Africa-Press – Mali. Les liens séculaires existant entre les peuples maliens et guinéens sont si forts et vivants que ni le temps ni un homme ne peuvent les ébranler. Ils ne datent ni d’aujourd’hui ni de l’ère des indépendances. Bien avant leur séparation arbitraire et absurde, par une frontière commune de 858 kilomètres héritée de la colonisation, ces deux peuples appartenaient à un même ensemble: le Manden.
En effet, depuis plusieurs semaines maintenant, des rumeurs d’une prétendue déstabilisation du Mali à partir de la République de Guinée font tabac sur les réseaux sociaux, espaces de prédilection de certains individus en manque de repère, habités par l’esprit de délation et qui font recours à la désinformation pour une question de visibilité sur les réseaux sociaux. Ces rumeurs font croire que la Guinée serait de mèche ou en bonne intelligence avec une puissance pour destabiliser son voisin malien. Non, soyons sérieux: la Guinée a quel intérêt à attiser le feu au Mali?
Du Président Sékou Touré au Président Alpha Condé, en passant par le Président Lansana Conté, le Capitaine Moussa Dadis Camara et le Général Sékouba Konaté, la Guinée n’a jamais servi de base arrière pour destabiliser un pays africain, à plus forte raison un pays avec lequel elle a plein de choses en commun comme le Mali, notamment l’histoire de Soundjata Keïta, de l’Almamy Samory Touré, du Sosso bala, que sais-je encore. N’eut été les frontières artificielles conçues et imposées par les puissances impérialistes, les deux pays seraient encore dans un même ensemble.
La Guinée, au contraire, s’est toujours battue pour la souveraineté totale et assumée du berceau de l’humanité. Pour rappel, elle a envoyé ses fils en Sierra Leone en 1972 pour aider le Président Siaka Steven confronté à des luttes tribales, puis en 1993 lorsque ce pays fut confronté à la rébellion. En 1989, au Libéria, nombre de soldats guinéens moururent pour défendre ce pays confronté, à l’époque, à la rébellion. Lorsque le Benin fut agressé en 1974, la Guinée envoya des troupes.
En Angola, en Guinée-Bissau, au Congo Kinshasa et autres, elle joua un grand rôle pour leur accession à l’indépendance ; elle a aussi prêté main forte à Nelson Mandela et ses hommes dans leur lutte contre le régime raciste d’apartheid en Afrique du sud.
Ce n’est pas aujourd’hui que le pays de l’Almamy Samory Touré, d’Alpha Yaya Diallo, de Dinah Salifou, de Zégbéla Togba Pivi, de Kissi Kaba Keïta, collaborerait avec une quelconque base militaire étrangère pour destabiliser un pays comme le Mali, qui se bat contre une horde de barbares, ces terroristes qui sèment la terreur et la désolation partout où ils passent, surtout au sein de leurs propres communautés.
Le Mali et la Guinée sont, comme l’affirmait le Président Ahmed Sékou Touré, les deux poumons d’un même corps. Les deux peuples se reconnaissent l’un à l’autre. Ce qui fait que quand le Mali est touché, la Guinée se sent immédiatement concerné et vice-versa. En décembre 2013 par exemple, lorsque l’épidémie de la maladie à virus Ebola fit son entrée en Guinée, au moment où tous nos voisins nous fermaient leurs frontières terrestres et aériennes, même maritimes pour les pays côtiers, le Mali nous ouvrait les siennes pour nous témoigner de sa solidarité.
Le célèbre et historique discours du Général Moussa Traoré, lorsque la République de Guinée fit l’objet de graves atteintes à son intégrité et à sa souveraineté, le dimanche 22 novembre 1970, résonne encore en Guinée. Profitant de la brume et du brouillard sur les eaux territoriales, près de 500 mercenaires européens et africains, débarquèrent le 22 novembre 1970 sur les côtes guinéennes, à bord de bateaux de guerre, violant ainsi tout principe de non-violabilité de l’intégrité territoriale et l’indépendance des peuples.
Dans son discours, le Général Moussa Traoré, appelant le vaillant peuple du Mali à se mettre du côté du peuple frère agressé, invita le monde à apporter son soutien à la Guinée qui traversait, à l’époque, une épreuve difficile.
La Guinée en a toujours fait de même chaque fois que la nation malienne se trouve dans une phase difficile de son histoire. À titre illustratif, les militaires guinéens se battirent pendant plusieurs années, aux côtés de l’armée malienne, pour bouter hors de ses frontières les terroristes qui font régner la terreur au nord du Mali depuis belle lurette.
Également, en 1974, la Guinée joua un rôle de premier plan dans la réconciliation entre la République du Mali et la Haute-Volta, actuel Burkina Fasso.
En effet, un problème frontalier opposant les deux pays voulut tourner au pire entre le Président malien, le Général Moussa Traoré, et le Président, le Général Sankoulé Lamizana de la Haute-Volta, actuel Burkina Fasso. Les deux revendiquaient une même portion de terre et étaient entrés en guerre.
Pour éviter le pire, le Président Ahmed Sékou Touré invita les deux Chefs d’État à Conakry pour une mission de bons offices et d’issue heureuse à la crise. La rencontre eut lieu au Palais du Peuple. Avant que le Président Ahmed Sékou ne prenne la parole, le griot à la voix magique, Sory Kandia Kouyaté, se leva et prit le micro. Il fit les louanges des deux Chefs d’État, leur rappelant l’histoire qui liait les deux hommes, les deux peuples depuis le Mandingue, leur lien de parenté et l’intérêt qu’ils avaient à cultiver la paix.
Le griot sut tellement relater et sut tellement utiliser les mots pour parler de l’utilité de la paix et de l’entente, que les deux Chefs d’État se levèrent pour se serrer les mains. L’étincelle fut éteinte entre les deux Présidents. Ce qui marqua la fin de la crise, la hache de guerre fut enterrée aussitôt.
Pour rappel encore, lorsqu’il y eut un problème de frontière entre la Guinée et le Mali, sous les Présidents Moussa Traoré et Sékou Touré, le Président guinéen, en bon panafricain, s’adressa à son homologue du Mali en ces termes: « Il n’y pas de frontière entre la Guinée et le Mali ; si le Mali veut, il peut placer ses bornes à Kouroussa. »
Je rappelle tous ces faits hautement significatifs pour que certaines personnes comprennent combien de fois les deux pays s’attachent l’un à l’autre.
Si la Guinée n’aide pas le Mali, elle ne servira pas non plus d’arrière-train pour une puissance contre ce pays frère. En 2022, malgré la demande de fermeture de frontière, la Guinée refusa de tourner dos au Mali comme le souhaita la CEDEAO ; elle garda toujours ses frontières ouvertes au Mali et son port est toujours resté la voix la plus sûre pour la livraison d’armes à ce pays de l’AES.
Dans le communiqué lu à la télévision guinéenne, au moment des faits, par la porte-parole du Comité National du rassemblement pour le Développement (CNRD), le Général Aminata Diallo, colonel à l’époque, fit savoir que « les frontières aériennes, terrestres et maritimes de la République de Guinée restent toujours ouvertes à tous les pays frères conformément à sa vision panafricaniste ».
Le souci de la Guinée, depuis le début des attaques terroristes contre le Mali, est de voir un jour ce resplendissant pays uni, libre et prospère. Ce n’est pas parce qu’elle n’appartient pas à l’Alliance des États du Sahel (AES) ou qu’elle n’a pas la même position que le Mali sur certains sujets d’ordre international qu’elle œuvrera pour le destabiliser.
En substance, les blogueurs guinéens et maliens doivent faire preuve de discernement et de prudence sur certains sujets, car les dirigeants passent, mais les peuples demeurent. Ils doivent tous œuvrer aujourd’hui pour que rien n’affecte les bonnes relations séculaires qui lient les deux nations. En tout cas, la Guinée qui s’est toujours battue pour l’unité africaine, ne peut, en aucune manière, s’inscrire dans une entreprise de déstabilisation d’un pays voisin comme le Mali.
Source: Vision Guinee
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