Ondes gravitationnelles : après une pause de trois ans, une nouvelle chasse est lancée

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Ondes gravitationnelles : après une pause de trois ans, une nouvelle chasse est lancée
Ondes gravitationnelles : après une pause de trois ans, une nouvelle chasse est lancée

Africa-Press – Madagascar. L’astronomie est décidément en fête ! Alors que le télescope spatial James Webb nous régale de ses points de vue à couper le souffle sur l’Univers, voici qu’a démarré le 24 mai 2023 une nouvelle campagne d’observations d’ondes gravitationnelles. Et elle s’annonce tout aussi passionnante que le JWST puisqu’il s’agit cette fois d’observer la danse puis la fusion de trous noirs ou d’étoiles à neutrons, les astres les plus étranges du bestiaire cosmique…

L’astronomie gravitationnelle, une “nouvelle fenêtre ouverte sur l’Univers”

Après trois ans de mise à l’arrêt afin d’améliorer leur sensibilité, les deux détecteurs constituant Ligo aux Etats-Unis ont donc officiellement repris du service. Ils seront rejoints dans quelques mois par l’instrument franco-italien Virgo installé près de Pise en Italie, et pour la toute première fois par Kagra, un instrument japonais en cours d’achèvement.

L’astronomie gravitationnelle, “cette nouvelle fenêtre ouverte sur l’Univers” selon l’expression consacrée, s’apprête donc à engranger une riche moisson d’observations, comme l’explique à Sciences et Avenir Sarah Antier, astronome à l’observatoire de la Côte d’Azur, au sein du laboratoire Artémis. “Depuis la première détection en 2015, 90 fusions, de trous noirs, d’étoiles à neutrons, ou d’un trou noir avec une étoile à neutrons, ont été enregistrées en trois campagnes. Grâce à l’amélioration des instruments, nous espérons cette fois en observer plusieurs chaque semaine, durant vingt mois. D’ailleurs, si le O4 [raccourci pour désigner cette 4e campagne, ndlr] a démarré officiellement le 24 mai, Ligo a détecté un événement dès 18. Cela montre que l’on peut vraiment s’attendre à une avalanche de détections”.

Une infime contraction de l’espace et du temps

L’astronomie gravitationnelle ne recueillie pas la lumière émise par les astres, comme le font les télescopes. Elle est sensible à quelque chose de bien moins décelable : le frémissement de l’espace et du temps. Lorsque deux astres très compacts, des trous noirs ou des étoiles à neutrons, fusionnent entre eux, la quantité d’énergie libérée est telle qu’elle déforme l’espace-temps. Cela génère des ondes gravitationnelles se propageant à la vitesse de la lumière dans toutes les directions, comme les vaguelettes à la surface de l’eau après la chute d’une pierre.

Ces ondes correspondent en fait à d’infimes contraction-dilatation des distances, totalement indétectables pour nous, mais qui n’échappent pas aux membres de la collaboration Virgo-Ligo-Kagra. Pour les saisir, ils comparent les trajets de deux faisceaux lasers réfléchis entre des miroirs. Une variation relative de leurs longueurs, détectée par interférométrie, trahit le passage de l’onde. “Concernant Virgo, nous avons installé de nouveaux équipements (miroir, laser, …) qui vont nous permettre de gagner en sensibilité. Mais il reste du travail à réaliser sur les miroirs, qui sont suspendus et sous vide, ce qui rend toute intervention compliquée. Tant que nous n’aurons pas achevé cette étape, nous ne pourrons pas augmenter la sensibilité de Virgo. Voilà pourquoi nous ne démarrerons que dans quelques mois”, précise Nicolas Leroy, qui dirige le groupe ondes gravitationnelles du laboratoire IJCLAB à Orsay.

Voir la danse des trous noirs juste avant qu’ils ne fusionnent

Gagner en sensibilité va permettre de voir plus loin dans l’Univers, et donc d’être témoin de davantage d’événements. Ligo pouvait “voir” jusqu’à 140 mégaparsecs (environ 450 millions d’années-lumière). Désormais son horizon se porte à 160 Mpc (620 millions d’A-L). Virgo quant à lui devrait passer de 30 à 60 Mpc (200 millions d’A-L). Kagra est encore en phase de test. Sa sensibilité n’est pour l’instant que de 1 Mpc (3 millions d’A-L), ce qui ne lui permettra de voir que des événements dans notre Univers local. Il devrait fonctionner environ un mois, afin de vérifier que l’interféromètre est au point, avant de stopper et subir une série d’améliorations et décupler sa sensibilité vers 2025.

Mais pourquoi multiplier ainsi ces instruments si délicats à mettre au point ? “Avoir 4 instruments permet de surveiller le ciel en permanence, même si un ou deux sont à l’arrêt pour diverses raisons techniques, répond Sarah Antier. Par ailleurs, il faut au moins deux instruments pour bien localiser la source d’une émission, par triangulation, comme avec le système GPS”. L’analyse des ondes gravitationnelles renseigne sur les masses qui tournoient les unes autour des autres, avant de fusionner en trou noir. Un mécanisme au cœur de l’astronomie gravitationnelle. “Il s’agit de comprendre comment le nouvel objet compact résultant s’est formé, selon sa masse. Si c’est un trou noir très massif, peut-il résulter la fusion successive de plusieurs étoiles massives par exemple ? En combien de temps ? Voilà le type de questions que l’on se pose”.

Comment se déforment les étoiles à neutrons

Un autre aspect intéresse les astronomes : le rapport de masse entre les corps qui fusionnent. “Lors de l’O3, nous avons eu des rapports intéressants. Par exemple, la rencontre d’un trou noir très massif avec une étoile à neutron. Comment des astres de masses si différentes peuvent-ils cohabiter l’un près de l’autre, puis fusionner. Lors de l’O4, nous espérons être témoins de rapports de masses très disproportionnés. Mais il faut collectionner le plus d’événements possibles pour avoir une chance de tomber sur la perle rare”, ajoute Sarah Antier.

Être capable de détecter des collisions lointaines permet aussi de mieux voir celles qui sont proches. “On mesure avec plus de précision les paramètres de la source, ce qui est d’un grand intérêt en astrophysique. Par exemple, s’il s’agit de la rencontre de deux étoiles à neutrons, nous devrions pouvoir observer la déformation des étoiles en se rapprochant l’une de l’autre” ajoute Nicolas Leroy.

Toute information sur ces astres extraordinaires que sont les étoiles à neutrons est précieuse. La densité d’une telle étoile, reliquat d’une étoile massive après son explosion en supernova, est estimée à une centaine de millions de milliards (1017) de kilogrammes par mètre-cube ! Autant dire que l’on ignore à quoi peu bien ressembler la matière ainsi concentrée. La voir se déformer permettrait de nourrir les modèles qui tentent de décrire cet état ultime de la matière. “Nous aimerions aussi saisir l’instant précis où la matière de l’étoile à neutrons atteint une densité colossale avant de devenir trou noir. Sur Terre, aucun accélérateur de particules ne parviendra à reproduire les conditions nécessaires. Tandis que dans l’Univers, cela se produit en permanence. C’est un fabuleux « laboratoire » auquel seules les ondes gravitationnelles nous donnent accès”, conclut Sarah Antier.

Une application pour être alerté du passage d’une onde

Dernière amélioration de cette nouvelle campagne : le système d’alerte. L’onde gravitationnelle n’est pas instantanée, elle ressemble à une série de vaguelettes qui déferlent sur le détecteur. Celui-ci sera capable de prévenir la communauté des astrophysiciens quelques secondes avant le passage de l’onde principale, ce qui permettra par exemple de braquer un télescope vers la source, et de saisir un flash lumineux associé à l’événement. Une application est même téléchargeable afin d’être prévenu du passage d’une onde gravitationnelle. Promis, ce passage est indolore. Mais quelle émotion de songer qu’à ce moment précis, l’espace et le temps vibrent car un jour lointain, deux trous noirs se sont percutés, à des milliards et de milliards de km de la Terre…

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