Comment la France fût doublée par la Russie au Mali ?

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Comment la France fût doublée par la Russie au Mali ?
Comment la France fût doublée par la Russie au Mali ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Tout le monde sait que la France, qui a envoyé des milliers de soldats au Mali depuis 2013, avait décidé au mois de février dernier qu’elle se retirait du Mali, dans un contexte de controverse sur son rôle dans la lutte contre les groupes terroristes dans la région du Sahel africain, particulièrement au nord du Mali.

Dans ce contexte, la France et ses partenaires européens au Mali s’inquiètent de plus en plus de la présence de mercenaires du groupe paramilitaire privé russe, Wagner, dans certains pays africains, alors que le gouvernement russe a toujours nié tout lien avec ce groupe.

C’est ainsi que nous avons vécu l’aggravation de la détérioration des relations entre la junte militaire malienne, dirigée par le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, et l’Etat français, à tel point que la junte a « craché le mot », le mardi 3 mai 2022, en décidant de mettre fin à tous les accords de défense les liant à la France, dans ce qu’elle dit être une réponse aux « violations et dépassements » français au Mali, et ce, dans un mouvement qui a mis fin à des décennies d’influence de Paris au sein de son ancienne colonie.

La décision malienne a été considérée comme une « balle de grâce » pour la présence française au Mali, qui, depuis le coup d’État de mai 2021, dégringolait vers la perte totale de son influence au sein de ce pays du Sahel africain.

En revanche, Paris a perdu de ce fait ces terres au profit de Moscou, qui a joué un rôle majeur dans ce dénouement, et intensifie encore ses mouvements sur le terrain via le « groupe Wagner », ou politiquement au sein du Conseil de sécurité, afin d’asseoir sa présence en tant qu’alternative.

Une décision à laquelle le ministère français des Affaires étrangères a répondu, par l’intermédiaire de son porte-parole, que « la France considère cette décision comme injustifiée », démentant toute accusation de « violations » par les autorités maliennes, tout en soulignant que la France poursuivra son retrait militaire « de manière ordonnée » comme prévu d’ici août prochain.

De Barkhane au retrait des troupes françaises

Dans un rappel rétroactif, on note qu’en août 2014 les forces françaises et leurs alliés dans la région du Sahel avaient lancé l’opération « Barkhane » au Mali, sur la base d’un certain nombre d’objectifs de combat qui incluaient l’élimination des groupes armés qui y sont déployés et la restauration de la sécurité dans ce pays africain déchiré par les combats et les conflits armés. Mais, depuis lors, l’opération Barkhane n’a atteint aucun de ses objectifs, selon les maliens.

Les deux coups d’État survenus moins d’un an au Mali, entre 2020 et 2021, dont le second a été la raison de couper le « cordon ombilical » entre Bamako et Paris, ont poussé la France à condamner le groupe militaire qui s’est emparé du pouvoir par son action, annonçant la réduction de ses forces participant à « Barkhane » comme première mesure, avec la perspective de les retirer définitivement si les autorités militaires ne remettaient pas le pouvoir aux civils.

Par la suite, la France, à travers ses alliés en Afrique de l’Ouest, a imposé un blocus économique et politique au Mali, après que le Conseil militaire ait décidé de se maintenir au pouvoir pour cinq ans, et que les autorités de Bamako aient exigé le retrait immédiat des forces françaises de son territoire, en lieu et place du redéploiement progressif annoncé par la France.

Il importe de rappeler également que le Mali avait également fermé son espace aérien aux avions français, pour ce qu’il a qualifié comme « opérations de sabotage et d’espionnage » menées par ces forces à l’aide de drones.

Quant à la France et ses alliés occidentaux, ils ont annoncé un retrait conjoint du Mali, et le président français avait déclaré en février dernier que « les soldats européens participant au groupement des forces spéciales de Takuba seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali ».

Renforcement de la présence russe aux dépens de la France

Manifestation de soutien aux forces russes

En retour, la Russie étendit son influence au Mali au détriment de la retraite française. Cela a commencé par la contractualisation du conseil militaire au pouvoir à Bamako avec le groupe paramilitaire privé russe de « Wagner », proche du Kremlin, et le déploiement de ses forces sur le terrain dans des opérations militaires menées avec la participation de l’armée malienne.

Des opérations militaires qui ont été critiquées pour avoir été accusées de commettre des violations humanitaires.

Dans ce contexte, un rapport de l’organisation des droits de l’homme « Human Rights Watch » a documenté qu’au moins « 107 civils, dont des commerçants, des chefs de village et des enfants, ont été tués dans le centre et le sud-ouest du Mali depuis décembre 2021 ».

Les forces de sécurité maliennes et des mercenaires de Wagner ont également été accusés d’être liés à l’exécution d’au moins 71 civils.

En outre, Moscou cherche toujours à renforcer son intervention politique au Mali par le biais du Conseil de sécurité, qui devrait examiner la décision de renouveler l’accréditation de la mission des Casques bleus sur place « MINUSMA », laquelle compte 15.000 membres. Le sort de cette force est devenu inconnu après la fin de l’opération Barkhane, car elle reposait fortement sur le soutien des forces de la coalition que dirigeait la France.

En effet, la Russie tente de détailler l’opération de maintien de la paix menée par ces forces de l’ONU, comme en témoigne son appel à une réunion du Conseil de sécurité après que Bamako ait annoncé en ce début du mois de mai la résiliation de ses accords de défense avec Paris.

La confirmation officielle que Wagner est bel et bien présent au Mali

Hors mis tout ce qui précède, dans une déclaration faite le 2 mai 2022, le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, a affirmé que « le groupe Wagner est bel et bien présent au Mali », et ce, en se basant sur l’entretien accordé à la chaîne de télévision Mediaset par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a fini par l’admettre, en précisant que « le déploiement au Sahel [ainsi qu’en Libye] du groupe russe Wagner s’était fait sur une base commerciale ».

« Mon cher collègue Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, de même que Josep Borrell, Chef de la diplomatie européenne, m’ont dit directement en septembre 2021 que la Russie n’avait rien à faire en Afrique, ni par des moyens étatiques, ni par des moyens privés, car l’Afrique est une zone d’intérêt de l’Union européenne et de la France », avait affirmé Sergueï Lavrov.

« Nous avons également expliqué » qu’en Libye, « cette compagnie militaire privée a été invitée par les autorités de Tobrouk, où se situe le Parlement libyen », a indiqué également le ministre russe des Affaires étrangères, et d’assurer : « Ils sont présents là sur une base commerciale, de même qu’au Mali ». Ainsi, les choses deviennent de plus en plus claires !

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