La MINUSMA au Mali désertée par la France, la Suède, le Royaume-Uni, la Côte d’Ivoire et bientôt l’Allemagne

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Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Le Mali est un pays pivot de la région sahélienne de l’Afrique, qui revêt une grande importance stratégique pour les grandes puissances. Comme l’Amérique, l’Europe, la Russie et la Chine, qui y placent la stabilité au centre de l’attention de ces puissances, dont chacune cherche à jouer le rôle le plus important dans le soutien de cette stabilité, d’où l’émergence de la MINUSMA, qui joue un rôle majeur au Mali, et ce malgré toutes les critiques qui lui sont adressées.

La prochaine étape pourrait être celle d’une escalade de l’instabilité dans la région, en particulier à la lumière de l’inquiétude américaine face à l’influence croissante de la Russie dans la région du Sahel africain, qui s’est manifesté au cours de la dernière période, en particulier au Mali, où le ton du rejet de la l’axe occidental s’est intensifié.

Il est vrai que ces dernières années, le Mali a fait face à une crise profonde aux graves conséquences politiques, sécuritaires, sociales, économiques et humanitaires. La crise découle, selon les observateurs, de conditions structurelles à long terme, tels que des institutions étatiques faibles, un système de gouvernance irrationnel, une cohésion sociale fragile et des sentiments de négligence, de marginalisation et de traitement injuste par le gouvernement central des communautés situées dans le Nord du pays.

D’après eux, ces conditions ont été exacerbées par l’instabilité, les conflits internes et la détérioration des capacités de l’armée malienne. Ce qui a finalement conduit à l’intervention d’organisations internationales pour tenter de résoudre la crise au Mali, vu que de pays pivot se situe dans une zone stratégique et un lieu de concurrence régionale et internationale, à l’image de la région du Sahel africain.

C’est donc pour faire face à une telle situation que « la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) » fût mise sur pied par l’ONU, après adoption le 25 avril 2013, puis le Conseil de sécurité a autorisé 13289 soldats et 1920 policiers à la MINUSMA jusqu’au 30juin 2021. La mission a vu son mandat prolongé pour une année encore.

La MINUSMA face à diverses entraves

La France et ses partenaires européens s’étaient déjà rendu compte que les forces Barkhane (une opération militaire menée au Sahel et au Sahara par l’Armée française avec une aide secondaire d’armées alliées, visant à lutter contre les groupes terroristes) et Takuba (une force opérationnelle composée principalement d’unités des forces spéciales de plusieurs pays de l’Union européenne), ne pouvaient plus avancer, en plus, la MINUSMA était devenue un partenaire encombrant dont le gouvernement de transition malien cherche à se débarrasser

De son côté, la Russie a su profiter de la tension entre le Conseil militaire malien et la France pour renforcer son influence et combler le vide laissé par le retrait de la force Barkhane et des forces européennes sous la pression du gouvernement malien.

De même, au lendemain du coup d’État de mai 2021 au Mali, le gouvernement de transition a cherché à officialiser son partenariat militaire avec la Russie en éloignant la France, qui n’en pouvait plus, du Mali.

Cela s’est fait par une série d’actes hostiles à la France, parmi lesquels on peut citer :

• l’expulsion de l’ambassadeur de France,

• l’expulsion de journalistes français,

• l’interdiction d’un avion cargo allemand transportant des soldats de Takuba de survoler le territoire malien,

• l’expulsion du contingent danois qui faisait également partie de Takuba,

• et l’interdiction des chaînes de radio et de télévision françaises (dont France 24) accusées d’être des outils de propagande contre le Conseil militaire malien.

Et les Etats-Unis dans tout ça ?

La position américaine au Mali est considérée dans ses cas les plus faibles après que les alliés de Washington (Français et Européens) ont décidé de mettre fin à leur présence militaire dans le pays (après que Takuba, qui comprend des forces spéciales européennes, a mis fin à ses tâches), donnant ainsi l’occasion à la Russie d’imposer son influence dans la région en soutenant le Conseil militaire avec des armes lourdes, y compris des hélicoptères de combat, et en envoyant des instructeurs militaires et des centaines d’éléments du groupe privé russe Wagner.

Bien que la France a cherché à faire adopter une décision du Conseil de sécurité pour garder les hélicoptères offensifs au Mali afin de soutenir les forces de la MINUSMA, cependant, cela a été rejeté par Bamako et sa demande n’a pas été soutenue par les membres du Conseil de sécurité.

Washington, certes, n’a pas de base militaire au Mali, mais les américains, qui ont fourni un important soutien logistique aux forces françaises, notamment en matière de renseignement, disposent d’une base militaire au Niger voisin, mais ces dernières années, ils ont préféré réduire leur présence militaire en Afrique à ses limites les plus étroites.

Il ne reste aucun mécanisme à Washington pour surveiller les mouvements des Russes au Mali autre que la MINUSMA, en particulier après le retrait de Bamako du Groupe des cinq pays du Sahel (G5 Sahel), qui comprend également le Niger, le Burkina Faso, le Tchad et la Mauritanie. Il est peu probable que Washington essaie d’envoyer des forces au Mali pour empêcher l’expansion de la Russie dans la région du Sahel, mais il cherche à surveiller les violations des droits de l’homme commises par les troupes de Wagner, à les embarrasser devant le monde et à pousser les gouvernements et les peuples de la région à se soulever contre eux et à rejeter leurs pratiques.

Les pays déserteurs de la MINUSMA

On peut dire que c’est une cascade de retrait de contingents militaires onusiens que subit actuellement le Mali, puisqu’après le triple retrait de la France, de la Suède et du Royaume-Uni, la Côte d’Ivoire et l’Allemagne s’apprêtent également à tourner le dos à Bamako en mettant fin à leur participation à la mission de la MINUSMA.

• Le Royaume-Uni

En effet, le Royaume-Uni a décidé de retirer ses troupes qui devront quitter le Mali dans les six prochains mois.

A ce propos, le ministre d’Etat britannique aux Forces armées, James Heappey, a justifié cette décision par le recours des autorités maliennes de transition, présidées par le colonel Assimi Goïta, au groupe paramilitaire privé russe Wagner.

Heappey, en s’exprimant devant la Chambre des communes, n’a pas hésité à lancer des accusations aux autorités maliennes : « Nous devons être clair sur le fait que la responsabilité de tout cela incombe à Bamako », sans toutefois manquer de revenir sur ‘Wagner’ : « Le groupe Wagner est associé à des violations massives des droits de l’homme ».

Rappelons que près de trois cents soldats britanniques sont en service au Mali, dans le cadre de la MINUSMA, et ce depuis la fin de l’année 2020, avec un engagement qui devait durer trois ans.

Ainsi, les soldats britanniques vont quitter la mission de la paix de l’ONU au Mali (MINUSMA), plus tôt que prévu.

Selon le Ministre de la Défense, le Royaume-Uni n’a aucun projet, ni maintenant ni à l’avenir, démentant dans ce contexte les informations qui parlent d’un redéploiement des soldats de son pays au Burkina Faso et au Ghana.

• La Côte d’Ivoire

Idem pour Abidjan qui a en effet annoncé le retrait de ses troupes déployées au Mali dans le cadre de la MINUSMA, et qui comptent prés de 900 casques bleus ivoiriens déployés dans le pays et qui vont commencer, progressivement, à plier bagages.

L’annonce a été faite dans un courrier rédigé par la mission permanente de la Côte d’Ivoire auprès de l’ONU, dans lequel on pouvait lire que la Côte d’Ivoire « confirme le retrait progressif des personnels militaires et de police ivoiriens déployés au sein de la MINUSMA ».

D’après ce courrier, les derniers soldats ivoiriens quitteront le territoire malien en août 2023.

• La République Fédérale d’Allemagne

Quant à la RFA, elle est considérée comme le dernier pays à annoncer son retrait du Mali, un pays vivant sous les conséquences des attaques lancées par les groupes terroristes, et ce, depuis une dizaine d’années.

En effet, en Allemagne, le gouvernement se prépare à proposer au Parlement de retirer les troupes stationnées au Mali, à partir du mois de mai prochain, lit-on dans le communiqué rendu public à ce sujet par son porte-parole, Steffen Hebestreit.

La décision prend en compte les élections prévues au Mali en février 2024, qui devraient permettre aux militaires maliens de remettre les rênes du pays aux civils, si toutefois ils tiendraient parole.

D’après les données publiées par la MUNISMA, 1.400 militaires allemands sont présents au Mali depuis 2013. Ils sont notamment présents à Gao, dans le nord du pays.

Le retrait des soldats allemands du Mali est prévu de s’achever en mai 2024, a précisé mardi Christine Lambrecht, Ministre fédérale allemande de la Défense, en poste depuis le 8 décembre 2021.

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