Africa-Press – Mali. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi votre chat renifle longuement un inconnu avant de se frotter à lui? Votre question est légitime, et des chercheurs de l’Université de l’Agriculture de Tokyo se la sont posée ; ils publient leurs résultats dans la revue PLOS One.
L’interrogation n’est pas dénuée de sens. De nombreuses études se sont penchées sur le comportement du chat domestique (Felis catus), en particulier sur le rôle de l’olfaction. Elles indiquent que les signaux chimiques jouent un rôle important dans de nombreux aspects du comportement des chats, notamment les interactions à but reproductif, territorial ou entre une mère et son petit. Vis à vis de l’humain, en 2023 une étude publiée dans Nature constate que les chats réagissent différemment face à des odeurs d’humains en état de peur que de bonheur. Cette fois-ci, les chercheurs ont étudié si les chats réagissaient différemment à des odeurs familières ou inconnues, et si ces réponses étaient latéralisées. Et – spoiler alert -, leur analyse montre que oui.
Les chats reniflent plus longtemps une odeur inconnue
Trois tubes, contenant chacun une odeur différente (connue, inconnue ou tube vide), ont été présentés simultanément à un chat à l’aide d’un dispositif permettant d’observer son comportement. Trois essais ont été menés avec chaque chat, espacés de 5 minutes, afin de varier aléatoirement la position des stimuli olfactifs. Au total, ce sont les reniflements de 30 chats domestiques qui ont été scrutés pour cette étude, avec plus de 80 fichiers vidéos analysés.
S’il n’y a pas de différence significative qui a été relevée concernant la position des tubes, les félins ont passé plus de temps à renifler une odeur inconnue qu’une connue ou un tube vide. Ce que vous pressentiez en observant votre matou est donc vrai, suggérant que les chats pourraient être capables de distinguer les humains connus des inconnus uniquement en fonction de leur odeur.
Les mâles nerveux changent plus souvent de tube lorsqu’ils reniflent
L’équipe japonaise a couplé ces données à la personnalité du chat à l’aide de l’échelle “Feline Five”, une méthode permettant d’évaluer la personnalité du félin inspiré de son homologue humain le modèle à cinq facteurs (FFM), ou “Big Five”. Les mâles qui avaient tendance à être plus nerveux ne reniflaient pas spécialement longtemps mais passaient d’un tube à l’autre plus souvent. “Cette association n’a été observée que chez les chats mâles” précise auprès de Sciences et Avenir Hidehiko Uchiyama, professeur dans le laboratoire d’éthologie à l’Université de l’Agriculture de Tokyo, et co-auteur de l’étude. Si l’explication exacte n’est pas encore connue, il suggère que “les chats mâles nerveux pourraient essayer d’obtenir des informations à partir des odeurs de manière plus minutieuse”.
Le “Big Five » est un test mis au point dans les années 1980 visant à évaluer cinq grand traits de personnalité: l’ouverture (aux autres et à la nouveauté), la conscience professionnelle (ou la rigueur), l’extraversion, l’agréabilité et le névrosisme (la tendance à éprouver des émotions négatives). Adapté aux chats sous le nom de “Feline Five”, ce modèle retient cinq dimensions comparables: le névrosisme, l’extraversion, la dominance, l’impulsivité et l’amabilité.
Une préférence de narine selon l’odeur
Concernant une potentielle latéralité d’utilisation des narines, cela se complique. “Lorsqu’on compare selon le type d’odeur, propriétaire ou inconnu, les chats varient leur utilisation de la narine droite à la gauche” explique le Japonais. En effet, d’après les analyses, lorsqu’un chat rencontre une odeur inconnue pour la première fois, il a tendance à utiliser la narine droite. Mais plus il renifle cette odeur, plus il utilise ses deux côtés de son museau de façon équilibrée. Il y a donc bien une utilisation latéralisée en réponse à des odeurs inconnues.
Le scientifique développe avec prudence: “Comme nous n’avons pas mesuré l’activité cérébrale dans cette étude, nous ne pouvons qu’évoquer que l’effet sur l’utilisation du cerveau. Il se peut que renifler avec la narine droite soit directement connecté à l’hémisphère droit du cerveau, qui est impliqué dans le traitement de la peur et de l’anxiété face à de nouveaux stimuli”. Une telle latéralisation du comportement a également été observée chez des animaux comme les chiens et les chevaux “cela pourrait indiquer une utilisation et une spécialisation permanente des hémisphères gauche et droit du cerveau chez ces mammifères”. Chez l’humain, les fonctions de perception et de prise de décision reposent sur des régions de l’hémisphère droit, ce qui semble cohérent avec les évocations du Japonais.
Mais concernant l’utilisation des narines de Felis catus, ce n’est pas tout. Le chercheur poursuit: “lorsqu’on compare selon la position du tube, les chats utilisent la narine gauche pour le tube situé à droite, et la narine droite pour le tube situé à gauche”. Ce qui peut expliquer ce choix serait presque de la praticité puisque les félins observés se frottent du même côté de la narine utilisée. “Les chats semblent donc utiliser leurs narines dans une logique de comportement de frottement, et agissent ainsi pour renifler l’odeur”. Le reniflement pourrait être, d’après l’équipe de biologistes, un comportement exploratoire précédant le marquage.
Extraits photos des vidéos d’analyses expérimentales. À gauche, le chat penche la tête pour permettre l’absorption des molécules odorantes d’un seul tube spécifique vers une seule narine. À droite, le chat dirige le côté droit de son visage, correspondant à la narine utilisée juste avant, pour permettre un frottement optimal sur le tube. Crédits: Miyairi Y. et al., 2025.
Les chats seraient attentifs à des composés volatils les poussant à renifler un certain type d’odeur en premier
Ainsi, si les chats utilisent de manière dégressive leur narine droite lorsqu’ils sont confrontés à une odeur inconnue, ils choisissent préférentiellement une position de tube dans l’optique de s’y frotter. Alors est-ce que le chat peut décider d’aller vers une odeur spécifique? Même si la réflexion est purement hypothétique, il est possible que oui, et la personnalité du chat aurait même un rôle à cela.
Tous les chats ont été divisés en trois groupes selon le premier stimulus olfactif senti. Ceux ayant commencé par un tube vide avaient un score de névrosisme plus élevé, tandis que ceux exposés d’abord à une odeur connue avaient un score d’extraversion. Pour le chercheur, l’ensemble de ces informations “signifie que les chats peuvent prendre une décision préalable sur le tube par lequel commencer à renifler, dans le but d’obtenir plus d’informations. Et les différences de personnalité chez les chats peuvent contribuer à cette décision. Cela pourrait également nous amener à penser que les chats sont attentifs aux composés volatils avant de s’approcher”.
La recherche d’une relation intermodale entre l’olfaction et la vision
L’étude présente de nombreux résultats et de nouvelles pistes sur la perception olfactive chez le chat vis-à-vis de l’humain, un sujet encore très peu documenté. “Nous n’avons pas comparé les odeurs entre différentes personnes connues, donc nous ne pouvons pas affirmer que les chats reconnaissent des individus spécifiques à partir de signaux olfactifs. Cependant, nous pensons pouvoir dire au moins que les chats distinguent entre des personnes connues comme leur propriétaire, et inconnues” conclut l’éthologue.
Les prochaines études devraient se concentrer sur la potentielle relation intermodale entre l’olfaction et la vision, c’est-à-dire la capacité à intégrer des informations provenant de plusieurs sens différents pour former une perception cohérente. Par exemple un chat pourrait voir une personne et s’attendre à une certaine odeur, et si celle-ci ne correspond pas, en être perturbé. L’étude japonaise ouvre la voie à des recherches sur la façon dont Felis catus utilise ses sens pour moduler son comportement avec l’humain.
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