Au Mali, un trafic de carburant responsable des récents délestages ?

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Au Mali, un trafic de carburant responsable des récents délestages ?
Au Mali, un trafic de carburant responsable des récents délestages ?

Salimata Koné

Africa-Press – Mali. Après trois jours de coupure d’électricité intempestives dans le pays, la ministre de l’Énergie, Bintou Camara, est apparue à la télévision nationale où elle a dénoncé de nombreuses malversations au sein d’Énergie du Mali, le fournisseur public d’électricité.

« En un week-end, nous n’avons eu moins de cinq heures d’électricité », tempête une usagère domiciliée en plein centre de Bamako. Les coupures d’électricité au Mali ont pris un tournant inédit entre le 20 et le 22 octobre dans la capitale malienne, obligeant la ministre de tutelle à opérer une visite surprise dans la plus grande centrale du pays, Sirakoro, pour s’enquérir de la situation, le 22 octobre.

Invitée du journal de 20 heures de l’ORTM (Office de radiodiffusion et de télévision du Mali), la chaîne de télévision publique du pays, deux jours plus tard, Bintou Camara a tenté d’apporter des réponses aux Maliens. La ministre se savait très attendue par la population sur cet épineux dossier : les délestages ont déjà entraîné la démission de son prédécesseur, Lamine Seydou Traoré, en mai dernier.

Rupture organisée

Bintou Camara a pointé des responsabilités au sein même d’Électricité du Mali (EDM), l’entreprise publique qui gère la production et la distribution d’électricité dans le pays, déclarant que la société nationale avait volontairement arrêté sa centrale de Sirakoro, qui fonctionne au fuel.

Derrière cette décision, en apparence incohérente, un système de détournement et de revente du gasoil, dont la rentabilité aurait poussé EDM à se détourner des centrales de Sirakoro et de Balingué, les deux principales centrales du pays – au fuel –, mais aussi de la production d’énergie hydraulique, pour se concentrer sur les centrales qui tournent au gasoil.

Or, se produisent depuis la centrale thermique de Balingué, au nord de Bamako, des « malversations » qui s’apparentent aux activités d’un réseau mafieux, a poursuivi la ministre.

Le système consisterait à enregistrer des sorties de citernes depuis ce site, où les importations d’hydrocarbures sont centralisées avant un dispatching, et à les faire disparaître de la circulation. Les équipes du ministère ont ainsi remarqué que « 59 citernes ont disparu en quatre jours entre Balingué et les centrales de Bamako ». « Lorsque deux citernes doivent aller à Darsalam [l’une des centrales au gasoil de Bamako], l’une disparaît en cours de route », a ainsi relaté Bintou Camara.

800 fournisseurs

Le carburant détourné serait revendu dans les stations-service de la capitale et aux industries. Pour la ministre, les délestages sont une conséquence de cette « rupture organisée » des stocks de carburants servant à l’alimentation des centrales maliennes, et elle promet d’en traquer les responsables. Ce sera l’une des tâches d’Abdoulaye Djibril Diallo, nommé début septembre à la tête de la société publique par le gouvernement.

Un audit a également été lancé mais, prévient Bintou Camara, « il faudra être patient ». Car, si elle assure que les « maux qui entraînent les délestages » ont été « identifiés » et sont « en train d’être traités », le processus « peut prendre un, deux, voire trois mois », a indiqué la ministre.

Depuis deux mois, l’audit lancé par le gouvernement a ainsi permis de contrôler pour l’instant deux fournisseurs – sur 800. Il a découvert 17,6 milliards de francs CFA (26 millions d’euros) de surfacturations. « Pour une livraison, EDM rédigeait 2 ou 3 factures », détaille la ministre, qui précise que les responsables de ces détournements sont « des Maliens ». Bintou Camara l’affirme, « EDM ne peut être réformé si les coupables restent au sein de l’entreprise ».

Abdoulaye Djibril Diallo, qui remplace le très décrié Koureissi Konaré, a la lourde tâche de réduire les délestages, de superviser le virage informatique d’EDM et d’en assainir les finances, alors que la dette de l’entreprise publique s’élève à « plus de 600 milliards de francs CFA ».

Contacté par Jeune Afrique, EDM indique qu’une assemblée générale est convoquée le 27 octobre, afin de décider de la réponse à apporter aux accusations du gouvernement.

source: jeuneafrique

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