Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Mali. Malgré que le président français Emmanuel Macron ait décidé d’augmenter le montant de l’aide de son pays au continent africain, la France semble de plus en plus « rejetée » en Afrique et surtout au Mali.
En plus, rien ne va plus entre l’Hexagone et le Mali ; la situation est devenue insupportable, le plus du côté de la France, lésée par le choix des autorités maliennes de transition d’ouvrir leurs portes aux mercenaires russes du groupe Wagner, proche du Kremlin.
Le fait d’augmenter son aide à certains pays africains, doit-on comprendre que le processus de restitution par l’Etat français des antiquités pillées pendant les guerres coloniales, a commencé ?
Macron a pourtant renforcé ses liens non seulement avec les gouvernements, mais également avec les organisations de la société civile dans ces pays, tout en maintenant les forces militaires françaises dans la région du Sahel pour combattre les terroristes et les rebelles. Le président français a soutenu entre-autres le bloc économique des Etats d’Afrique de l’Ouest « CEDEAO » dans ses tentatives de défendre la politique électorale face à l’hégémonie des militaires.
La France est devenue « persona non grata » au Mali

Est-ce de l’arrogance néocoloniale ? Comment résoudre ce paradoxe ? Comment Macron fait-il face à un niveau d’impopularité sans précédent depuis des décennies envers un président français, plus concerné que n’importe lequel d’entre eux en Afrique et conscient des changements que subit le continent ?
Evidemment, la confiance en soi de Macron – que certains qualifient d’arrogance – est un facteur, et malgré sa proximité avec les Africains, le président Macron fait quand même face à un manque d’accueil populaire.
Mais la volonté de Macron de parler franchement, de remettre en cause des constantes dépassées et de proposer des hypothèses acceptables, ce sont des traits qui ne sont pas toujours payants, même parmi les partisans du changement.
De plus, la situation au Sahel s’est détériorée pour devenir une plaie purulente, et la présence militaire française en Afrique de l’Ouest alimente de plus en plus un sentiment croissant de mécontentement.
La France n’a toujours pas pardonné l’éviction du Président Bah N’Daw

Il importe de noter que la France n’a pas pardonné aux autorités de transition au Mali le fait d’avoir perpétré deux coups d’Etat en moins de 9 mois, sans avoir daigné la consulter.
Certes, les coups d’État militaires sont l’un des phénomènes les plus importants qui caractérisent la communauté politique au sein du continent africain, mais n’empêche que la région africaine est pleine de conflits armés et de propagation de groupes terroristes, ainsi que de coups d’État militaires, qui sont devenus une caractéristique commune du continent. Depuis la période d’indépendance de l’Afrique vis-à-vis du colonialisme, plus de 180 coups d’État militaires ont eu lieu dans des pays différents.
Après un état de calme relatif sur le continent en général, et après le coup d’État survenu au Gabon en janvier 2019, le Mali, quant à lui, a renversé son président « Ibrahim Boubacar Keita » ainsi que son gouvernement, à l’aube du 18 janvier 2020.
Ce coup d’Etat n’a pas apporté grand-chose au Mali, un pays souffrant de faibles performances politiques, économiques et sociales, de taux accrus de pauvreté, de chômage et de propagation des maladies, qui sont considérés comme des vestiges et des conséquences de la propagation du conflit et de la guerre civile entre les régions du nord et du sud du pays.
Le coup d’État militaire qui a suivi au Mali en août 2020, est considéré comme le quatrième cas de coups d’État militaires à l’intérieur du Mali, qui a été annoncé après un échange de tirs et une rébellion militaire, puis l’arrestation du président malien et de son premier ministre, et qui a fini par les obliger à démissionner.
Les organisateurs du coup d’État, et à leur tête le colonel Assimi Goïta, ont annoncé vouloir négocier une transition pacifique du pouvoir, et la réalisation d’une transition politique civile, qui passe par la consolidation des principes de la démocratie, et la tenue d’élections générales d’une manière qui réponde aux demandes de la population.
Ils ont également assuré qu’ils ne s’accrocheraient pas au pouvoir, mais qu’ils cherchent plutôt la stabilité dans le pays.
Néanmoins, le pouvoir militaire actuel semble bien souhaiter rester en place et s’inscrire dans la durée…iI tentera sûrement de ne pas lâcher le pouvoir coûte que coûte.
Mais comment donc peut-on espérer organiser des élections crédibles lorsqu’une grande partie du Nord du pays est hors de contrôle, et que le recensement de la population n’est pas à jour ?
La France tente de punir le Mali et impliquer l’Algérie
En fait, l’attention focalisée par la France sur le retrait du Nord du Mali uniquement vise essentiellement à punir le chef des putschistes, à savoir le colonel Assimi Goïta, qui avait renversé le Président intérimaire proche de Paris, Bah N’daw, malgré l’échec de l’armée malienne à faire face aux groupes terroristes disséminés dans le pays.
De plus, la fermeture des bases militaires françaises dans les foyers de tension les plus chauds place, d’un point de vue sécuritaire, l’armée malienne face à une épreuve délicate et lui fait assumer des charges supplémentaires, ce qui pousserait les gouvernements de ce pays à retourner, contraints, dans le giron français, espérant ainsi préserver et renforcer l’appui militaire et financier de l’Hexagone.
Les régions de Kidal et de Tessalit, proches des frontières algériennes, ainsi que la cité ancestrale des Touareg, Tombouctou, souffrent quant à elles d’une marginalisation par rapport aux villes du sud du pays, desquelles elles sont séparées par le fleuve du Niger, qui constitue une barrière naturelle.
A noter que le Nord du Mali a connu, au cours des décennies écoulées, une série de rébellions, durant lesquelles l’Algérie a joué un rôle central pour calmer la situation, via les négociations, dont les dernières en date avaient été couronnées par les Accords d’Alger signés en 2015 sous parrainage du pays maghrébin, entre les groupes armés touaregs et le gouvernement de Bamako.
Cependant, ces Accords n’ont pas été respectés jusqu’à présent par la partie gouvernementale, ce qui menace de voir ces accords entrer dans l’oubli.
De ce fait, le retrait français entamé au nord du Mali pourrait aboutir à nouveau à un soulèvement des Touaregs et des Azawad et à la mise en échec des Accords de paix d’Alger.
La France tente également d’impliquer les Etats-Unis dans cette situation, de façon à repousser conjointement l’avancée de la Russie sur le continent africain, en particulier dans la région du Sahel.
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