Africa-Press – Mali. Chaque jour, près de 300 enfants sont contaminés par le VIH, soit plus de 100.000 nouvelles infections par an, principalement par la transmission mère-enfant après la naissance, via l’allaitement. Dans les régions à ressources limitées, l’accès régulier aux traitements antirétroviraux et aux soins reste difficile, ce qui compromet la prévention.
Une des solutions envisagées serait de pouvoir traiter immédiatement les bébés après la naissance avec une thérapie durable. « C’est précisément dans ce créneau critique, quand les mères consultent encore après l’accouchement, que notre approche s’inscrit », souligne Amir Ardeshir, professeur de microbiologie et d’immunologie.
Des muscles transformés en usines à anticorps
Dans une étude publiée dans la revue Nature, des chercheurs du Tulane National Primate Research Center et du California National Primate Research Center montrent qu’un traitement administré à des macaques dans leur premier mois de vie les a protégés pendant près de trois ans contre le virus simien de l’immunodéficience, proche du VIH. « Nous avons exploité une propriété unique du système immunitaire du nouveau-né: la tolérance néonatale », explique Amir Ardeshir. « À cet âge, l’organisme accepte plus volontiers des agents étrangers et les considère comme faisant partie de lui-même ».
Le traitement repose sur les anticorps largement neutralisants (bNAbs). Ce sont des anticorps capables de bloquer une grande variété de souches du VIH. Ils reconnaissent, en effet, des zones conservées de la protéine d’enveloppe qui recouvre le virus, ce qui les rend efficaces contre plusieurs variants. Ils ont été découverts chez des personnes surnommées « controleurs d’élite », dont le système immunitaire parvient naturellement à endiguer le virus.
Traditionnellement, les bNAbs sont administrés par perfusion, tous les mois ou tous les deux mois, ce qui pose des problèmes logistiques, notamment dans les pays en voie de développement. « Chaque perfusion nécessite un centre d’injection, une production en laboratoire et un suivi régulier », rappelle le biologiste.
La nouveauté de cette étude réside dans la façon d’administrer ces anticorps. « Nous avons remplacé les perfusions répétées par une injection unique de vecteurs viraux », explique Amir Ardeshir. Ces vecteurs, dérivés d’un virus inoffensif, ont été programmés pour livrer l’ADN des bNAbs dans les cellules musculaires. « Les muscles sont abondants, faciles d’accès et surtout très longs à se renouveler », souligne-t-il. « On les transforme en micro-usines capables de produire les anticorps pendant des décennies ».
Une efficacité durable
Les tests menés sur des macaques nouveau-nés ont révélé une protection contre l’infection lors d’expositions simulées. « Chez les singes traités dès la naissance, nous avons observé une expression fonctionnelle des anticorps pendant près de trois ans », affirme Amir Ardeshir. « C’est la démonstration qu’une seule injection intramusculaire peut conférer une immunité de longue durée ». Elle pourrait se prolonger jusqu’à l’adolescence chez les humains.
Le prochain objectif des chercheurs est de tester cette approche chez l’humain. « Nous envisageons d’abord des essais cliniques chez des enfants vivant déjà avec le VIH, pour tenter de contrôler l’infection sans recourir à un traitement antirétroviral quotidien », explique-t-il. À terme, cette thérapie pourrait aussi être proposée à des nouveau-nés séronégatifs dans les zones où la transmission mère-enfant reste fréquente. « On ne sait pas encore si la fenêtre de tolérance observée chez les macaques est identique chez l’humain, mais on estime que celle-ci pourrait être un peu plus longue car les bébés humains grandissent plus lentement ».
Un potentiel immense au-delà du VIH
Plus largement, le principe de cette thérapie génique pourrait s’appliquer à d’autres maladies infectieuses ciblant les jeunes enfants. « Le paludisme, par exemple, reste une cause majeure de mortalité infantile dans les pays à faible revenu », rappelle Amir Ardeshir. « Des anticorps monoclonaux efficaces existent mais leur efficacité nécessite des rappels fréquents. Avec notre technologie, on pourrait injecter une fois, à la naissance, des instructions génétiques pour produire des anticorps contre les parasites responsables de la maladie ».
Reste l’obstacle du coût de production des vecteurs viraux, encore élevé aujourd’hui. « Mais je pense que ce n’est qu’une question de temps », estime le chercheur. « L’industrie automobile produit 3 voitures par minute aux États-Unis. Ce niveau d’industrialisation, on peut l’atteindre pour la thérapie génique, à condition d’investir massivement. Ce qu’on est parvenus à faire était encore impensable il y a dix ans. Désormais, nous avons tous les outils pour affronter le VIH autrement », conclut-il.
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