Un “guépard” éteint il y a 12.000 ans et aux caractéristiques étonnantes

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Un “guépard” éteint il y a 12.000 ans et aux caractéristiques étonnantes
Un “guépard” éteint il y a 12.000 ans et aux caractéristiques étonnantes

Africa-Press – Madagascar. Il existe en Amérique du Nord une espèce d’antilope, appelée pronghorn ou sobrement antilope d’Amérique. Cette espèce possède une vitesse de pointe de 100 km/h, faisant d’elle l’animal terrestre le plus rapide derrière… le guépard (Acinonyx jubatus). Cette vitesse élevée de l’antilope a longtemps été justifiée comme une réponse adaptative à la vitesse du “guépard américain” (Miracinonyx trumani), éteint depuis 12.000 ans lors de la crise de l’Holocène.

Cependant, des chercheurs des universités de Malaga, Valladolid (Espagne) et de Wisconsin-Madison (Etats-Unis) ont montré que Miracinonyx trumani était en fait légèrement plus proche du puma (Puma concolor) que du guépard. Lui permettant “d’emprunter” des caractéristiques aux deux espèces et de faire de ce dernier une espèce sans pareil de nos jours. Les résultats des scientifiques ont été publiés dans la revue Biology letters.

Rapide comme un guépard… mais plus souple

De nombreux fossiles du squelette de ce “guépard américain” ont été retrouvés, particulièrement dans le Natural Trap Cave (Wyoming). Un gouffre dans lequel des fouilles ont permis d’apporter énormément d’informations paléontologiques sur la période du Pléistocène supérieur en Amérique du Nord. Les ossements utilisés pour l’étude datent de 23.000 à 25.000 ans.

À la vue de son squelette, les chercheurs l’ont associé à un animal adapté à la course rapide et non à l’élaboration d’embuches (comme le tigre ou le lion). Ses membres et ses articulations sont en fait, visuellement en tout cas, très similaires à celles d’un guépard : faits pour être le plus efficace possible lors de la course. Chez le guépard, ces modifications squelettiques lui ont fait perdre de la souplesse articulaire et l’empêchent de bien pouvoir plier ses pattes en supination (mouvement de rotation externe de la main et de l’avant-bras), diminuant grandement sa capacité à attraper ses proies et à les immobiliser. Cela devrait également logiquement impacter son cousin du Nouveau Monde, mais selon l’étude, ce n’est pas le cas. Miracinonyx trumani possédait également des griffes complètements rétractiles, contrairement au guépard, essentielles pour immobiliser ses prises avant de les tuer en les sortant complètement. Son association au guépard serait alors injustifiée.

Une articulation à mi-chemin entre le puma et le guépard

Les chercheurs ont analysé l’extrémité de l’humérus de 26 spécimens appartenant à 11 espèces différentes : guépard, caracal, serval, panthère nébuleuse, lion, jaguar, puma, margay, chat pêcheur, panthère des neiges et évidemment le “guépard américain”. Le but étant de définir la souplesse articulaire de cette espèce éteinte par comparaison avec celles vivant aujourd’hui. Cette extrémité de l’os est divisée en deux parties : le capitulum et la trochlée humérale, qui seront analysées séparément.

L’humérus est un bon indicateur de la morphologie du coude, car il vient s’insérer sur l’articulation. Après comparaison, on observe que le capitulum du guépard est le plus courbé des espèces observées, tandis que le puma à l’inverse est le plus droit. La trochlée humérale, elle, est plus distale (éloignée d’un organe de référence ou du tronc de l’animal) chez le puma que chez le guépard. Une inclinaison élevée du capitulum permet un gain en vitesse de course et une plus grande distance par rapport à la base de l’humérus de la trochlée humérale résulte en une meilleure capacité de supination.

Comparaison des articulations de M. trumani, A. jubatus et P. concolor. (a) Superposition des trois articulations pour y voir les différences anatomiques. (b) Analyse des déviations articulaires, les couleurs chaudes montre des déviations positives (en mm) et les couleurs froides des déviations négatives. Crédits : B. Figueirido et al., Biology Letters

En l’occurrence, le puma semble avoir une très bonne capacité de flexion et une vitesse moindre alors que le guépard est adapté pour une grande vitesse et une mobilité articulaire bien plus faible. Et notre ami américain dans tout ça ? Il possède une articulation à mi-chemin entre les deux espèces, mais légèrement plus proche de celle du puma qui est même le félin actuel dont il est le plus proche, en tout cas au niveau du coude. Toutefois, les chercheurs préviennent que cela ne suffit pas pour prouver que les deux félins chassent de la même manière, mais cela permet de montrer que le “guépard américain” avait également une bonne capacité à fléchir sa patte en supination et donc à attraper ses proies.

Une espèce de félin à part

Un dernier outil a été utilisé pour comparer ces félins : l’index de pression systolique. C’est le rapport de la pression systolique (tension artérielle à son maximum au cours de la contraction du ventricule gauche) de la cheville sur la pression systolique humérale. Cet index permet, en utilisant la pression artérielle, de définir quels félins sont spécialisés dans les embuches (l’art de se camoufler à l’aide de sa fourrure et attendre que la proie s’approche assez près) ou les poursuites lors de la prédation.

Plus la valeur est basse, plus l’animal est adapté à la prédation par embuche ; plus la valeur est haute, plus il est adapté à la poursuite. Étonnamment, les valeurs du guépard américain (98.3) et actuel (103) sont plus proches que celle du puma (86.6). En effet, si l’analyse des os du coude pouvait laisser penser que M. trumani avait une technique de chasse proche du puma, la pression systolique vient la contredire ! Ce qui conforte l’idée que son profil de chasseur est inexistant aujourd’hui. Autre détail intéressant : sa valeur est exactement la même que celle du lion (98.3), qui embuche ses proies dans un milieu ouvert, similaire aux grandes plaines américaines.

Cette étude montre ainsi que Miracinonyx trumani n’était pas spécialisé dans la poursuite comme son homologue actuel, et de manière générale, sa technique de prédation n’existe sûrement plus. Aucun félin actuel ne présentant des caractéristiques similaires à celles observées par l’étude sur M. trumani. Aussi, elle soulève des questions quant aux facteurs écologiques convergents entre le guépard et lui, ou quant à la vitesse de l’antilope d’Amérique qui pourrait plutôt s’expliquer par l’adaptation à l’expansion de son habitat de prédilection, les grandes plaines, que par la vitesse du guépard américain.

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