Planètes errantes : que sont ces astres sans étoile et sans attache ?

2
Planètes errantes : que sont ces astres sans étoile et sans attache ?
Planètes errantes : que sont ces astres sans étoile et sans attache ?

Africa-Press – Mali. Sur les 5656 exoplanètes recensées et confirmées sur le catalogue des exoplanètes des équipes de l’Observatoire de Paris (consulté le 30 avril 2024, ndlr), il s’en trouve quelques-unes qui n’effectuent aucune révolution autour d’une étoile…

L’organisation simple de notre système solaire, à savoir une étoile et plusieurs planètes en orbite autour de celle-ci, est-elle la norme dans l’Univers ou bien est-ce une exception ? Ces planètes flottantes, qualifiées aussi communément d’errantes ou de vagabondes, ont été baptisées il y a quelques années d’une expression imagée, les “Jupiter flottantes”, à cause de leur masse plusieurs fois supérieure à notre voisine gazeuse. Combien sont-elles ? Comment se sont-elles formées ? Et comment les détecte-t-on ?

Qu’est-ce qu’une planète errante ?
Les publications scientifiques désignent généralement ces objets errants par deux abréviations en anglais:

FFPs pour free-floating planets, traduisible littéralement par planète flottant librement.

IPMO pour isolated planetary-mass, ou objet de masse planétaire.

Les astronomes les connaissent depuis le milieu des années 1990. Ces mondes errants ne semblent pas liés gravitationnellement à une étoile.

En 2013, un télescope hawaïen repère à seulement 80 années-lumière de la Terre (une année-lumière équivaut à 9.460 milliards de kilomètres), une planète dans sa toute petite enfance, PSO J318.5-22, puisqu’elle s’est formée il y a à peine 12 millions d’années.

Elle a tous les attributs d’une planète qui orbite autour d’une étoile: la masse, la couleur et l’énergie émise, mais n’est liée à aucun astre visible.

Naine brune ou « Jupiter flottante »: comment définir la planète errante par la masse ?

Pour nous, profanes, première surprise: ces planètes vagabondes viennent bousculer nos définitions strictes d’une planète et d’une étoile. Leur masse pourrait être celle d’une planète géante ou une étoile avortée, une naine brune.

Certaines observations ont confondu une fraction d’entre elles avec des naines brunes, des étoiles de masse plus faible et plus volumineuse qu’une planète géante gazeuse. “Nées de la même manière que les étoiles classiques, par contraction gravitationnelle d’une nébuleuse, [la] masse [d’une naine brune] est cependant trop faible pour pouvoir entretenir la réaction de fusion thermonucléaire de l’hydrogène. [Elle] aura commencé à fusionner l’hydrogène, mais du fait de sa masse trop faible, sa pression et sa température ne permettent pas de maintenir cette réaction, d’où le terme parfois employé d’étoile avortée”.

Les naines brunes sont considérées comme des objets intermédiaires entre étoile et planète, des objets qui côtoient dans les amas stellaires des planètes sans étoiles-parentes. Leur découverte dans les années 1990 marque probablement le début d’un engouement chez les astronomes pour les mondes vagabonds dans l’Univers.

SIMP J01365663 + 0933473, classifiée comme une naine brune en 2016, a été requalifiée en planète errante deux ans plus tard. Sa masse équivaut à environ 13 fois la masse de Jupiter, la plus massive des planètes gazeuses de notre système solaire, qui est devenu la planète-étalon des publications scientifiques pour exprimer la masse de ces FFP.

WISEA 1147, candidate au statut d’exoplanète vagabonde, a été requalifiée en naine brune, bien qu’en deçà de la limite officielle. “La limite de masse officielle d’une naine brune, c’est treize fois la masse de Jupiter. Mais cette limite est controversée. En fait, ce qui fait véritablement la différence entre planète et étoile ratée, c’est la consommation de deutérium en leur sein. En dessous d’une certaine masse, pas de réaction nucléaire et le deutérium est intact. Au-dessus, la fusion du deutérium commence” explique le planétologue Philippe Delorme à Sciences et Avenir (dans notre n°792, février 2013).

Les planètes errantes de la taille de la Terre se cachent

Il y a probablement des planètes errantes de la taille de la Terre, mais elles sont difficiles à débusquer.

La découverte en 2020 d’une planète sans attache avec une masse à peu près équivalente à celle de la planète Mars est donc une première. Les astronomes polonais du projet OGLE l’ont découverte en observant un pic de luminosité et une déformation de l’espace autour de ce tout petit objet errant lors d’un phénomène de microlentille gravitationnelle. Le phénomène a été si bref, 41,5 minutes, que les chercheurs ont déduit que la planète avait une masse similaire à celle de Mars ou de la Terre.

Combien pourrait-il y avoir de planètes errantes ?
L’existence de planètes flottant librement a été prédite par la théorie de la formation des planètes, mais combien y en a-t-il ?

Un astrophysicien japonais estimait en 2011 qu’il pouvait y en avoir plusieurs milliards. En 2017, ces pronostics sont revus à la baisse. Il y aurait plutôt une planète errante pour quatre étoiles et un total approchant quelques centaines de millions (voir Sciences et Avenir mensuel, n°847, septembre 2017). Ce nouveau comptage semble plus en phase avec les modèles théoriques de formation planétaire.

Comment ces planètes sont-elles devenues errantes ?
La question de la formation de ces objets reste ouverte. Plusieurs scénarii ont été envisagés:

Des « coups de pieds » gravitationnels. A partir des simulations d’évolution de systèmes planétaires, il a été imaginé que ces planètes sans attache avaient été éjectées de leur système planétaire alors en pleine formation. Elles y sont nées, comme les autres, au sein d’un disque proto-planétaire puis auraient été éjectées à la faveur d’interactions gravitationnelles ou encore par une planète voisine. La planète bousculée de ce fait aurait perdu son lien gravitationnel avec son étoile. En 2013, l’astronome Sean Raymond expliquait à Sciences et Avenir: “Nous pensons que ce type d’instabilité est très commun et se produit dans 50 à 90 % des systèmes abritant des planètes géantes”.

Nées dans une pouponnière d’étoiles. Le processus imaginé dans ce scénario serait similaire à la naissance des étoiles dans de vastes nébuleuses constituées de gaz et de poussières. Des grumeaux de matière apparaissent sous l’effet d’un effondrement gravitationnel entraînant des réactions en chaîne menant à la formation d’étoiles. Certains objets formés au sein de ce nuage n’ont pas assez de masse pour prendre ce chemin. Leur destin serait alors celui d’un IPMO. En 2023, des chercheurs ont pointé le télescope James Webb vers la Nébuleuse d’Orion et ont eu la surprise de voir des objets errants de la masse de Jupiter aller par deux. Deux planètes pourraient-elles être éjectées par paire ?

Peut-il y avoir une atmosphère sur une planète errante ?

La proximité – relative, on parle de plusieurs centaines d’années-lumière d’éloignement “seulement” – font de certaines de ces planètes vagabondes de bonnes candidates à l’observation de leur éventuelle atmosphère par de grands télescopes terrestres. CFBDSIR 2149-0403 découverte en 2012, fait partie de cette catégorie. On y a décelé du méthane, de la vapeur d’eau et de l’hydrogène.

L’absence d’étoile-hôte et de sa lumière a été un atout pour l’observation de l’atmosphère de CFBDSIR 2149-0403 et l’on peut imaginer que les planètes errantes sont des candidates idéales pour l’observation et l’analyse des atmosphères planétaires.

L’autre critère d’observation est la forte température de ces IPMO qui trahit leur extrême jeunesse. CFBDSIR 2149-0403, par exemple, n’a que 100 millions d’années, sa température est d’environ 430° C.

C’est le critère que l’astronome Núria Miret-Roig, chercheuse à l’Université de Bordeaux, a retenu en 2022 pour étudier ces objets flottants. Parmi les 80.000 images collectées, elle s’est concentrée sur de jeunes planètes nouvellement formées et encore chaudes qui brillent dans les premiers millions d’années de leur vie, de quoi réunir une moisson de 70 à 170 objets de masse planétaire ! Quant à la vie, peu de chance d’en déceler sur les IPMO qui sont des géantes gazeuses. “Certaines possèdent des satellites qui pourraient être plus accueillants. Mais on sait que la vie met du temps à se développer et ici il s’agit d’objets jeunes. Donc il n’y a pas trop de chances de déceler quoi que ce soit”, affirmait l’astronome Hervé Bouy, cosignataire de l’étude de Núria Miret-Roig.

Quelles techniques pour détecter les planètes errantes ?

Une observation directe est possible. La jeunesse de certaines FFPE va de pair avec une température élevée, laquelle sera visible pour les télescopes infrarouges. L’âge est déterminé par la luminosité, et de ces informations est déduit la masse de l’objet (voir Sciences et Avenir n°792, février 2013).

L’autre technique la plus commune est celle de la microlentille gravitationnelle. Elle consiste à repérer lors d’observations directes des effets de distorsions de la lumière émise par une étoile, provoqués par le passage d’un objet devant cette étoile. Le champ gravitationnel de ces objets dévie la trajectoire de la lumière de l’étoile se trouvant en arrière-plan. Un peu comme un objet que l’on observe à la loupe. Le procédé suppose que l’on observe des régions de l’Univers riches en étoiles.

La NASA mise sur le Nancy Grace Roman Space Telescope pour détecter ces planètes errantes. L’instrument sera posté à un million de kilomètres de notre planète, orienté dans la direction opposée de notre Soleil, avec comme mission de nous trouver des planètes de la taille de Mars. De quoi nous changer des « Jupiter flottantes ».

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Mali, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here