Africa-Press – Mali. Après le départ des Casques bleus de la Minusma et l’avancée de l’armée malienne, le bastion de la rébellion indépendantiste se tient prêt pour la guerre. Les civils, eux, ont déjà fui en nombre.
Quelques motos continuent de passer aux abords du rond-point Igdade. Mais en ce début du mois de novembre, impossible de ne pas remarquer, à Kidal, que les civils se font de plus en plus rares. Le long de la mosquée, des hommes en treillis gardent l’entrée de la ville, leur armes automatiques en bandoulière. Le bastion des rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP) se prépare à la guerre.
Voilà près de trois mois que les combats ont repris dans le septentrion malien entre les mouvements armés et l’armée régulière, jusqu’alors liés par l’accord de paix dit d’Alger. Le 2 octobre, un imposant convoi militaire composé de soldats maliens et de mercenaires du groupe russe Wagner a quitté Gao pour le Nord, avec Kidal en ligne de mire.
Renforcement du dispositif
Berceau des rébellions indépendantistes qui ont déchiré le Mali à quatre reprises depuis l’indépendance du pays, cette petite ville plantée au milieu du désert revêt une portée symbolique immense. Tant pour les rebelles, qui y règnent en maîtres depuis des décennies, que pour la junte d’Assimi Goïta, qui y joue sa crédibilité après avoir tant vanté le retour à la souveraineté nationale.
Le départ des Casques bleus de la Minusma de leur base de Kidal, ce mardi 31 octobre, devrait accélérer les choses. « Il faudra seulement quelques jours pour que ne commencent les frappes aériennes », prédit même un fin connaisseur de la région.
Le CSP, qui a battu en retraite face à l’armée malienne à Anéfis, à quelque 110 kilomètres plus au Sud, a regroupé en masse ses combattants, renforçant ses dispositifs militaires tout autour de la ville de Kidal et continue d’appeler « toutes les bonnes volontés » à rejoindre les combats.
« Les Kidalois se préparent au combat avec une détermination particulière. Nous sommes entrés en résistance et appelons tous les combattants à rejoindre l’effort pour sécuriser leur région et préparer la contre-offensive pour que Kidal ne tombe pas dans les mains de l’ennemi », claironne Attayoub Ag Bataye, secrétaire permanent de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), principale coalition au sein du CSP.
Fuite des habitants
Comme lui, les hommes sont restés en nombre à Kidal. Mais à mesure que la colonne militaire avance, cette ville de quelque 25 000 habitants, selon le dernier recensement de 2009, s’est vidée d’une partie de ses occupants.
« Il y a des déplacements dans toute la région, pas uniquement à Kidal. Les habitants ont commencé à partir vers les villages voisins, vers les frontières, en périphérie ou vers la brousse. La ville commence à se vider », confie Attayoub Ag Intalla, président de l’ONG Solisa et frère d’Alghabass Ag Intalla, le président du CSP.
Femmes, enfants, vieillards : nombreux sont déjà partis trouver refuge, notamment dans le sud de l’Algérie. « Les Kidalois partent pour ne pas être des dommages collatéraux des combats entre le CSP et l’armée », résume Attayoub Ag Intalla. Depuis le mois de septembre, Inkinane Ag Mohamed Ahmed, un cadre de la société civile de Kidal, se réunit régulièrement avec les différentes organisations humanitaires présentes localement pour faire le point sur la situation. « Nous essayons d’anticiper les dangers pour les populations qui risquent de se retrouver au milieu des belligérants », explique-t-il.
Crainte d’un désastre humanitaire
La guerre n’est pourtant pas chose nouvelle pour les Kidalois, qui ont traversé les décennies au rythme des rébellions. « Kidal est une région agitée depuis les indépendances. Depuis 1960, elle n’a jamais connu de stabilité durable. Des convois, des colonnes, des guerres… Il y en a toujours eu », égrène Attayoub Ag Bataye, secrétaire permanent de la CMA. « Ce qui est nouveau, poursuit-il, c’est l’intervention des paramilitaires russes de Wagner. Leur présence auprès des soldats maliens crée de la psychose chez les citoyens. Tout le monde a en tête les exactions qu’ils commettent là où ils passent. »
Poussés sur les routes par la guerre à venir, les civils de Kidal semblent particulièrement vulnérables. Dans le nord du Mali, la guerre entre les mouvements et l’armée s’ajoute aux massacres déjà perpétrés par les groupes jihadistes qui essaiment dans toute la région.
« La situation humanitaire est catastrophique. Là où elles se sont réfugiées, les populations manquent de tout. Elles manquent d’accès à l’eau et aux vivres », s’alarme Attayoub ag Intalla. De quoi faire craindre un désastre humanitaire dans une région déjà largement sinistrée, qui plonge peu à peu dans un trou noir informationnel.
source: jeuneafrique
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