Africa-Press – Mali. La première étape, annonce le gendarme Emmanuel Guinard, c’est déterminer le point de départ. Là, on procède à des prélèvements d’éventuels indices. Si je trouve une bouteille, un mégot, près du départ de feu, on peut les analyser et trouver une empreinte ADN. Mais on ne trouve pas forcément d’indice ». Dans le cadre de la Cellule de recherche des causes des incendies (CRCI), l’adjudant-chef Guinard, un technicien de l’Office national des forêts (ONF) et un enquêteur des pompiers inspectent un flanc de colline noirci par le feu, qui surplombe l’autoroute A61 Toulouse-Narbonne, près du village de Luc-sur-Orbieu, à une quinzaine de kilomètres du plus gros incendie de l’année, qui a parcouru 16.000 hectares début août.
A cet endroit, un hectare de végétation a brûlé. Le technicien de l’ONF et l’enquêteur des pompiers disposent des tiges en métal de couleur blanche pour signaler un indice, rouge pour indiquer le sens de propagation du feu et jaune pour visualiser les flancs, pendant que le gendarme prend des photos. « On matérialise les deux flancs et on remonte vers le départ du feu, on va dans le sens inverse de la progression du feu », précise Jean-Paul Baylac, chef du service feux de forêts au SDIS de l’Aude.
« Une simple étincelle »
Déterminer si la mise à feu est intentionnelle ou pas, dit le technicien forestier de l’ONF Stéphane Paoli, « c’est l’aboutissement du travail ».
Avant cela, chaussé de bottes ignifugées, il examine coquilles d’escargot, cailloux, pignes de pins, végétaux et s’attache au moindre détail. « Les graminées sont des alliés précieux », assure Stéphane Paoli, pour tirer des enseignements sur l’intensité et le déplacement des flammes. Dans un massif des Corbières jauni par la sécheresse, balayé par un vent chaud et sec, et soumis à la canicule, « une simple étincelle » d’un engin agricole qui racle le sol, des projections de calamine d’un pot d’échappement, peuvent déclencher un incendie, avertit le technicien en investigation criminelle de la gendarmerie. Voire « le briquet d’un incendiaire », dénonce-t-il en enfilant des gants bleus en latex.
Une fois que la zone de départ du feu est délimitée, des prélèvements sont effectués. L’origine du feu « est humaine dans 90% des cas », déplore l’adjudant-chef, après avoir glissé dans une enveloppe une canette de soda partiellement brûlée. « Chaque zone de feu fait l’objet d’une investigation spécifique. On procède par élimination, on ferme des portes au fur et à mesure de l’enquête, on écarte les hypothèses les unes après les autres, comme l’origine naturelle s’il n’y a pas de foudre », explique le gendarme.
Chiens renifleurs
Des chiens dressés à la détection d’hydrocarbures peuvent être mobilisés pour chercher un produit inflammable accélérant (essence, alcool, white spirit, acétone), utilisé par un éventuel pyromane.
Les prélèvements de terre, des résidus de végétaux, des morceaux de bois, sont placés sous scellés et envoyés dans des laboratoires d’analyses, comme celui de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie (IRCGN) à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise). Les trois experts refusent d’évoquer le gigantesque incendie qui alimente toutes les conversations dans les Corbières: « une enquête est en cours ». Dans ce dossier, la thèse de l’acte volontaire est privilégiée par les enquêteurs. De son côté, le maire de Ribaute, village d’où le feu est parti le 5 août, n’a aucun doute sur l’origine criminelle.
« D’après les premières constatations des enquêteurs, vu l’emplacement du point de départ, ça ne peut être que volontaire, c’est loin de la route, une zone qui n’est pas facilement accessible », affirme-t-il. La particularité du département de l’Aude, fait remarquer l’expert de l’ONF, est de se situer « sur un couloir de vent », entre la pointe sud du Massif central et les Pyrénées, et d’être « parmi les plus secs et chauds de France, avec des pins d’Alep, des pins maritimes, une végétation méditerranéenne inflammable et combustible ». Autrement dit, il réunit toutes les conditions favorables à l’émergence de feux.
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