fur et à mesure qu’on s’éloigne des regards inquisiteurs des observateurs, des médias et de la société civile qui ont une fâcheuse propension à empêcher de frauder en paix.
L’élection d’hier n’est qu’une dérive de plus dans un long défilé de faits qui montre la descente aux enfers de Madagascar. Le régime d’Andry Rajoelina a de moins en moins de scrupules à montrer sa vraie personnalité. L’utilisation de fonds publics pour acheter les voix et le manque manifeste de neutralité de l’Administration ne se cachent plus. Les actes marqués par l’incompétence, le manque d’intégrité et l’absence du moindre sens patriotique se multiplient. Malheureusement pour leurs auteurs, le werawera n’est plus assez solide pour cacher les méfaits.
Un deuxième tour déguisé
Les législatives 2024 font figure de second tour pour la présidentielle 2023. L’opposition avait les moyens de tenir sa revanche et s’est organisée en conséquence là où elle a pu, prenant en compte ses errements précédents. La coalition Firaisankina a donc été plus stratégique et a été capable de s’opposer aux pro-Rajoelina. On doute cependant que cela suffise pour avoir la majorité.
La campagne électorale a été comme d’habitude assez minable, basée pour la plupart des candidats sur des promesses qui relèvent du pouvoir exécutif et non des prérogatives des parlementaires, ainsi que des numéros de cirque en guise de propagande. D’ailleurs, les candidats savent-ils quel est le véritable rôle d’un député, et sont-ils fiables quant à leur engagement ? La société civile vient de publier le classement des députés en matière d’assiduité à Tsimbazaza depuis 2019. C’est le genre d’information utile qui permet d’évaluer la valeur que les élus accordent réellement à cette fonction. On ne fera pas de commentaires, mais nous invitons chacun à se faire une opinion. https://lookerstudio.google.com/reporting/02070cc3-e19f-4131-a67a-cae4aa250ce4/.
De sombres perspectives
Il est sans doute encore trop tôt pour avoir un aperçu fiable des résultats à l’échelle nationale. En-dehors d’Antananarivo, on regardera avec curiosité la situation de chefs de file de l’opposition tels que Siteny Randrianasoloniaiko et les députés de son mouvement qui se sont représentés, ou encore Christine Razanamahasoa. Le pouvoir ayant fait le maximum pour s’opposer à leur réélection, l’on va voir si ses manœuvres ont réussi.
Le nombre de bureaux de vote dépouillés jusqu’à présent ne permet sans doute pas encore de déterminer avec certitude quels sont les vainqueurs, surtout quand la première place est âprement disputée. Le résultat final peut se jouer à quelques milliers, voire quelques centaines de voix. Claironner sur la victoire des uns, la défaite des autres, et les histoires de poa-droa peut être assez présomptueux à ce stade.
On ne peut d’ailleurs qu’attirer l’attention sur le danger que représentent les interprétations hâtives sur la base de résultats très parcellaires donnés par la CENI. Les rangs vont évoluer au cours du temps. On se souvient sur quelles bases la crise de 2002 avait éclaté. Les législatives étant une élection de proximité, les citoyens sont plus attachés au respect de leur choix, et ont les moyens de vérifier. Les tentatives de manipulation seront donc plus facilement éventées, et tout forcing va se payer très cher. Malheureusement, la Haute cour constitutionnelle nous a habitué à la voir traiter la Constitution comme on traite les flamants roses.
Source: madagascar-tribune
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