AprèS la Reprise du Conflit au Nord du Mali: les Tambours de la Guerre Battent-Ils de Nouveau dans la Région ?

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AprèS la Reprise du Conflit au Nord du Mali: les Tambours de la Guerre Battent-Ils de Nouveau dans la Région ?
AprèS la Reprise du Conflit au Nord du Mali: les Tambours de la Guerre Battent-Ils de Nouveau dans la Région ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. La capitale, Bamako, a été témoin d’opérations menées par le groupe « JNIM » lié à Al-Qaïda, qui ont fait des dizaines de morts. Ces développements surviennent au moment où le gouvernement militaire confirme que la situation s’est améliorée après l’expulsion des forces occidentales et l’aide de la Russie, mais les attaques révèlent les défis sécuritaires persistants dans le pays, et le Mali est considéré comme l’un des nombreux pays d’Afrique de l’Ouest confrontés à une insurrection extrémiste qui a émergé dans les régions arides du nord en 2012 et qui s’est depuis propagée à travers tout le pays. Au Sahel, et récemment étendue aux États sahélien du nord, ces attaques soulèvent de nombreuses questions quant à savoir « si Al-Qaïda envisage de s’emparer du Mali comme quartier général et pour ses opérations spécifiques », et si elle tente de retrouver ses gloires en profitant du départ des forces françaises et étrangères du Mali.

• Plus de détails sur la double-attaque terroriste

Selon les informations recueillies, les groupes armés auraient lancé des attaques contre Bamako, une première depuis des années, d’après les médias, et ce sont des éléments du groupe JNIM (Jama’at Nusrat al-Islam wal Muslimine) affiliés à Al-Qaïda, qui auraient revendiqué les deux attaques simultanées perpétrées contre « l’école de gendarmerie de Faladié », dans le nord de la ville, et contre « la base aérienne 101 », qui jouxte l’aéroport international Modibo-Keïta.

Il importe de noter que ces attaques ont été commises le lendemain de la célébration du premier anniversaire de la fédération de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui coïncidait avec la journée du 16 septembre 2024.

Les Maliens, furent en fait surpris par la double attaque terroriste qui avait débuté dès l’aube du mardi 17 septembre, sachant que des colonnes de fumées ont été nettement visibles et des détonations ont retentis, alors que le soir même, le président malien Assimi Goïta – président en exercice de l’AES – vantait ce qu’il présentait comme les « éclatantes victoires sur le terrain » des forces de défense et de sécurité des trois pays (Mali, Niger et Burkina Faso), tout en célébrait « l’affaiblissement considérable » des groupes terroristes dans la région.

Dans ce contexte, d’autres sources diplomatiques ont rapporté que cette double attaque qui a visé l’école de police et la zone de l’aéroport, a fait plus de 70 morts, et compte parmi les attaques les plus sanglantes, ce qui a posé un défi majeur à la situation sécuritaire au Mali, en particulier dans la capitale, Bamako, qui était largement considérée comme immunisée contre de telles opérations.

Au moment où le gouvernement s’est vanté de l’amélioration de la situation sécuritaire après l’expulsion des forces françaises et américaines et le recours au soutien russe, le groupe terroriste JNIM a affirmé quant à lui, dans un communiqué publié sur ses chaînes médiatiques, avoir mené une « opération spéciale » visant l’aéroport militaire et le centre de formation de la gendarmerie malienne au centre de la capitale Bamako.

L’attaque a également visé des sites militaires de l’armée et du groupe russe « Wagner », dont l’aéroport militaire international Modibo Keïta, alors que des clips vidéo montraient des scènes d’incendie et de destruction, notamment l’incendie d’un avion civil et le sabotage des installations aéroportuaires de l’armée.

De son côté, le chef d’état-major des forces armées, le général de Division Oumar Diarra, a tenté d’apaiser la situation en déclarant à la télévision d’Etat: « La situation est sous contrôle. L’armée a repoussé l’attaque, en ciblera l’ethnie « Fullan », dont certains membres appartiendraient à l’organisation extrémiste d’al-Qaïda, tuant plus de 15 terroristes, dont le chef du groupe ».

• Les motifs de ces attaques simultanées

De nombreuses motivations se cacheraient derrière la double-attaque terroriste perpétrée par le JNIM, dont les plus importantes sont:

-/- Scénario 1 – Le retrait des militaires français et onusiens

Il faut reconnaître que cela a créé un vide que l’organisation al-Qaïda est en train de tout faire pour combler, sachant que les organisations terroristes au Mali savent exploiter les circonstances et les développements en cours, puisqu’elles ont déjà lancé une attaque contre le mouvement Azawad en 2012, après avoir pris le contrôle de nombreuses zones d’où l’armée malienne s’est retirée, et ce qui augmente les chances que cela puisse se reproduire, c’est que ces évolutions ont été en effet accompagnées de mouvements d’organisations terroristes, et le retrait des forces françaises et des forces onusiennes qui combattaient ces organisations terroristes, leur a donné une précieuse opportunité de reprendre leur activité et d’exploiter la faiblesse des forces gouvernementales et leur préoccupation de la guerre contre le mouvement Azawad.

-/- Scénario 2 – Le déclin des efforts de contrôle régionaux

Il importe de rappeler que le Conseil de sécurité des Nations Unies a retiré les forces de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali), qui avait été créée en 2013 pour soutenir les processus politiques et les efforts de sécurité au milieu des troubles. À la suite de ce retrait, le ministère norvégien des Affaires étrangères avait annoncé qu’il fermerait son ambassade au Mali en raison de l’escalade des coups d’État politiques ces dernières années, ainsi que de la décision du pays de mettre fin à la coopération sécuritaire avec la France et les Nations Unies.

-/- Scénario 3 – Al-Qaïda qualifie l’attaque d’invasion de Bamako

Le groupe terroriste a confirmé que tous les combattants qui ont participé à l’attaque ont été tués « sans préméditation » et a qualifié l’attaque d’« invasion de Bamako » et a déclaré que l’attaque était intervenue « en représailles aux centaines de tueries et de massacres commis par cette junte au pouvoir et ses alliés russes contre notre peuple musulman ».

Cela n’a pas empêché le groupe d’adopter à l’heure actuelle le principe de priorité dans la lutte contre l’ennemi proche représenté par les armées de la région, et basée sur l’intérêt organisationnel et la nature de la situation sur le terrain, ainsi que sur les priorités de ciblage du groupe, et cela explique peut-être les attaques presque continues du groupe contre les armées du Mali, du Niger et du Burkina Faso, que ce soit par le biais d’attaques conventionnelles ou d’attentats-suicides.

• Des répercussions dangereuses

L’escalade de l’activité du Groupe « Jamaʿat nuṣrat al-islam wal-muslimin » a contribué à l’augmentation des taux de terrorisme sur le continent africain, en particulier à la lumière de la concurrence entre Al-Qaïda et Daech pour l’avant-garde de la scène jihadiste sur le continent, à travers la concurrence pour lancer des attaques terroristes.

Parmi les répercussions les plus importantes figurent les suivantes:

-/- Déploiement de nouveaux combattants

Un rapport publié par les Nations Unies en février de l’année en cours, indiquait que des milliers de combattants d’Al-Qaïda et de Daech se sont répandus dans diverses régions du continent africain, en particulier dans les régions du Sahel et de la Corne de l’Afrique, où la menace terroriste a atteint son apogée sur le continent africain, coïncidant avec son déclin dans d’autres régions du Moyen-Orient.

-/- Escalade des menaces à la sécurité

L’escalade des menaces à la sécurité par le Groupe « Jamaʿat nuṣrat al-islam wal-muslimin » est devenue une source d’inquiétude croissante aux niveaux régional et international, compte tenu de la diversité et de l’ampleur des attaques du groupe et de la menace qu’il représente pour les intérêts de certaines forces vives.

C’est peut-être ce qui a poussé les États-Unis d’Amérique, en avril 2024, à annoncer par l’intermédiaire de leur secrétaire d’État, Anthony Blinken, que son ministère a incriminé sept dirigeants de ce qui est connu sous le nom de Groupe « Jamaʿat nuṣrat al-islam wal-muslimin » et « Al-Mourabitoun » pour leur implication dans la prise en otage d’Américains en Afrique de l’Ouest, comme indiqué dans la déclaration du ministère, selon laquelle le Groupe « Jamaʿat nuṣrat al-islam wal-muslimin » est la branche la plus importante et la plus meurtrière d’Al-Qaïda en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel, qui a revendiqué de nombreux enlèvements et attaques depuis l’annonce de sa création en 2017.

-/- Augmentation du nombre de victimes

La menace terroriste continue de s’intensifier, selon les organisations qui surveillent et recensent les victimes des conflits à travers le monde, indiquent qu’environ 1 500 civils et soldats ont été tués dans des attaques terroristes au cours de l’année écoulée rien qu’au Niger, contre 650 entre juillet 2022 et 2023, alors que les rapports d’autres organisations internationales indiquent que l’année en cours 2024 risque fort d’être l’année la plus sanglante au Burkina Faso, au Mali et au Nigeria, depuis le début des attentats terroristes de 2015, dans ces pays africains pauvres et fragiles.

Al-Qaïda prendra-t-il le Mali comme quartier général de ses opérations dans le Sahel africain ?

À la lumière des transformations actuelles au Mali, quatre scénarios peuvent être imaginés pour suivre l’avenir de la situation dans ce pays:

1. Scénario de « l’explosion »

Ceci est confirmé par des indicateurs marquants, notamment la détérioration de la situation économique et sociale en raison des sanctions économiques et des pressions régionales et internationales, l’aggravation des problèmes de sécurité et la combinaison des menaces terroristes, ainsi que la rupture effective avec les forces politiques, civiles et des Droits de l’Homme.

Dans ce scénario probable, les initiatives des blocs d’opposition (tels que la Coalition de l’Appel de Février, le Réseau des Défenseurs des Droits de l’Homme et Action pour la Solidarité avec le Mali) conduiraient au lancement de la désobéissance civile et des protestations civiles, de la manière efficace qu’auparavant ayant renversé les régimes de Moussa Traoré en 1991 et Ibrahim Boubacar Keïta en 2020, et selon ce scénario, qui bénéficierait du soutien international, certains chefs militaires rejoindraient probablement le soulèvement civil contre le gouvernement actuel.

2. Scénario du retour au « processus électoral »

D’après les exigences de l’Union africaine et des organisations internationales (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme), les autorités militaires au pouvoir pourraient être contraintes à cette option après avoir constaté l’échec de leur projet à se poursuivre dans la situation exceptionnelle, à condition qu’elles adoptent la voie du maintien au pouvoir à travers le portail électoral, et conformément aux dispositions de la nouvelle constitution.

3. Scénario d’une « Alliance commune »

Les groupes extrémistes et armés auront recours à une plus grande coopération et alliance entre eux à la suite des pertes qu’ils ont subies entre 2022 et 2023. Comme ces mouvements ont commencé à perdre certains de leurs lieux de contrôle, notamment dans le nord du Mali, cela pourrait également conduire à l’avancée des militants vers d’autres régions en raison des chevauchements ethniques entre les pays de la région, notamment entre le Burkina Faso, le Mali et Le Niger.

Cela signifie que si certaines zones du Sahel africain connaissent une amélioration en termes de sécurité, d’autres régions connaissent une aggravation de l’insécurité, comme c’est le cas au Burkina Faso ces derniers mois.

4. Scénario d’une congestion continue

Alors que les autorités militaires resserrent leur emprise sur la capitale, Bamako, et ses environs, avec le soutien des forces russes Wagner, la zone d’affrontement s’étend dans les régions du nord et du centre, et les groupes terroristes extrémistes exploitent ce vide politique et sécuritaire pour renforcer leurs positions dans les zones de troubles et de tensions à travers le vaste pays.

Quand Al-Qaïda perd de hauts responsables tués par l’armée malienne FAMA

Jelbib al-Ansari

Le FAMA a confirmé, le samedi 12 octobre 2024, que les troupes de l’armée malienne ont tué un haut responsable de l’organisation d’al-Qaïda à Tombouctou, avec plusieurs de ses compagnons terroristes.

Il s’agit du terroriste « Jelbib al-Ansari », de son vrai nom « Al-Izza Oueld Yahya », l’un des plus dangereux cadres exécutifs daechites dont l’identité a été confirmée par les analyses.

D’ailleurs, l’organisation d’al-Qaïda ne sort pas indemne des confrontations avec l’armée malienne, et à plusieurs reprises elle y a laissé des « plumes » en perdant de hauts responsables et cadres.

On note également la liquidation d’Abou Houzeifa, l’un de ses hauts responsables, le lundi 29 avril 2024. Sa tête avait été mise à prix par les États-Unis pour sa participation à une embuscade, qui avait notamment tué quatre soldats américains à Tongo Tongo au Niger, en 2017.

Le communiqué annonçant sa mort, indiquait à l’époque que « L’armée malienne a éliminé un ennemi de la paix en la personne de ‘Abou Houzeifa dit Hugo’, un chef terroriste étranger de grande renommée auteur de plusieurs exactions sur les populations civiles innocentes et d’attaques contre des forces armées de l’Alliance des Etats du Sahel et des forces étrangères ».


Abou Houzeifa

Par ailleurs, l’organisation Daech avait reçu un autre coup dur de la part de l’armée malienne, lors d’une opération militaire qui avait abouti à l’assassinat de celui qui a été décrit comme le « cerveau » de l’organisation au Mali: « Abdel Wahab Oueld Shuaib », qui est considéré comme l’une des figures marquantes de Daech, et il était également le frère du chef suprême de l’organisation dans l’État de Ménaka: « Youssef Oueld Shuaib ».

L’armée malienne a indiqué dans son communiqué que l’opération, qui s’est déroulée auparavant le 21 janvier 2024, comprenait un largage réussi dans la région de Ménaka, et avait abouti à la neutralisation d’un certain nombre de terroristes, dont l’un de ses leaders: « Abdel Wahab Oueld Shuaib », et deux autres de ses collaborateurs.

Ainsi, avec l’assassinat de « Abdel Wahab Oueld Shuaib », Daech avait perdu son cerveau, d’autant plus qu’il n’y a actuellement personne au sein de l’organisation terroriste qui puisse assumer son poste en raison de sa position élevée au sein de l’organisation.

Le Mot de la fin

En conclusion, on peut dire que la période à venir pourrait être pleine de dangers pour le Mali en particulier et pour la région du Sahel africain en général, d’autant plus que le Mali risque d’entrer dans une « guerre civile » à long terme si le conflit n’est pas résolu, car il est devenu difficile de parvenir à une solution qui satisfasse toutes les parties. À la lumière de l’insistance des groupes séparatistes azawadiens à bénéficier de l’autonomie ou de l’indépendance par rapport à l’État du Mali, le conflit pourrait s’étendre si les Touaregs d’Afrique de l’Ouest et du Nord seront rejoints par les groupes séparatistes azawadiens au Mali, ainsi que les organisations terroristes exploitant les tensions dans la région pour étendre leur influence, ce qui pourrait conduire à déstabiliser la sécurité et la stabilité de toute la région.

De facto, on peut dire qu’il existe un ensemble de facteurs qui se chevauchent et qui ont contribué à l’expansion du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, considéré comme le bras fort d’Al-Qaïda dans la région du Sahel africain, et donc à l’escalade de ses menaces sécuritaires.

Certains de ces facteurs sont liés à la situation politique et sécuritaire de la région, d’autres sont liés aux alliances tribales et ethniques du groupe, en plus de sa forte cohésion organisationnelle, de la disponibilité de bonnes sources de financement, et sa capacité à accroître le recrutement, ce qui lui a fourni des capacités matérielles et humaines lui permettant de poursuivre et d’étendre ses activités terroristes.

En plus, cela complique également les efforts de lutte contre le terrorisme pour l’éliminer ou du moins le limiter et saper ses menaces terroristes, en particulier à la lumière de la volonté du groupe de prendre la tête de la scène terroriste dans la région.

Il est donc probable que les menaces du groupe continueront de s’intensifier au cours de la période à venir, ce qui compliquera encore davantage le paysage sécuritaire dans la région africaine du Sahel qui ne semble pas stable à court terme au vu des évolutions successives que connaît la région.

Reconnaissons tout de même que cette guerre sur plusieurs fronts est en train de provoquer un « épuisement de l’outil de défense » au Mali, qui profite désormais aux groupes liés aux organisations Al-Qaïda et Daech.

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