Insomnie chronique : les bienfaits des thérapies cognitives

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Insomnie chronique : les bienfaits des thérapies cognitives
Insomnie chronique : les bienfaits des thérapies cognitives

Africa-Press – Madagascar. Trois ans que je me débattais avec mes problèmes de sommeil, accablé par un état de fatigue et de stress récurrent, m’assoupissant même à certaines occasions dans les bureaux de Sciences et Avenir. J’avais testé, bien sûr, tout un tas de remèdes: sédatifs légers proposés en pharmacie, rejoindre mon lit deux heures plus tôt que le moment habituel, siestes le week-end, méditation, etc. Les séances d’hypnose avaient produit certains bénéfices… disparus hélas ! au bout de quelques semaines.

Je retombais toujours dans les affres de l’insomnie. Forcé, lors des crises les plus sévères, de supplier une suite de médecins généralistes et psychiatres de me prescrire les plus puissants somnifères. Seules ces béquilles chimiques m’apportaient du répit, avant que le cercle vicieux de l’insomnie ne reprenne.

C’est au hasard d’une réunion de famille, à l’automne dernier, qu’un des convives m’a recommandé un “véritable ” spécialiste du sommeil. Ce qui tombait dans tous les cas plutôt bien, ma énième ordonnance d’hypnotique allant bientôt expirer. Je prends alors rendez-vous. Après un examen clinique, le médecin m’invite à remplir plusieurs questionnaires et, face à mon insistance, me prescrit les indispensables pilules.

Son verdict est néanmoins simple et sans appel: “Contre l’insomnie chronique, les thérapies comportementales et cognitives (TTC) sont les méthodes les plus efficaces, surtout sur le long terme. ” Force est de reconnaître que je n’avais encore jamais entendu parler des “TCC de l’insomnie”. Outre l’ordonnance, je repars donc avec l’adresse d’un praticien résidant rue du Laos à Paris, à quelques centaines de mètres du journal.

Un mois et demi, à raison d’une séance par semaine

Celui-ci, le psychologue Livio de Sanctis, m’explique au téléphone que la thérapie est relativement brève: un mois et demi environ, à raison d’une séance par semaine. Celle-ci est soit individuelle, en visioconférence, soit collective et en présentiel à Paris, “la deuxième option ayant l’avantage de créer une synergie et d’alléger les sentiments de solitude et d’incompréhension pesant sur une majorité d’insomniaques “, me convainc-t-il. Je choisis donc le groupe du lundi à 19 h 30, tout comme six autres patients.

En les rencontrant, je constate qu’une variété d’âges et de catégories socioprofessionnelles est représentée. Tous ont la mine triste – moi y compris -, le visage fermé. “Si vous êtes ici, c’est parce que vos insomnies durent depuis plusieurs mois ou années et que tout ce que vous avez entrepris n’a pas fonctionné, résume Livio de Sanctis lors de la réunion inaugurale. Mais rassurez-vous: les TCC apportent d’excellents résultats. ” Cette séance est consacrée aussi à nos parcours d’insomniaques. En racontant que mes nuits ont commencé à être déstructurées au début de l’épidémie de Covid et que je suis devenu “accro” aux somnifères, je constate que je suis loin d’être le seul.

D’autres causes originelles sont évoquées: décision professionnelle difficile, perte d’un être cher, etc. Le thérapeute nous interroge ensuite sur nos profils de dormeurs: “Êtes-vous plutôt du soir ou du matin ? De combien d’heures de sommeil pensez-vous avoir besoin ? ” Puis, sur nos types d’insomnie: “Avez-vous des difficultés à vous endormir, à rester endormi, des réveils précoces ? Combien de fois cela vous arrive-t-il par semaine ? ” Ces questions allaient devenir routinières. Car nous devrons remplir, chaque jour, un “agenda du sommeil”, précisant nos heures de coucher et de réveil, éveils nocturnes, somnolences en journée, repas et horaires de travail.

Chaque participant à la thérapie doit remplir cette grille. Un outil qui permet au praticien d’identifier les mauvaises habitudes et les problèmes spécifiques.

Certes un peu contraignant, l’outil est fondamental. C’est grâce à lui, en effet, que le praticien identifiera nos mauvaises habitudes et problèmes spécifiques, ajustant la TCC à la situation de chacun. Il per mettra d’estimer aussi l’”efficacité du sommeil”: le pourcentage du temps passé au lit la nuit et qui est réellement attribué à dormir. Trop faible chez un insomniaque, l’indice est censé grimper jusqu’au chiffre (normal pour les bons dormeurs mais pour nous indécent) de 85 % et plus.

Renforcer le lien entre le sommeil et le lit

Comme son nom l’indique, une TCC possède une composante comportementale et une autre cognitive. “La première agit sur la physiologie du sommeil et ses processus de régulation “, énonce doctement Livio de Sanctis. Car nous avons eu droit – et c’est essentiel pour la thérapie – à des explications très instructives sur les mécanismes clés. Notamment la “pression de sommeil”, qui nous pousse à dormir. Elle augmente proportionnellement tel un sablier avec la durée de l’éveil, se renforce avec la fatigue.

D’où ces recommandations: pratiquer des exercices physiques (en journée, pas le soir) et réduire significativement le temps passé dans son lit. Celui-ci est “toujours trop important chez les insomniaques, ce qui entretient la frustration, le stress et finalement l’insomnie “, assure Livio de Sanctis. Notre “coach” a donc concocté des programmes de restrictions personnalisées de la fenêtre de sommeil. Pour moi: coucher à une heure et lever à six heures. Tous les jours, même le week-end ! Dans un premier temps, heureusement, ces restrictions étant peu à peu relâchées.

Appelée “contrôle du stimulus”, une autre technique a permis de renforcer le lien entre le sommeil et le lit. Elle implique d’utiliser celui-ci uniquement pour dormir (et les rapports intimes). Et de le quitter au bout d’une vingtaine de minutes si l’on ne trouve pas (ou plus) le sommeil. Consignes qui n’ont pas toujours été faciles à appliquer, dois-je bien reconnaître… Mais ça marche: quel bonheur, même si les nuits sont courtes au début de la thérapie, de dormir enfin d’une seule traite. Et sans somnifère !

La partie cognitive a été aussi très enrichissante. Objectif: enterrer la hache de guerre avec les pensées et émotions négatives qui nous assaillent et tournent en boucle lors des éveils nocturnes. Cas d’espèce (personnel): “Il faut absolument que je dorme sinon ma journée de demain sera bousillée, je serai nul en conférence de rédaction, etc. ” Un insomniaque ne le sait pourtant que trop bien: plus on cherche le sommeil, plus il nous échappe.

L’idée est donc plutôt de le laisser venir, de se laisser surprendre. “Et d’en finir avec l’anxiété de performance, cette peur des conséquences qu’engendrerait nécessairement une mauvaise nuit, tout comme les attentes irréalistes concernant une nuit parfaite “, insiste Livio de Sanctis. Pour modifier notre dialogue interne, il nous enseigne des techniques de “restructuration cognitive”. Le principe: identifier et remplacer les pensées obsédantes, souvent fausses et négatives, par des alternatives plus réalistes, utiles, positives.

Exemples: “Tout compte fait, je m’en suis toujours plus ou moins bien sorti au boulot ; personne n’est toujours au top de ses performances, etc. ” Autant de compétences – et bien d’autres encore – que je ne peux détailler ici mais ô combien précieuses ! “À l’avenir, vous pourrez connaître comme tout le monde des nuits difficiles, prévient devant nos visages apaisés Livio de Sanctis, lors de l’ultime séance. Mais en les abordant de façon moins stressante, dramatique, et en sachant désormais comment réagir. ”

Une méthode encore trop peu utilisée

Pour plus de 80 % des patients, les thérapies comportementales et cognitives (TCC) améliorent significativement la plainte d’insomnie, la latence d’endormissement, la veille intra-sommeil et l’efficacité du sommeil. Cela est attesté depuis une trentaine d’années par quantité d’études. Avec des bénéfices qui se maintiennent généralement sur le long terme, bien plus qu’avec les traitements médicamenteux et sans leurs effets secondaires. Les TCC de l’insomnie sont pourtant largement sous-utilisées. Comment l’expliquer ?

Elles requièrent certes une bonne dose de motivation et d’efforts, au regard d’une prise de somnifères notamment. Coûtant environ 70 euros par séance, les TCC sont par ailleurs “très mal remboursées par l’Assurance maladie, même si des progrès ont été réalisés ces dernières années “, reconnaît la psychiatre Sylvie Royant-Parola. Le problème majeur est néanmoins la disponibilité. “Le nombre de praticiens est très en deçà de ce qu’il faudrait pour répondre à une pathologie touchant des millions de personnes “, indique l’experte.

Pour y remédier, le développement de plateformes numériques constitue probablement la meilleure solution, à l’instar de ThéraSomnia, premier programme français de TCC de l’insomnie en ligne. Créé en 2016 par le neurologue montpelliérain Michel Billiard, il propose des recommandations, parcours personnalisés et agendas de sommeil, sous le suivi de coachs-psychologues qui demeure indispensable.

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