Africa-Press – Madagascar. Cet article est extrait du dossier spécial “Mini-réacteurs nucléaires”, disponible dans le mensuel Sciences et Avenir – La Recherche n°924, daté février 2024.
À 58 ans, Stefano Buono a déjà fait fortune dans le nucléaire. Physicien disciple du Prix Nobel italien Carlo Rubbia au Centre européen de recherche nucléaire (Cern), il y a essaimé une biotech de médecine nucléaire, Advanced Accelerator Applications (AAA), vendue en 2017 pour 4 milliards de dollars à Novartis. En 2021, il a cofondé Newcleo avec l’ingénieur Luciano Cinotti et la physicienne Élisabeth Rizzotti. La start-up de près de 600 personnes, installée à Lyon, Avignon et à Turin en Italie, a levé déjà 400 millions d’euros auprès de riches familles italiennes, dont les Agnelli, et reçu 15 millions d’euros dans le cadre de France 2030. Elle boucle une nouvelle levée de 1 milliard d’euros.
“Rien qu’avec le stock existant en France, on peut produire notre électricité pendant mille ans !”
Sciences et Avenir: Vous développez un réacteur à neutrons rapides au plomb, quels en sont les avantages ?
Stefano Buono: Les réacteurs à neutrons rapides, comme l’était Superphénix en France, peuvent recycler la matière nucléaire combustible de multiples fois. Au lieu d’être un déchet dangereux, le combustible usagé des centrales devient une matière valorisable. Et rien qu’avec le stock existant en France, on peut produire notre électricité pendant mille ans !
Quant au plomb, l’URSS en utilisait déjà dans les réacteurs de ses sous-marins. Après la chute du mur, il y a eu des échanges entre Russes et Européens, et la R&D sur cette filière a progressé sans bruit. L’intérêt du plomb liquide, par rapport au sodium qu’utilisait Superphénix, c’est qu’il n’y a pas de risque chimique, ce qui permet de simplifier la machine et de la rendre moins chère. Les caractéristiques du plomb rendent aussi le système plus sûr. En cas de problème, notre conception permet au réacteur de s’éteindre tout seul, sans qu’une intervention humaine soit nécessaire.
Quels seront les usages ?
La demande d’électricité va doubler, voire tripler en Europe d’ici 2050. Or les SMR proposent une électricité décarbonée, fiable, pilotable, avec une flexibilité que n’ont pas les grosses centrales: ils peuvent se construire vite et s’assemblent en groupe selon la puissance désirée. Les nôtres peuvent servir à produire de l’hydrogène et autres carburants durables, pour la cogénération ou pour remplacer les centrales à charbon ou à gaz, polluantes.
“En France, nous entendons exploiter une vingtaine de réacteurs sur cinq sites en 2050”
Combien coûtera votre réacteur ?
En construisant de petites unités en mode standardisé, on peut être très compétitif. En France, nous investirons 3 milliards d’euros pour y construire notre tête de série et notre usine à combustible, car les industriels du secteur ne sont pas en mesure de nous fournir assez vite. En rythme de croisière, nos unités coûteront environ 800 millions d’euros, pour un prix de l’électricité de 50 à 70 euros le MWh.
Où en êtes-vous dans le processus d’autorisation réglementaire ?
Afin d’accélérer, nous tenons des réunions mensuelles avec l’Autorité de sûreté nucléaire. Après l’été 2024 s’ouvrira une phase de deux ans qui conduira à une demande officielle d’autorisation. Déjà, nous prospectons en France pour trouver un terrain d’ici au printemps. Nous visons 2030 pour la mise en service de notre tête de série, puis 2033 pour celle du premier réacteur commercial. En France, nous entendons exploiter une vingtaine de réacteurs sur cinq sites en 2050.
Newcleo
Puissance: 200 MW électriques
Usages: Remplacement centrales charbon et gaz, production d’hydrogène
Mise en service annoncée: 2030
Fonds levés: 415 millions d’euros
Start-up
Réacteur nucléaire
Autorité de sûreté nucléaire (ASN)
Petit réacteur modulaire
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