5 Mesures D’hygiène Mentale Contre la Dépression

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5 Mesures D’hygiène Mentale Contre la Dépression
5 Mesures D’hygiène Mentale Contre la Dépression

Africa-Press – Mali. Une réduction de 57 % du risque de dépression avec un mode de vie « sain »: telle est la conclusion à laquelle viennent de parvenir Yujie Zhao et ses collègues des universités de Fudan (Shanghai, Chine) et de Cambridge (Royaume-Uni). Les chercheurs ont analysé les comportements et la santé de près de 300.000 personnes pendant une dizaine d’années, grâce à la gigantesque cohorte UK Biobank. Leur étude, publiée en septembre 2023 dans Nature Mental Health, s’ajoute à la longue liste de travaux dont la conclusion est unanime: le mode de vie est un puissant moyen d’agir sur sa santé mentale.

Les comportements bénéfiques considérés ici peuvent être regroupés en cinq grandes catégories: une alimentation adéquate, suffisamment d’activité physique, un sommeil satisfaisant, de bonnes relations sociales, pas de tabagisme. Bien plus qu’à de simples corrélations, les chercheurs ont procédé à ce qu’on appelle une « randomisation mendéléienne », une méthode statistique qui permet, dans certaines configurations, d’établir des relations de causalité. L’apport de cette méthode est précieux, dans ce contexte où l’on se pose toujours la question de l’œuf et de la poule: est-ce parce qu’on mange mal et qu’on ne bouge pas assez que l’on devient dépressif, ou bien est-ce la dépression elle-même qui conduit à ces habitudes peu saines? Les deux sont vrais, selon cette étude.

Les chercheurs ont aussi analysé les profils génétiques des participants et le mode de vie s’est révélé protecteur même chez ceux qui présentent une forme de fragilité naturelle: « Ces résultats montrent que le mode de vie protège de la dépression y compris chez les personnes à haut risque génétique, s’enthousiasme le psychiatre et chercheur Guillaume Fond, auteur du livre « Bien manger pour ne plus déprimer » (Odile Jacob) et responsable d’un centre expert sur la dépression résistante à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille. Autrement dit, il n’y a pas de fatalité génétique pour la dépression. C’est un message capital. »

Des habitudes de vie peu saines ont des effets sur le cerveau

Si le mode de vie exerce une telle influence, c’est qu’il affecte en profondeur l’état et le fonctionnement du cerveau, modulant en particulier le niveau d’inflammation qui y règne. Or une inflammation chronique serait en cause dans de nombreuses dépressions: elle entraînerait notamment la libération de molécules appelées cytokines, qui perturbent la synthèse de neurotransmetteurs essentiels de l’humeur, comme la sérotonine ou la dopamine, et déclenchent la production de composés toxiques pour les neurones. « Bien manger, dormir suffisamment, faire du sport, tout cela atténue l’inflammation « , explique Guillaume Fond. À l’inverse, le tabac ou les graisses saturées de la « junk food » l’accentuent, de même que l’isolement social. « Tout stress psychique entraîne aussi un stress biologique « , souligne le psychiatre.

De nombreux aspects du mode de vie modulent également le stress oxydatif, une forme d’agression interne de la cellule causée par une surabondance de composés très réactifs. Finalement, des habitudes peu saines dégradent le fonctionnement du cerveau, voire l’abîment localement: dans la cohorte UK Biobank, ces habitudes étaient associées à une moindre épaisseur de zones cérébrales importantes pour la régulation émotionnelle, comme le cortex préfrontal médian ou le cortex orbitofrontal. D’autres mécanismes sont plus spécifiques, le sport entraînant par exemple la libération d’une substance qui stimule la croissance neuronale.

Le mode de vie a un tel effet sur le cerveau et le psychisme que, non content de prévenir la dépression, il peut aider à la soigner. C’est particulièrement bien démontré pour l’activité physique, mais les indices s’accumulent aussi pour les autres facteurs. En 2017, la chercheuse australienne Felice Jacka et ses collègues ont mené un essai contrôlé randomisé nommé Smiles (pour Supporting the Modification of lifestyle In Lowered Emotional States), incluant une soixantaine de patients dépressifs se nourrissant mal. Résultat: l’adoption d’habitudes alimentaires plus saines a notablement amélioré leurs symptômes, le tiers d’entre eux entrant même en rémission au bout de trois mois.

Un rapport collectif de l’Inserm publié en 2019 va jusqu’à conseiller la prescription de séances de sport avant tout traitement médicamenteux, du moins pour les dépressions légères à modérées. « Les études cliniques démontrent qu’un programme d’activité physique adapté est aussi efficace que les antidépresseurs, sans les effets secondaires « , affirme le Pr Grégory Ninot, directeur adjoint de l’Institut Desbrest d’épidémiologie et de santé publique (Idesp), un des auteurs du rapport.

Pour les cas plus sévères, les médicaments restent indiqués. Et lorsqu’ils ne fonctionnent pas? « L’une des principales raisons pour lesquelles les patients ne répondent pas aux antidépresseurs, c’est le mode de vie, explique Guillaume Fond. Dans notre centre expert sur la dépression résistante, nous explorons tous ces facteurs et élaborons souvent un compte rendu qui prescrit par exemple des compléments alimentaires, une activité physique adaptée ou l’arrêt de la cigarette – la moitié des patients qui viennent nous voir fument, alors qu’il est démontré que le tabac augmente la résistance aux antidépresseurs. Nous sommes bien plus proactifs sur cet aspect aujourd’hui qu’il y a cinq ans. »

Aliments ultratransformés et sodas pointés du doigt

Ces connaissances commencent aussi à infuser chez les politiques. Dans une récente interview, le chef de l’État Emmanuel Macron évoquait ses mesures pour augmenter le sport à l’école. « C’est une très bonne chose, commente Guillaume Fond. Mais il faudrait aussi insister sur d’autres aspects du mode de vie: dans notre étude Alimental, dont les résultats paraîtront dans le courant de cette année, nous avons montré que la consommation de sodas sucrés et d’aliments ultra-transformés est un vrai problème chez les jeunes, démultipliant le risque de dépression. » Les séances de sport ou les menus anti-déprimes seront-ils bientôt remboursés par la Sécurité sociale? Pas en prévention, selon Gregory Ninot, mais on commence à l’envisager en traitement. « C’est l’avenir « , assène ce spécialiste. Selon lui, ces interventions remboursées incluront aussi des programmes d’éducation thérapeutique, qui expliqueront les bienfaits psychiques d’habitudes saines.

Le mode de vie n’est certes pas l’unique clé de la santé mentale. Travail stressant, harcèlement, traumatisme d’enfance… Autant de facteurs qui augmentent fortement la vulnérabilité. Néanmoins, un mode de vie sain rend le cerveau plus résistant et accroît la capacité à faire face aux événements difficiles. Pour Guillaume Fond, l’effet protecteur est même probablement supérieur aux résultats de l’étude de Yujie Zhao, car plusieurs critères pourraient être optimisés, voire ajoutés. Mieux respecter le cycle naturel de la lumière – autrement dit s’exposer davantage à la lumière du jour, et moins aux éclairages artificiels la nuit – diminue ainsi fortement le risque de dépression, selon une vaste étude de 2023, également publiée dans Nature Mental Health. « Un contact régulier avec la nature me semble aussi à recommander pour protéger sa santé mentale, ajoute Alix Cosquer, chercheuse en psychologie. Les recherches montrent par exemple qu’une simple marche d’une heure dans un parc améliore l’humeur de patients dépressifs, et ce davantage qu’une promenade en milieu urbain. »

Savoir s’écouter et s’accorder de petits plaisirs

Nous avons donc tout à gagner à adopter quelques bonnes habitudes. « Bougez dès que vous le pouvez, conseille Gregory Ninot. Marchez, faites du vélo, prenez les escaliers plutôt que les escaliers mécaniques ou les ascenseurs… » Mais il ne s’agit pas de se fixer un programme de spartiate ! Car un mode de vie sain est un mode de vie que l’on est capable de tenir, disent les psychiatres (et les recherches). Pas de remords, donc, si vous vous êtes laissé aller à un dîner un peu arrosé. Même chose pour le sport: les résultats obtenus par le chercheur britannique Patrick Callaghan suggèrent que la prescription d’activité physique à des patients dépressifs est plus efficace lorsqu’on les laisse libres de choisir l’intensité des séances, parce qu’ils se montrent plus assidus. Savoir s’écouter et s’accorder de petits plaisirs est donc aussi l’une des clés d’un mode de vie – durablement – sain.

Sport: un cocktail de substances bienfaisantes dans le cerveau

Pour les adultes, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) recommande au moins deux heures et demie par semaine d’activité physique d’intensité modérée (comme une marche rapide), ou une heure et quinze minutes d’activité soutenue (jogging, football, tennis…). Outre un effet apaisant sur l’inflammation cérébrale, le sport entraîne la libération d’un véritable cocktail de substances bienfaisantes dans le cerveau: des neurotransmetteurs qui dopent l’humeur et la motivation, comme les endorphines et la dopamine, mais aussi une molécule qui fait littéralement pousser les neurones, appelée facteur neurotrophique dérivé du cerveau (Brain-Derived Neurotrophic Factor ou BDNF).

C’est ce qu’ont montré des expériences où l’on mesurait le taux sanguin de cette molécule chez des volontaires, par exemple avant et après qu’ils ont couru ou joué au badminton. Ainsi, les neurones tissent de multiples connexions nouvelles, inversant la tendance à l’appauvrissement de ces connexions observée dans la dépression.

Nutrition: le régime méditerranéen a un rôle protecteur avéré

Les liens entre l’alimentation et le cerveau sont si forts qu’ils sont l’objet d’une nouvelle discipline: la psychonutrition. En matière de lutte contre la dépression, elle recommande tout particulièrement le régime dit méditerranéen, qui s’est révélé le plus protecteur: un peu de poisson gras, beaucoup de fruits, de légumes et de légumineuses, de la viande en quantité modérée (privilégier la volaille)… Son secret? Il contient des nutriments essentiels à un bon fonctionnement cérébral.

Les légumineuses sont par exemple riches en acides aminés comme le tryptophane et la tyrosine, qui sont respectivement des précurseurs de la sérotonine et de la dopamine. Les poissons gras abondent quant à eux en oméga 3, des composants clés des membranes neuronales qui ont en outre des propriétés anti-inflammatoires (à ce titre, les huiles de colza ou de noix représentent une option de choix pour les sauces de salade, car elles contiennent plus d’oméga 3 que la classique huile d’olive).

Les mécanismes pourraient aussi passer par la modulation du microbiote intestinal, celui des patients dépressifs étant plus riche en espèces bactériennes qui favorisent l’inflammation. Si une quantité excessive d’alcool accroît le risque de dépression, un petit verre de vin par jour aurait des vertus antidépressives, selon l’étude Alimental (à paraître dans le courant de cette année). Sans doute car certains de ses composés ont des effets antioxydants et régulent la synthèse de divers neurotransmetteurs, ou interfèrent avec eux. Cerise sur le gâteau: le café semble aussi protéger contre la dépression – moins fréquente chez ceux qui en consomment selon une métanalyse de 2017. Là encore, mieux vaut éviter les excès (pas plus de trois ou quatre tasses par jour, voire beaucoup moins pour ceux qui ont des problèmes de sommeil ou de nervosité). Précisons tout de même que Santé publique France recommande de ne pas consommer d’alcool tous les jours.

Lien social: combattre la solitude

Chorale, foot, club d’échecs ou de lecture… N’hésitez pas à pratiquer des activités collectives ! De nombreuses études montrent que la solitude accroît le risque de dépression, tandis que de bonnes relations sociales sont au contraire protectrices. Appartenir à trois groupes diminue ainsi de 63 % le risque de rechute chez les anciens dépressifs, selon les travaux d’une équipe britannico-australienne.

Attention toutefois: ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité. La protection viendrait du sentiment d’appartenance développé, profondément bienfaisant pour les animaux sociaux que nous sommes, et du réseau d’entraide que nous tissons. Rien ne sert, donc, d’accumuler des centaines de contacts sur les réseaux sociaux, où règnent plutôt des comparaisons incessantes avec des vies idéalisées. En 2018, Melissa Hunt et ses collègues de l’Université de Pennsylvanie (États-Unis) ont montré que limiter le temps passé sur ces réseaux à trente minutes par jour entraîne une amélioration de l’humeur et une baisse du sentiment de solitude, en particulier chez les personnes dépressives.

Un repos réparateur qui doit être équilibré

« Le plus court chemin entre désespoir et espoir est une bonne nuit de sommeil », dit un proverbe anglais. De fait, passer sept à neuf heures par nuit dans les bras de Morphée réduit le risque de dépression. À l’inverse, dormir trop ou trop peu – ou de façon décalée par rapport à son rythme naturel, par exemple lorsqu’on se couche systématiquement tard alors qu’on est plutôt du matin – dérègle les rythmes circadiens, qui font varier de façon cyclique la concentration de multiples neurotransmetteurs essentiels dans le cerveau, comme la dopamine ou la sérotonine. Ce qui finirait par perturber notre état psychologique.

Autre facteur expliquant que notre humeur penche vers le noir en cas d’insomnie chronique: nos processus de mémorisation se focalisent alors sur le négatif, comme le suggèrent les travaux des neuroscientifiques américains Matthew Walker et Robert Stickgold (dans leur étude, une privation de sommeil entraînait une meilleure mémorisation de mots comme « chagrin », par rapport à des mots positifs comme « calme »). Plus généralement, une des fonctions du sommeil serait la digestion des émotions désagréables. Rien d’étonnant, donc, à ce que celles-ci deviennent plus envahissantes quand on ne dort pas assez…

Tabac: arrêter de fumer améliore les symptômes

La fumée du tabac provoque non seulement une inflammation des poumons, mais aussi la diffusion de nombreuses substances délétères dans le sang. Car si les échanges intensifs au niveau des alvéoles pulmonaires nous permettent de respirer, elles nous exposent également à toutes sortes de toxiques. En conséquence, l’inflammation se généralise et gagne le cerveau, accroissant le risque de dépression. Arrêter de fumer est alors associé à une amélioration des symptômes dépressifs chez les patients, et de l’humeur dans la population générale, selon les travaux de la chercheuse britannique Gemma Taylor.

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