Découverte : notre cerveau divise la journée en “chapitres”, voici comment

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Découverte : notre cerveau divise la journée en “chapitres”, voici comment
Découverte : notre cerveau divise la journée en “chapitres”, voici comment

Africa-Press – Mali. Sortir d’un immeuble et se mettre à marcher dans la rue… pour le cerveau, c’est un tout nouveau chapitre qui s’amorce ! Ce changement de décor provoque une modification radicale de l’activité cérébrale, mesurable par les scientifiques. Mais la segmentation des souvenirs est loin d’être passive ; elle ne dépend pas seulement des lieux que vous arpentez. Une nouvelle étude américaine montre que les expériences passées et les priorités individuelles influencent le découpage de ces “chapitres”.

“Nos résultats montrent que nous avons le contrôle sur la manière dont nous organisons les souvenirs des expériences vécues”, analyse Christopher Baldassano, co-auteur de l’étude, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. L’étude, dont l’autrice principale est Alexandra De Soares, a été publiée dans la revue Current Biology.

La longueur des chapitres établis par le cerveau varie

Depuis 2017, les scientifiques sont capables d’observer ces changements de chapitres en temps réel dans le cerveau d’un individu. Une étude antérieure de Christopher Baldassano révélait alors que cette fragmentation était détectée dans l’ensemble du cerveau, à plusieurs niveaux. La longueur de ces chapitres variant considérablement selon l’aire cérébrale étudiée. Elle dure quelques millisecondes dans les parties du cerveau étroitement liées aux informations sensorielles à des centaines de secondes dans les parties du cerveau où se déroule la pensée d’ordre supérieur.

L’équipe de Christopher Baldassano fait alors une nouvelle découverte: ces imbrications sont à la base de la mémoire à long terme. En effet, à chaque nouvelle délimitation, l’hippocampe, aire cérébrale intimement liée à la mémoire, montre un pic d’activité.

Mais un mystère restait entier: qu’est-ce qui pousse le cerveau à former une limite autour d’un évènement rencontré ? Les chercheurs lèvent le voile sur les déclencheurs de ces chapitres dans une nouvelle étude. “Les changements de lieux, telle que l’entrée dans un café par exemple, ne sont pas les seuls éléments à initier un nouvel épisode dans notre cerveau. L’aspect social rentre aussi en jeu”, dévoile Pierre Gagnepain, chercheur extérieur à l’étude, pour Sciences et Avenir.

L’hippocampe est une bibliothèque de souvenirs

Les participants de l’étude ont écouté différents récits audio de quelques minutes mettant en scène deux personnages dans un lieu donné: un restaurant, un aéroport, une épicerie ou une salle de conférence. Chaque audio traitait d’une situation sociale différente: une rupture, une demande en mariage, un accord commercial et une rencontre amoureuse. Pendant l’écoute, les chercheurs ont examiné les données IRM du cerveau des participants afin de détecter les changements d’activité cérébrale marquant le début des nouveaux chapitres.

En particulier, ils ont observé une aire cérébrale qui joue un rôle complexe dans la récupération de la mémoire: le cortex préfrontal médian. “Il est impliqué dans la création et la récupération stratégiques des souvenirs qui sont les plus pertinents et les plus utiles dans un contexte particulier”, précise Christopher Baldassano. Mais comment fonctionne la mémoire ?

En bref, les souvenirs d’événements passés particuliers (mémoire épisodique) seraient principalement stockés dans une autre région du cerveau, l’hippocampe, qui est comme une bibliothèque. Dans le dessin animé Vice-Versa, il est symbolisé par de grandes étagères sur lesquelles sont soigneusement rangés les souvenirs. “Le cortex préfrontal médian, lui, s’apparente davantage à un bibliothécaire, qui s’efforce de veiller à ce que les souvenirs soient organisés de manière pertinente et peut vous aider à trouver un souvenir spécifique que vous recherchez”, ajoute le chercheur.

Visualiser la segmentation des souvenirs

Grâce à un outil mathématique, développé en 2017 par Christopher Baldassano, les scientifiques peuvent identifier des changements soudains de l’activité cérébrale dans différentes régions, indiquant le moment où un segment se termine et où un autre commence. “Un événement entraîne un pattern cérébral dans différentes régions du cerveau. Il correspond au fait que dans cette aire cérébrale, il y a des zones plus ou moins activées”, indique Pierre Gagnepain.

Ces nuances sont visibles grâce à des pixels 3D, appelés voxels. “Ces patterns sont assez stables durant un événement donné et quand l’expérience prend une autre tournure, la distribution de l’activité est modifiée, ce qui aboutit à un nouveau pattern”, ajoute-t-il. Dès que le cerveau entame un nouveau chapitre, la distribution des voxels est modifiée et donc visible sur grâce à l’IRM.

A titre d’exemple, dans leur première étude, ils avaient pu observer le gyrus angulaire, une autre région, notamment liée au langage. Dans cette vidéo, l’activité cérébrale des participants avait été enregistrée pendant qu’ils regardaient une série. La vitesse de l’enregistrement est 35 fois supérieure à la vitesse réelle. A droite, le point mobile, représentant l’activité cérébrale, se déplace rapidement parmi neuf états “repères” préalablement définis, du gyrus angulaire. Les points de la même couleur appartiennent au même “chapitre”.

Dans leur nouvelle étude, ils ont analysé l’activité du cortex préfrontal médian de la même manière. “Pendant l’écoute des récits audio, ses modulations nous ont indiqué l’ouverture d’un nouveau chapitre dans le cerveau”, simplifie Christopher Baldassano.

“Le cerveau organise en fait activement nos expériences de vie en morceaux qui ont du sens pour nous”

Leurs résultats prouvent que la façon dont le cerveau divise un souvenir dépend de ce à quoi la personne prête attention et de la perspective. “Lorsqu’on écoute une histoire sur une demande en mariage dans un restaurant, par exemple, notre cortex préfrontal organise généralement l’histoire en événements liés à la demande en mariage, menant (espérons-le) au « oui » final”, retracent les auteurs.

Mais ce n’est pas leur seule découverte. Il est possible d’influencer ce découpage… En demandant aux participants de se concentrer sur la commande des plats du couple dinant au restaurant, par exemple, de nouveaux chapitres tout à fait différents se sont formés, suivant les étapes de la commande. Et cela fonctionnait aussi pour les autres scénarios: “une personne qui entendait l’histoire d’une rupture dans un aéroport pouvait, si on lui demandait de prêter attention aux détails de l’expérience aéroportuaire, enregistrer de nouveaux chapitres en passant la sécurité et en arrivant à sa porte d’embarquement”, indiquent les chercheurs. “Le cerveau organise en fait activement nos expériences de vie en morceaux qui ont du sens pour nous.” Mais à quoi sert cette segmentation ?

Pourquoi le cerveau segmente les souvenirs ?

Ces chapitres servent de point d’accès à la mémoire, un peu comme le bouton qui permet de sauter un chapitre sur un DVD. On peut trouver des informations dans la mémoire en repérant d’abord le bon chapitre pour accéder aux souvenirs détaillés. “Il y a une sorte de hiérarchie des éléments du souvenir, comme un échafaudage, qui permet d’accéder à des détails de plus en plus précis”, éclaire Pierre Gagnepain. L’organisation des souvenirs en chapitres significatifs permet également d’éviter les interférences car elle s’assure que des informations provenant d’événements sans rapport entre eux ne sont pas mélangées.

“L’une des principales conclusions de cette étude est que le cerveau ne se contente pas d’enregistrer passivement les événements du monde comme un magnétoscope. La manière dont les expériences sont organisées en mémoire dépend de notre attention, de nos objectifs et de nos connaissances,” conclut Christopher Baldassano. Avec son équipe, il travaille désormais sur les effets d’un décalage entre les attentes et l’expérience réelle, “par exemple si le serveur jette un verre d’eau au visage d’un client. Quel est l’impact de ce décalage sur l’organisation de ces expériences dans la mémoire ?”, ouvre-t-il.

Le cerveau émet constamment des prédictions sur ce qui va se produire. Il s’appuie sur des schémas classiques en quelque sorte. Par exemple, quand on entre dans un restaurant, on s’attend à ce que le serveur s’approche de la table, et tende un menu. “Ces prédictions ont une fonction très importante: elles permettent de diminuer la surprise. Le risque d’erreur est moindre, et le fonctionnement efficace”, souligne Pierre Gagnepain. Elles jouent un rôle important non seulement pour comprendre ce qui nous arrive mais aussi pour former des souvenirs et les récupérer. L’influence de ce découpage des souvenirs sur l’efficacité de la mémoire est un autre volet des prochains travaux des chercheurs.

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