Les vraies raisons du retrait de la mission “MINUSMA” et les répercussions possibles au Mali et dans les pays voisins

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Les vraies raisons du retrait de la mission
Les vraies raisons du retrait de la mission "MINUSMA" et les répercussions possibles au Mali et dans les pays voisins

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Nous avons tous été témoins, le 30 juin 2023, de la décision prise par le Conseil de sécurité de l’ONU à travers la résolution 2690, selon laquelle il a été mis fin aux tâches de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali, connue sous le nom de MINUSMA.

Pour rappel, la mission continuera de remplir ses fonctions jusqu’à la date du 31 décembre de cette année, avant de les conférer par la suite aux autorités maliennes à cette date.

Bien que cette décision soit intervenue à la demande du gouvernement malien, elle ne reflète pas un état de stabilité au niveau sécuritaire au sein du Mali, qui fait toujours face à des menaces qui ne semblent pas faciles de la part d’organisations et groupes armés, ce qui signifie que cette mesure imposera des effets directs sur la sécurité, la stabilité du Mali et de ses voisins, notamment la Libye.

VOLET 1
De nombreuses raisons tournent autour du retrait de la force de la Minusma

On peut dire qu’il y a un certain nombre de raisons qui ont poussé le Conseil de sécurité de l’ONU à mettre fin à la mission onusienne « MINUSMA » au Mali, dont on revient ci-après sur les quatre plus importantes raisons :

Pression continue de Bamako

Il importe de noter que le gouvernement malien de transition, supervisé par le colonel Assimi Goïta, a adressé de vives critiques à la mission au cours de la dernière période, comme l’a déclaré le ministre malien des Affaires étrangères Abdulaye Diop, dans un discours prononcé lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, le 16 juin dernier, dans lequel il avait mis l’accent sur le fait que « la mission n’avait pas réussi à mener à bien la mission qui lui fût confiée, et a exigé que le conseil la retire dans les plus brefs délais ».

Certes, les relations entre Bamako et la mission onusienne s’étaient nettement détériorées depuis la prise du pouvoir par les militaires en 2020.

La tension a atteint son paroxysme avec la décision prise par le Mali, le 6 février 2023, d’expulser le chef du service des droits de l’homme de la mission, Guillaume Ngefa-Atondoko Andali, car les autorités l’avaient déclaré « persona non grata » et qu’ « il devait quitter le territoire national dans les 48 heures », car le conseil militaire au pouvoir l’a accusé d’« actes déstabilisateurs et subversifs ».

C’est d’ailleurs ce qui incita le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, à exprimer son « profond regret » face à cette décision, ajoutant : « Je suis troublé par l’intimidation et le harcèlement dont (Guillaume Ngefa-Atunduku Andali) a été victime sur les réseaux sociaux ces derniers mois ».

Déclin de la capacité des forces onusiennes à mener à bien leurs missions

Dans ce contexte, il semble que cela est dû aux nombreuses restrictions imposées par le gouvernement malien, de manière à réduire la capacité des forces onusiennes à renforcer leur rôle de sécurisation, et de maintien de la stabilité et de la protection des civils à l’intérieur du Mali. Il est remarquable que ces restrictions aient été l’une des raisons qui ont poussé le Conseil de sécurité à modifier sa politique concernant la mission confié au début à la MINUSMA. Alors qu’il tendait à prolonger le mandat qu’il avait confié à cette dernière en modifiant certaines des tâches qu’elle assumait, il s’est empressé de répondre par l’affirmative à la demande du gouvernement malien de retirer la mission.

Dépendance croissante du Mali vis-à-vis du groupe privé russe «Wagner»

De nombreux rapports indiquent que le déclin du rôle et des tâches des forces de la « MINUSMA » au Mali a coïncidé avec l’arrivée des groupes paramilitaires de « Wagner » à Bamako, évidemment à la demande des forces maliennes gouvernementales, qui cherchaient par là à les aider à affronter les groupes armés en particulier et le terrorisme en général, et à contenir le chaos au Mali. Il était bien remarquable que l’influence de « Wagner » au Mali ait augmenté après le retrait des militaire Français, au milieu de l’année 2022, alors que le groupe, avec le soutien du gouvernement malien, atteignait la région de Ménaka, dans le nord-est du Mali, où il a pris le contrôle d’une base militaire que l’armée malienne avait reprise des forces françaises.

Envoi de messages à l’intérieur

Il semble que le gouvernement militaire de Bamako cherche à faire valoir sa position sur la présence des forces internationales au niveau politique, surtout après l’adoption d’une nouvelle constitution pour le pays, lors du référendum tenu le 18 juin dernier, et en vue des prochaines élections présidentielles, prévues de se dérouler au mois de février 2024, où le gouvernement s’emploie à promouvoir ses efforts pour asseoir l’indépendance de sa décision politique face à ce qu’il considère comme des tentatives de l’hégémonie des puissances internationales par lesquelles il tente de renforcer sa position en vue des élections présidentielles où les forces de l’opposition l’accusent de chercher à travers elle à se maintenir au pouvoir.

A ne pas oublier que les autorités maliennes accusaient la mission de jouer un rôle négatif dans le pays, tout en ayant renforcé les atteintes à l’encontre du tissu social au Mali et accru entre-autres les différences sans pouvoir maintenir la sécurité et la stabilité dans ce pays, notamment après dix ans de sa présence.

Répercussions possibles à prendre en considération

On s’attend à ce que le retrait de la mission de l’ONU entraîne un état d’agitation et d’instabilité au Mali et dans les pays voisins, qui peut être traduit comme suit :

L’escalade des attentats des groupes armés

Le retrait des forces onusiennes va imposer un état de vide au niveau sécuritaire, surtout après le retrait des forces françaises de la région, ce que les forces du groupe russe privé « Wagner » et les forces maliennes pourraient ne pas être capable de combler, d’une manière que les organisations terroristes, en particulier Daech, exploiteront, afin de renforcer leur présence dans la région et d’en faire une base pour leurs opérations dans la région du Sahel et en Afrique du Nord, d’autant plus que la région du Sahel occupe la première place dans le monde, après l’Afghanistan, en termes de nombre d’opérations terroristes.

Par conséquent, de nombreuses tendances n’excluent pas que les groupes armés essaieront de mener davantage d’opérations terroristes dans les pays de cette région, au cours de la prochaine étape.

L’élargissement du rôle des sociétés militaires privées

Le gouvernement malien, qui pourrait échouer dans le contrôle de la sécurité dans le nord du Mali, notamment après la sortie des forces de l’ONU du pays, pourrait solliciter l’aide de sociétés militaires privées, dont chinoises, qui cherchent à jouent un rôle de sécurité dans la région, surtout que Wagner est confronté au défi de se retirer de la région du Sahel à la lumière de la tension croissante avec la Russie, après la rébellion du groupe, qui a été rapidement contenue le 23 juin.

La possibilité croissante d’annuler l’accord d’Alger

D’autant plus que la mission onusienne avait fortement soutenu la signature de l’Accord de paix et de réconciliation en 2015 dans la capitale malienne entre les groupes armés du nord de la région de l’Azawad et le gouvernement central de Bamako, avec la médiation algérienne.

Cependant, après le retrait de la mission, on craint fort que certains mouvements armés ne se déplacent afin d’entraver les arrangements politiques en cours d’élaboration dans la phase post-référendaire du 18 juin, sachant que le MNLA a indiqué que le retrait de la mission annule implicitement l’accord d’Alger.

Quel sort pour le Mali à l’avenir ?

À la lumière de cela, on peut dire en fin de compte que le Mali sera confronté à des menaces sécuritaires croissantes au cours de la prochaine étape, en particulier dans le cas où les arrangements politiques actuels ne seraient pas complétés par la tenue des élections présidentielles en février 2024, ou si certains groupes refuseraient d’accepter les résultats qui pourraient résulter des élections, c’est-à-dire que le retrait des forces onusiennes du Mali affectera négativement l’évolution de la scène politique au sein de ce dernier.

VOLET 2
Pourquoi donc les problèmes des Nations Unies ont-ils augmenté en Afrique ?

Manifs devant la base de la MONUSCO au Congo RDC

Les missions de maintien de la paix des Nations unies en Afrique sont en effet en crise, et la plupart des pays hôtes de ces missions pressent l’ONU de hâter le retrait des soldats de la paix de leurs territoires.

A ce propos, nous tentons ci-après de revenir sur certains faits qui ont fait tout de même écho.

A titre d’exemple, en République démocratique du Congo (RDC), le retrait de la Mission de l’ONU au Congo, la MONUSCO est déjà acté : il devrait intervenir au plus tard le 31 décembre 2023. Annoncée à plusieurs reprises, le départ de cette mission, opérationnelle depuis près de 24 ans, devra se faire le plus rapidement possible, mais de manière « graduelle et responsable », a annoncé la responsable de ladite mission, Bintou Keita, qui assure que « Nous sommes là pour protéger les civils, le Congo… ».

Fortement impopulaire, particulièrement à l’Est de la RDC, la MONUSCO rencontre un sentiment « anti-Monusco» assez vif, latent et bien ancré au sein d’une partie de la population, mais pas uniquement. Pour ce qui est des populations vivant dans ces régions, elles voient les patrouilles et les chars, cependant, cette population se rend compte que les massacres et les assassinats continuent, parfois au nez et à la barbe de la Mission de l’ONU sans qu’elle n’intervienne, comme l’a expliqué le politologue congolais, Jean-Claude Mputu.

Des manifestations contre la présence des Casques bleus ont ainsi été organisées, particulièrement en RDC, où quelque 14.000 soldats sont déployés.

Forces de la MINUSCA en Centrafrique

Autre exemple, en République centrafricaine, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine, la MINUSCA, est maintenu, malgré des tensions permanentes avec les autorités locales. En juin, le SG des Nations Unies a décidé de rapatrier une unité tanzanienne de cette mission, accusée d’exploitation et d’abus sexuels.

De même, au Soudan Sud, la Mission des Nations unies au Soudan du Sud, la MINUSS, parvient, là aussi, à se maintenir, malgré beaucoup de reproche, sachant que le Conseil de sécurité a voté la reconduction jusqu’au 15 mars 2024 du mandat de cette mission.

La MINUSS au Soudan

On peut donc dire que les relations entre les missions de maintien de la paix en Afrique et les Etats hôtes se sont envenimées, car d’autres exemples d’exactions furent constatés dans d’autres régions de conflits sur le continent, et on peut en citer le Soudan, la Somalie, ou encore le Rwanda.

C’est ainsi que les échecs de l’ONU en Somalie (1993), au Rwanda (1994) ont généré une inquiétude diffuse au sein des délégations diplomatiques attachées au maintien de la paix onusien et des différents groupes professionnels engagés dans et autour de ces opérations. Tous ont progressivement ressenti le risque d’un discrédit complet de l’Organisation onusienne.

La défiance envers ces missions s’explique donc, principalement, par un contexte sécuritaire hautement fragile, les opérations de maintien de la paix (OMP) ne pouvant pas mener des combats contre des forces militaires hostiles.

De facto, si les accusations portées contre ces missions s’avèrent fondées (accusations de violences sexuelles, exactions, etc.), la peur d’un « vide sécuritaire » que provoqueraient le départ des Casques bleus et le recours des pays hôtes à d’autres partenaires, tels que le Mali et la Centrafrique, le moins que l’on puisse dire « est justifié ».

La situation de crise actuelle provoquée par l’absence confiance en ces missions impose des solutions, de l’aveu même de l’ONU, selon le débat tenu en mars 2023 par le Conseil de sécurité en vue de « renforcer la confiance pour établir une paix durable ».

De là, on serait en droit de nous poser les questions suivantes :

Le recours à une force africaine avec mandat de l’Union africaine (UA) aiderait-il les pays africains à sortir de leur crise ?

Devrait-on élargir les missions des soldats de la paix ?

Réviser le mode de fonctionnement et de financement des missions onusiennes est-il nécessaire ?

Finalement, revoir l’architecture mondiale des missions de la paix s’impose afin de restaurer la confiance entre les Etats et l’ONU.

Appui médiatique
Vidéo 1 :

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