Dulse, Laitue de Mer ou Laminaires: des Algues À tout Faire

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Dulse, Laitue de Mer ou Laminaires: des Algues À tout Faire
Dulse, Laitue de Mer ou Laminaires: des Algues À tout Faire

Africa-Press – Mali. Les algues sont à la base de la vie sur Terre, mais nous commençons tout juste à comprendre l’étendue de leurs bénéfices », s’exclame Vincent Doumeizel, conseiller Océan aux Nations unies. Un exemple au hasard: Asparagopsis taxiformis, une petite algue rouge commune.

Selon une étude américaine parue dans la revue PLOS One en 2021, elle serait capable de réduire de plus de 80 % les émissions de méthane chez les bovins. « En donnant chaque jour 40 grammes de cette algue à toutes les vaches du monde, c’est comme si l’on arrêtait la circulation de toutes les voitures et tous les camions du jour au lendemain », s’enthousiasme le spécialiste. Toutefois, son effet sur la santé des bovins doit encore être affiné.

En condiment, en papillote avec un poisson, ou même en tartare

« Malgré les mille services qu’elles sont susceptibles de rendre, les algues souffrent encore d’une mauvaise image auprès des consommateurs », regrette Vincent Doumeizel, qui propose une solution pour modifier cette perception: apprendre à les cuisiner, en condiment pour agrémenter une purée ou une salade, en papillote avec un poisson, en bouillon, ou même en tartare ! « On imagine qu’elles sont immangeables parce qu’on a en tête l’image – et parfois l’odeur – de celles qui se décomposent sur la plage. Mais c’est comme si vous compariez une belle assiette de frites à un tas de pommes de terre pourries », illustre l’expert. Les algoculteurs français commencent à cultiver la dulse – Palmaria palmata, une algue rouge -, ou encore la laitue de mer – Ulva lactuca.

Mais si les algues sont de véritables trésors nutritionnels, riches en fibres, vitamines et micronutriments tels que le fer, elles peuvent s’inviter aussi dans nos armoires à pharmacie. « Ce sont les prébiotiques naturels les plus puissants au monde », signale Vincent Doumeizel. Depuis les années 1990, on découvre leurs propriétés exceptionnelles pour lutter contre les champignons, les bactéries, les virus, l’inflammation et la douleur. L’étude de leurs composés actifs s’est intensifiée depuis les années 2010.

Une équipe de chercheurs franco-brésilienne a démontré l’efficacité d’une algue brune pour ralentir la progression du SARS-CoV-2. D’autres scientifiques, de l’université de Cardiff (Royaume-Uni), développent un traitement par inhalation à base d’alginates – des dérivés des algues brunes – pour réduire la présence des bactéries dans les poumons des patients atteints de mucoviscidose. « À l’Institut de la vision, à Paris, un patient a même recouvré partiellement la vue grâce à une thérapie génique utilisant une protéine d’algue photosensible: l’opsine », rapporte le spécialiste.

Pourtant, les pays occidentaux accusent un retard considérable dans la production d’algues. L’Europe fournit moins de 1 % de l’offre mondiale. Avec près de 60.000 tonnes par an (tous types confondus), la France se hisse tout de même à la deuxième place des pays européens, derrière la Norvège. « En France, on collecte principalement les algues brunes, laminaires notamment, dont on valorise certains polymères, les alginates », indique Mélanie Cueff, responsable scientifique auprès de la Coalition mondiale des algues, chargée de développer une culture d’algues durable. Ces composés sont utilisés comme biostimulants agricoles, ou encore comme agents texturants dans les cosmétiques. Ils permettent même de produire des plastiques biodégradables, compostables et comestibles. Pour cela, on extrait les polymères des algues avant qu’elles ne se décomposent. Cette opération présente un avantage considérable par rapport au pétrole: elle n’est pas polluante – pour peu qu’on utilise des procédés enzymatiques – et permet de maintenir le carbone dans un cycle vivant.

Enfin, parmi les mille et un services rendus par les algues: leur pouvoir de séquestration du CO2, encore discuté toutefois. Vincent Doumeizel pondère: « Leur intérêt principal dans la décarbonation de l’économie réside plutôt dans leur capacité à remplacer les plastiques et fertilisants chimiques, à réduire les émissions de méthane, et à pouvoir être cultivées sans beaucoup d’énergie. »

Aujourd’hui, le principal obstacle à l’essor de l’algoculture est la rareté de la ressource. « Nous manquons de sites de production à grande échelle en Europe », explique le spécialiste. Les cultures françaises ne permettent de produire que 350 tonnes d’algues par an, le reste provenant de la cueillette. Sur le littoral, elles sont récoltées à la main ou par des machines à marée basse. En mer, à l’aide d’un crochet métallique – appelé « scoubidou » – suspendu à un bras hydraulique fixé à bord du bateau, ou encore d’un « peigne », sorte de long râteau. À l’inverse, 99 % de la production asiatique repose, elle, sur la culture. Il faut imaginer de grandes étendues de lignes fixées dans le sable, ou de radeaux accolés. Des branches ficelées entre elles forment un cadre dans lequel des câbles supportent les kilos d’algues rouges.

Première étape en France: 1000 tonnes cultivées en 2027

En France, le ministère de la Transition écologique a mis en place une feuille de route pour développer une filière algale robuste. Objectif: 1.000 tonnes d’algues cultivées en 2027, une première étape vers un développement à plus large échelle. Une perspective d’autant plus attrayante qu’elle offrirait emplois et revenus là où les ressources liées à la pêche diminuent. Et les algues ne manquent pas d’atouts écologiques: pas besoin de terres, d’engrais ni d’eau douce.

La réussite de l’algoculture française repose sur la capacité à ne pas réitérer les erreurs commises en agriculture. « Le grand danger, c’est de cultiver de vastes surfaces en monoculture, alerte Mélanie Cueff. Car les algues entrent alors en compétition avec d’autres espèces pour les nutriments. » La solution réside plutôt dans une forme de co-culture, par exemple en associant huîtres et algues. « Les algues augmentent localement le pH de l’eau. Elles limitent ainsi les effets de l’acidification des océans et favorisent la fabrication de la coquille des huîtres , ajoute la chercheuse. En outre, elles attirent de nombreux micro-organismes qui renforcent l’immunité des mollusques. » De tels parcs se développent en France, notamment dans la baie de Quiberon.

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