In memoriam Chérif : digne d’amitié et de fraternité!

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In memoriam Chérif : digne d’amitié et de fraternité!
In memoriam Chérif : digne d’amitié et de fraternité!

Africa-PressMali. Le lundi 26 juillet 2021, j’ai souhaité un excellent début de semaine à notre amie commune, Dousou DAMBA, une de nos camarades d’âge et de classe, que j’avais personnellement perdue de vue depuis notre tendre enfance. Nos chemins ne s’étaient plus croisés pour diverses raisons, jusqu’à récemment.

C’était un message whatsApp et elle m’a répondu par le même canal, en pleurant : « Tu n’es donc pas au courant ? Notre ami nous a fauché compagnie, à Paris, ce matin de bonheur. Je suis effondrée, ma semaine a plutôt mal commencé. J’ai perdu un Jatigi, noble, digne et fier, un protecteur, un soutien au vrai sens du mot. J’étais sa griotte attitrée, sa confidente ».

Comme Dousou, j’étais effondré, surpris par ton soudain départ, même si je te savais très affaibli par la maladie, ces derniers temps. Dans mon for intérieur, je me disais que les bonnes personnes de ta graine ne devraient pas mourir prématurément. Dieu Lui-même veille sur elles. Cependant, je devais me résoudre à l’évidence, à la sentence divine, coranique : « Toute âme goûtera à la mort ».

C’est ainsi que j’ai rendu grâce à Dieu, pour nous avoir repris ce qu’Il nous avait donné, comme un don du Ciel : Chérif Ahmed CISSE, fils de Diaguéli et de Dalla TOUNKARA-GARI, petite-fille du Chef de Canton de Nioro du Sahel (pour la petite histoire).

Ensuite, j’ai consolé notre amie commune, Dousou, en ces termes : « Chérif est mort, physiquement ; mais, il restera gravé dans nos mémoires individuelles et collectives, jusqu’à la fin de nos propres vies éphémères sur cette minuscule terre frêle des hommes, dévoreuse de grands hommes par la grandeur de leur âme, l’amour sans retour qu’ils ont pour leur prochain, la sincérité qui les caractérise dans leur amitié indéfectible, à l’instar de notre Chérif, le Chérif de tout le monde et de tout un chacun ».

En effet, tu avais un don particulier : chacun pense de toi que tu lui es le plus proche ; parents, amis, camarades de promotion, collègues de travail, fidèles de la tarîqa tijaniya/hamawiya, etc. Personne n’a de reproches à te faire dans le commerce humain avec les autres : c’est les autres qui peuvent avoir des tonnes de dettes en humanité envers toi, pas toi à l’endroit de qui que ce soit. Aussi, une fois ton décès confirmé et la première émotion passée, m’étais-je proposé de te rendre hommage, en griffonnant quelques lignes tortueuses.

Mais, j’ai dû renoncer en lisant le brillant hommage à toi rendu par ton service employeur, en France, ISM (spécialisé dans l’interprétariat), à travers son Directeur Aziz TABOURI : « Au nom de toute l’Association ISM, nous présentons nos sincères condoléances à ta famille, ton épouse et tes enfants. Que leur dire qu’ils puissent entendre en ces moments de douleur ? Aucune des 185 langues que nous parlons n’en a les mots justes. Peut-être simplement l’expression de notre témoignage que tu as été un homme exceptionnel. C’est aussi le souvenir que nous en garderons pour toujours ». Exceptionnel, oui, tu l’étais, surtout pour moi.

En effet, notre amitié remonte à octobre 1972, alors qu’on venait tous les deux d’être inscrits à l’école française : tu avais 08 ans et moi, 09, selon le calendrier grégorien. En vérité, il y a moins de six mois entre nous. J’y étais inscrit en retard pour avoir commencé par l’école coranique du quartier Tichitt, sans doute parce que mon père me destinait à être un « grand marabout » comme mon très respectable homonyme, Seydina Oumar Ould Dembo NIMAGA (le père de l’actuel directeur de l’AMRTP, un grand notable de votre communauté Diakanké). Bref, tous les deux, on a fait un parcours sans faute, jusqu’au baccalauréat, sans aucun redoublement dans notre cursus scolaire. Toutefois, après le DEF, en 1981, tu es venu à Bamako où tu as fréquenté le lycée Askia et moi, je suis resté à Nioro du Sahel pour le lycée qui venait juste d’y être créé. Avec mon baccalauréat en poche, en 1984, nous nous sommes de nouveau retrouvés à Bamako, pour être inséparables, jour et nuit, jusqu’à ton départ en France, en 1989.

Cependant, tu étais de loin le plus intelligent de notre génération, dans les petites classes. Tiens, te souviens-tu ? En classe de 5è, l’inspecteur Moussa Soussin DEMBELE (le père du général Cheick Fanta Mady DEMBELE) avait accepté la proposition à lui faite par notre instituteur de te laisser faire l’examen du CEP pour pouvoir passer directement en 7è année du cycle fondamental, en sautant bien entendu la 6è année. Une proposition que tu as refusée pour ne pas devoir te séparer de nous autres camarades et cancres de ta promotion.

Personnellement, je peux témoigner sur cette intelligence phénoménale, hors du commun : tu t’amusais à dessiner, à main levée, la carte de l’Afrique sur le tronc des goyaviers de votre jardin, avec le nom des capitales de chaque pays, celui des cours d’eau, souvent avec le nom des chefs d’Etat, etc. Une prouesse dont peu de titulaires de Master II sont aujourd’hui capables !

Je le dis haut et fort, je te dois la réussite sans faute de mon cursus scolaire et universitaire, grâce à ta fréquentation vertueuse dès le cycle primaire, et une éternelle reconnaissance par voie de ricochet. Te souviens-tu encore ? Mon père m’avait interdit la fréquentation d’un ami d’enfance, Zanké, dont la tante paternelle vivait en location, avec son mari, dans une des concessions paternelles, en face de la mosquée Thierno Hady TALL. On s’y rencontrait parce que, moi, je donnais régulièrement à manger et à boire à notre cheval (tout rouge) qui y était gardé et Zanké rendait régulièrement visite à sa tante. En vérité, mon père avait vu juste : c’est ce nommé Zanké qui voulait m’apprendre à fumer et à « couper » de la cigarette. Cette nuit-là, j’avais consommé du « bashi » (couscous africain), accompagné de lait et de tête de mouton, comme à l’accoutumée dans la famille. Puisque je m’y étais mal pris, j’ai tout vomi. Du coup, je ne voulais plus sentir l’odeur même de la cigarette. Aussi, un jour, suis-je revenu à la maison avec des goyaves que tu m’avais offertes. Mon père m’a interpellé : « D’où est-ce que tu sors avec ces grosses goyaves ? A ce que je vois, ce ne sont pas celles de notre propre jardin ». Je lui ai répondu que c’est toi qui me les avais données. Il a aussitôt acquiescé, en me disant, rassuré : « Le fils de Diagueli est digne d’amitié, pas Zanké. Pigé ? ». Depuis, j’ai pris ce conseil de mon père comme un ordre à lier amitié avec toi, pas avec quelqu’un qui pouvait me conduire sur des chemins sinueux, peu vertueux. Et, je ne l’ai pas regretté, comme témoigné ci-dessus.

Ton propre parcours scolaire, universitaire, social et professionnel est une école pour la jeune génération malienne, notamment celle de la diaspora, à l’image du témoignage porté par le Directeur de l’ISM : humilité, empathie, courage, probité morale, compétence et professionnalisme.

Les échos nous sont parvenus, ici, au Mali : la prière à la mosquée du Foyer, à Paris, a drainé une foule immense de fidèles musulmans, prouvant l’homme de piété, d’honneur et de dignité que tu fus parmi les simples mortels que nous sommes.

Je passe sous silence notre complicité spirituelle dans la tarîqa tijaniya/hamawiya. Une voix plus autorisée que la mienne, celle de Monsieur Aba Oumar MAIGA, porte-parole, t’a rendu un vibrant hommage à ce sujet : un fidèle parmi les fidèles de Cheikh Hamallah. Tu t’es investi, corps et âme, pour cette tarîqa.

Dors en paix, tlamid Cheickné Hamahoulah. Un titre que tu n’as point usurpé puisque c’est le Chérif de Nioro en personne qui a dirigé la prière mortuaire, à la Zawiya principale de Cheick Hamallah, ce dimanche 1er août 2020, à 10h 40, pour te rendre l’ultime hommage, avant le face-à-face avec notre Seigneur.

Mieux, après la prière, il a tenu à te rendre un hommage spécial, pour ton attachement avec ferveur à notre tarîqa commune en laquelle tu avais une foi sincère et inébranlable. I SISE, MAKANBAJU ! Ton plus que frère en amitié, qui ne pourra jamais rembourser les dettes morales et matérielles qu’il a contactées envers toi.

Seydina Oumar DIARRA-SOD

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