Africa-Press – Mali. En France, plus de 17 millions de femmes sont ménopausées et plus de 500.000 autres entrent chaque année dans cette période de leur vie, selon le Ministère de la Santé. Pour remédier au manque criant de données épidémiologiques sur les femmes françaises ménopausées, le nouvel Institut de santé de la femme et de la fertilité de l’hôpital Foch (voir encadré à la fin de l’article) lance le projet Climatère.
L’objectif: suivre 100.000 femmes sur le territoire français pendant 10 ans. Les données de santé publique récoltées serviront de base pour mieux comprendre cette période dans la vie des femmes, tant du point de vue des maladies liées, que de la gestion de la ménopause et de ses répercussions sur la qualité de vie. Alexandre Vallée, chef du service d’épidémiologie et de santé publique de l’hôpital Foch, dirige ce projet. Il en a expliqué les modalités à Sciences et Avenir.
Sciences et Avenir: Pourquoi lancer un projet de recherche sur la ménopause aujourd’hui?
Alexandre Vallée: Nous sommes partis du constat qu’il y a très peu de données sur la ménopause en France. La députée Stéphanie Rist a auditionné notre équipe lors de la mission Ménopause afin de constater ce manque. Par exemple, la dernière grande cohorte en France date des années 90 (la cohorte E3N). Elle inclut des femmes nées entre 1925 et 1950. Aujourd’hui, les plus jeunes ont 75 ans. On s’est dit qu’il serait peut-être bien de réactualiser les données avec d’autres femmes.
Parce qu’aujourd’hui, plus de 80 % de celles ménopausées ont un symptôme, en plus de l’arrêt des règles, qui nuit à leur qualité de vie. Plus de la moitié d’entre elles ont des bouffées de chaleur invalidantes. Et un tiers de ces femmes déclarent une influence négative de la ménopause sur leur travail. En parallèle, on a observé une errance à la fois diagnostique et thérapeutique. Par exemple, sur la prise en charge des traitements hormonaux de la ménopause, il y a moins de 2,5 % des femmes qui ont eu un traitement hormonal, avec des grandes disparités territoriales.
On a donc décidé de faire un état des lieux national sur la ménopause, en récoltant des données sur des sujets très variés. Le projet Climatère s’intéresse à la fois aux symptômes de ces femmes, leur parcours, mais aussi leur travail, leur famille et leurs habitudes de vie.
« Je dirais qu’il y a autant de femmes que de symptômes »
Sciences et Avenir: Comment caractérise-t-on la ménopause aujourd’hui? Quels en sont les symptômes?
La ménopause arrive entre 45 et 55 ans (avec un âge moyen de 51 ans en France, ndlr) et peut durer de quelques années à 10 ans. Elle marque la fin de la fonction ovarienne et de la capacité reproductive. C’est la diminution des hormones, en particulier l’estradiol, un œstrogène, qui explique l’arrêt des menstruations.
Les symptômes sont très variés, on les appelle les syndromes climatériques. Il peut y avoir des bouffées de chaleur, des douleurs articulaires, une prise de poids, mais aussi des troubles de la sexualité. Des phénomènes de brouillard mental peuvent apparaître. Je dirais qu’il y a autant de femmes que de symptômes, c’est là la difficulté.
Certaines femmes vont avoir des symptômes et d’autres beaucoup moins, il y a des femmes qui n’en auront pas du tout, d’autres énormément. Il faut valoriser un accompagnement personnalisé, au cas par cas. Par exemple une ménopause précoce, c’est-à-dire aux alentours de 40 ans, ne va pas être prise en charge de la même manière qu’une ménopause survenue à 45 ou 55 ans.
« La ménopause touche 50% de la population mondiale. Malgré ça, c’est quelque chose dont on ne parle pas »
Sciences et Avenir: Pourquoi ce sujet est-il encore tabou?
C’est ça qui est étonnant: la ménopause touche 50% de la population mondiale. Malgré ça c’est quelque chose dont on ne parle pas. C’est un phénomène physiologique, ce n’est pas une pathologie donc déjà, ça n’intéresse pas forcément beaucoup de médecins. On remarque d’ailleurs une difficulté à aborder ces questions avec son médecin généraliste, mais aussi au sein des familles et des couples. Certaines patientes nous disent que leur conjoint n’est même pas au courant qu’elles subissent des symptômes de la ménopause.
On peut faire un parallèle entre le phénomène qu’on observe aujourd’hui sur l’endométriose. Ce sont des sujets qui ont été pris en main par les femmes et par les patientes, avec une absence de recherche médicale derrière. L’idée de ce projet, c’est d’envoyer des informations à l’ensemble des médecins, par la littérature scientifique, leur montrer qu’on a des données françaises récentes. Enfin, donner des recommandations, de manière à ce qu’il y ait un dialogue plus fluide entre les patientes et leurs médecins, qu’elles puissent en parler sans tabou.
Sciences et Avenir: Comment prendre en charge les femmes ménopausées dans leur diversité de symptômes?
A l’Institut de la santé de la femme et de la fertilité, un parcours spécifique de consultations pour la ménopause est mis en place. Quand on dit « prise en charge de la ménopause », ça signifie prise en charge globale de la santé. L’accompagnement de cette chute hormonale consiste en fait essentiellement à améliorer la qualité de vie. Par exemple, arrêter de fumer, opter pour une alimentation plus adaptée, lutter contre la sédentarité en faisant du sport. Il s’agit de traiter les symptômes, mais aussi prévenir l’apparition des maladies cardiovasculaires, de l’ostéoporose, des troubles cognitifs qui peuvent être sous-jacents et arriver plus tard.
Après, si les symptômes sont trop importants, on va essayer de mettre en place un traitement hormonal le plus tôt possible, au cas par cas. Si vous avez des incidences de cancer ou de maladies cardiovasculaires, vous ne serez pas éligible à ce genre de traitement. C’est vraiment une discussion avec le médecin.
Sciences et Avenir: Quelle est la démarche du projet Climatère?
Le but de ce projet est d’inclure 100.000 femmes sur le territoire français, qu’on va suivre pendant plus de 10 ans. On s’intéresse aux femmes de plus de 30 ans, parce qu’on veut des femmes qui sont ménopausées et d’autres qui vont entrer en ménopause dans les prochaines années. Ça nous permet d’étudier la période de transition de 2 à 4 ans avant la ménopause, appelée périménopause, mais aussi de regarder la symptomatologie des femmes qui ont une ménopause prématurée.
On va leur poser de multiples questions à travers des questionnaires numériques entièrement accessibles sur une plateforme sécurisée en ligne. La plateforme a ouvert en avril 2025 et on a déjà près de 2.000 participantes à qui on a envoyé 11 questionnaires principaux d’inclusion.
Les questions portent à la fois sur leur symptomatologie, leurs habitudes de vie, leur travail, leur famille, leur parcours de grossesse, mais également leur parcours médical. L’objectif, après l’analyse de ces données, est de faire un grand état des lieux sur le bien-être, l’accompagnement, les attentes des femmes ménopausées, de manière à co-construire avec elles des messages de prévention en santé publique.
Sciences et Avenir: Et l’andropause, la baisse du taux de testostérone chez l’homme?
Toutes les femmes vont passer par la ménopause à un moment de leur vie. L’andropause concerne à peu près 5% à 10% des hommes, avec des symptômes qui n’ont rien à voir, et qui sont en général bien moins invalidants. Ce sont vraiment deux sujets de santé publique qui ne sont pas du tout comparables.
L’Institut de la santé de la femme et de la fertilité, une prise en charge de la puberté à la ménopause
Lancé en 2024 à l’hôpital Foch (Suresnes), l’Institut de la santé de la femme et de la fertilité est un pôle pluridisciplinaire dédié à la santé gynécologique et hormonale des femmes. Il est dirigé par le Pr Jean-Marc Ayoubi, chef du service de gynécologie-obstétrique, et regroupe des spécialistes en gynécologie, endocrinologie, fertilité et épidémiologie. Sa mission est d’assurer une prise en charge complète à chaque étape de la vie hormonale des femmes, de la puberté à la ménopause, en intégrant soins, prévention, recherche clinique et accompagnement personnalisé.
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