
Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Mali. Décidément les « péripéties nocives » du gouvernement malien n’ont pas l’air de prendre fin, surtout après que le gouvernement militaire intérimaire du Mali vient de rejeter un rapport du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies sur les accusations selon lesquelles des soldats maliens et des combattants étrangers « non identifiés » auraient exécuté au moins 500 personnes l’année dernière.
Nous allons revenir sur ce problème, mais avant nous aimerions rappeler que le Mali est devenu membre de l’Organisation des Nations Unies en 1960, et que l’ONU appuie le peuple et le Gouvernement du Mali dans le développement social et économique du pays en espérant que toutes les citoyennes et tous les citoyens du Mali vivent en paix et en sécurité et jouissent des meilleures conditions de vie dans le respect des droits de l’homme.
Les Nations Unies au Mali continuent de répondre également aux besoins et créent des opportunités pour les pauvres, les plus vulnérables et les jeunes.
Dans ce contexte, il importe de noter que le système des Nations Unies au Mali compte les bureaux de représentation de 21 organisations onusiennes, dont certaines opèrent à partir des bureaux régionaux ou sous-régionaux : FENU, PNUD, PNUE, OMS, FNUAP, PAM, FAO, UNHCR, UNESCO, UNICEF, ONU-FEMMES, ONUSIDA, OCHA, OIM, ONUDI, BIT, HCDH, Service de la lute anti-mines de l’ONU, UNOPS, ONUDC et la MINUSMA.
L’Équipe de pays des Nations Unies est davantage renforcée à travers un travail collaboratif avec les organisations internationales présentes au Mali, notamment la Banque mondiale, la Banque africaine pour le développement (BAD) et le Fonds monétaire international (FMI).
Comment, Quant et Pourquoi a été déclenché le « Rapport » onusien ?
Selon nos investigations, ce sont les Etats-Unis qui ont chargé la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) de mener une enquête suite à des tueries attribuées aux forces armées maliennes.
Il semble en effet, que début avril 2022, le gouvernement de la Transition au Mali, dirigé par le colonel Assimi Goïta, aurait été informé par les Etats-Unis qui avaient demandé l’ouverture d’une enquête qui devrait être conduite par la MINUSMA, après avoir su que l’armée malienne venait d’annoncer « la neutralisation d’un grand nombre de personnes à Moura, dans le cercle de Djenné, au centre de ce pays d’Afrique de l’Ouest ».
Dans ce contexte, son Excellence l’ambassade des Etats-Unis au Mali a indiqué que : « Nous suivons les rapports faisant état d’informations extrêmement troublantes selon lesquelles de nombreuses personnes ont été tuées dans le village de Moura, dans la région de Mopti », tout en appelant « le gouvernement de transition du Mali à permettre l’accès à la MINUSMA pour qu’elle puisse mener une enquête rigoureuse conformément à son mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies ».
Il s’agissait là d’une demande de Washington même, intervenue près de trois semaines après des accusations formulées à la mi-mars 2022 par le Haut-commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU (HCDH) et par Human Rights Watch (HRW) et qui indiquaient que de « graves violations du droit international, des droits de l’Homme et du droit humanitaire » ont été commises par les forces de défense et de sécurité maliennes.
Le rapport onusien accusant ses soldats de meurtres rejeté par le Mali
Pour revenir à ce rapport, il faut noter qu’il a été publié à l’issue d’une enquête de plusieurs mois sur ce que les groupes et organisations de défense des droits ont décrit comme les pires atrocités d’un conflit qui a duré une décennie entre des groupes armés et l’armée.
Le porte-parole du gouvernement de transition, Abdullah Maiga, a annoncé dans un communiqué rendu public à ce sujet, que « Le gouvernement de transition condamne fermement ce rapport biaisé, qui est basé sur un récit fictif et ne respecte pas les normes internationales applicables ».
Selon lui, le gouvernement enquêtait sur d’éventuelles violations des droits humains au cours de l’opération, mais a rapporté des déclarations antérieures selon lesquelles les personnes tuées étaient des membres armés de groupes armés plutôt que des civils : « Aucun civil de Moura n’est mort pendant l’opération militaire. Seuls des combattants terroristes ont été tués et toutes les personnes arrêtées ont été remises à la gendarmerie », a-t-il déclaré, soulignant l’engagement des autorités à protéger les droits de l’homme.
Maiga a tenu à faire savoir, que les autorités avaient quant à elles ouvert une enquête judiciaire sur la mission d’enquête pour ne pas leur avoir demandé l’autorisation avant d’obtenir des images satellites de Moura, ce qui équivalait à une « manœuvre secrète visant la sécurité nationale du Mali ».
Par ailleurs, toujours selon le porte-parole du Gouvernement de transition, le rapport aurait indiqué que des soldats maliens et des combattants étrangers seraient arrivés à bord d’hélicoptères dans le village de Moura, précisément le 27 mars 2022, et auraient ouvert le feu sur les habitants alors qu’ils tentaient de fuir, et qu’au cours de la journée, des centaines d’autres civils furent également abattus et leurs corps éparpillés dans des tranchées.
Confirmation du Bureau des droits de l’homme des Nations Unies
Evoquant cette affaire, le Bureau des droits de l’homme de l’ONU a déclaré que le rapport était basé sur des entretiens avec des blessés et des témoins au Mali, ainsi que sur des rapports médico-légaux et des images satellite. Il a ajouté que les autorités maliennes avaient refusé les demandes de l’équipe d’enquête de l’ONU d’accéder au village de Moura lui-même.
A noter que le rapport constitué d’une trentaine de pages a été conclu après sept mois d’enquête, et il faut avouer que les événements de Moura, objets de versions contradictoires depuis un an, sont les pires du genre dans ce pays, sachant que le rapport constitue le document le plus accablant rédigé contre les forces maliennes mises en cause à de multiples reprises par le passé.
De même, le Haut-commissariat aux droits de l’homme aurait « des motifs raisonnables de croire » qu’au moins 500 personnes, dont une vingtaine de femmes et sept enfants, auraient été « exécutées par les Forces armées maliennes et les personnels militaires étrangers » entre le 27 et le 31 mars 2022, dans cette localité de quelques milliers d’habitants.
Selon lui il existe « des motifs raisonnables de croire également que 58 femmes et jeunes filles ont été victimes de viol et autres formes de violences sexuelles », sans oublier « des actes de torture sur des personnes arrêtées ».
Ces agissements pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, a confié Volker Türk, Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, dans un communiqué publié à l’occasion.
Des voix appellent à faire la lumière sur ce qui s’est passé à Moura
Il importe de noter que, comme souvent dans ce genre de cas, les regards se sont tournés vers la MINUSMA, la mission de l’ONU au Mali, qui regroupe plus de 12.000 militaires et 1.500 policiers sur le sol malien, une « mission de paix onusienne » créée en 2013, et qui n’est pas une force offensive, selon ses représentants.
La MINUSMA ne peut en aucun cas attaquer, ni empêcher une opération menée par l’armée malienne, ce qui explique sa non-intervention à Moura, alors qu’elle dispose d’une base à Mopti, à une trentaine de kilomètres seulement.
Appui médiatique
Ces trois vidéos pourraient éclairer nos lecteurs sur cette enquête :
Vidéo 1 : https://www.youtube.com/watch?v=ubKd52wb6As
Vidéo 2 : https://www.youtube.com/watch?v=X_mSNxx4o18
Vidéo 3 : https://www.youtube.com/watch?v=MEemS1p9yIs
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