Africa-Press – Mali. De Bamako à Gao, les coupures d’électricité sont récurrentes à travers le pays. La grogne montre contre le fournisseur, Énergie du Mali (EDM), mais aussi contre le gouvernement de transition.
L’anecdote a été largement relayée et la photo montrant un tas de poulets morts dans un congélateur éteint fait le tour des réseaux. Ce 8 novembre, un jeune entrepreneur malien s’est plaint d’avoir perdu la majorité de son fonds de commerce – 500 poulets, pour une valeur estimée à 1,7 millions de francs CFA – à cause des coupures d’électricité.
Comme lui, des milliers de Maliens souffrent des délestages de plus en plus nombreux et de plus en plus longs. « On atteint des pics de dix voire douze heures sans électricité, même au centre-ville de Bamako », peste Clément Dembélé, président de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage au Mali (PCC-Mali).
Accompagné d’une cinquantaine d’associations, ce dernier organise une manifestation ce vendredi 17 novembre dans la capitale pour protester contre les coupures d’électricité au Mali. Outre le fournisseur public EDM (Énergie du Mali), encore une fois sous le feu des critiques, le gouvernement de transition est, lui aussi, dans l’œil du cyclone.
Exaspération générale
À Gao, dans le nord du pays, l’exaspération est telle qu’un groupe de militaires a fait irruption, le 3 novembre, dans l’antenne locale d’EDM pour contraindre le directeur régional intérimaire de le suivre sur un champ de tirs. Les hommes en treillis n’ont pas hésité à lui tirer entre les jambes et à le menacer de mort pour obtenir de l’électricité.
Un comportement inacceptable pour le syndicat d’EDM à Gao, l’Union régionale des travailleurs de Gao (URT-G). Dans un communiqué, elle a dénoncé un incident conduit « par nos propres militaires censés nous sécuriser » et menacé d’entamer une grève. Quelques jours plus tard, une rencontre entre le gouverneur de la région et les syndicats a permis de trouver un terrain d’entente.
Si l’épisode en est resté là, la fracture engendrée par les problèmes d’électricité au sein de la société malienne demeure béante. Consciente du problème, la ministre de l’Eau et de l’Énergie, Bintou Camara, a pris la parole le 25 octobre à la télévision nationale pour présenter ses excuses à la population. Les coupures « irritent tout le monde, même le président de la transition Assimi Goïta », a-t-elle assuré.
Mauvaise gestion d’EDM
Pour elle, EDM est l’unique responsable. Elle dénonce une « société mal gérée […] devenue un instrument politique », et gangrénée par la corruption. D’après la ministre, les responsables de l’entreprise alimentent un système de détournement et de revente de gasoil, dont la rentabilité aurait poussé le fournisseur d’électricité à arrêter les principales centrales du pays.
« Qu’on nous apporte des preuves », s’est défendu en conférence de presse, le 27 octobre, le syndicat des travailleurs d’EDM. Pour lui, le problème est ailleurs et les autorités doivent investir pour sortir de la crise. « La société est endettée à plus de 500 milliards de francs CFA », a-t-il ajouté.
« On est dans une situation de corruption à ciel ouvert », indique Clément Dembélé, qui compare le fournisseur officiel du pays à « une vache à lait que tout le monde est venu traire et qui, aujourd’hui, se meurt ». Si les dénonciations de la ministre ont fait l’effet d’un séisme – certains louant sa franchise, d’autres réfutant ses propos –, les solutions se font toujours attendre.
Nouveaux contrats de management du carburant, informatisation du processus, licenciements… La liste des solutions est longue. « Mais avant tout, il faut être patient », plaide Bintou Camara, qui assure que le gouvernement a injecté plus de 200 milliards de francs CFA de subvention dans l’entreprise depuis le mois de janvier.
« On ne peut plus attendre »
« On ne peut plus attendre, conteste Clément Dembélé. Le peuple malien souffre et c’est la responsabilité de l’État. » Alors que les autorités de transition ont remporté une victoire hautement symbolique en reprenant Kidal aux groupes indépendantistes armés, elles sont désormais attendues sur le dossier EDM.
Directement interpellé par la société civile – qui voit les délestages comme une plaie dans la transition –, Assimi Goïta multiplie les contrats avec la Russie pour tenter de trouver une solution. Mi-octobre, à l’occasion de la « semaine russe de l’énergie », Bintou Camara a signé un contrat pour la construction de quatre centrales nucléaires, de barrages électriques ou encore le développement de l’énergie solaire… Autant de projets qui viennent s’ajouter à la longue liste de promesses faites par la Russie.
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