L’importance des pays du Sahel africains dans les nouvelles stratégies des grandes puissances internationales ?

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L'importance des pays du Sahel africains dans les nouvelles stratégies des grandes puissances internationales ?
L'importance des pays du Sahel africains dans les nouvelles stratégies des grandes puissances internationales ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Les pays africains du Sahel sont devenus une arène de conflits économiques et politiques, alors que la Chine et la Russie d’un côté, et les États-Unis d’Amérique et l’Occident de l’autre, cherchent à s’affronter et à étendre leur influence.

Dans ce contexte, on constate nettement que l’attention des grandes puissances internationales ci-haut citées, en plus de certains pays de l’Union européenne, se tourne de plus en plus vers les pays africains, notamment ceux du Sahel. Cela étant dû à sa situation géographique et à la disponibilité de ses ressources naturelles stratégiques.

C’est d’ailleurs dans cette optique que l’influence économique et sécuritaire croissante de la Chine et de la Russie est devenue une préoccupation pour les décideurs politiques européens et américains, coïncidant avec le développement des relations du groupe Wagner au-delà de la coopération sécuritaire et militaire, vers un réseau de partenariats avec des entreprises dans divers pays africains.

Nous revenons ci-après sur les différentes stratégies et sur les objectifs de tous ces prétendants:

• L’Union européenne et sa nouvelle mission militaire en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel

L’Union européenne travaille depuis plusieurs semaines sur le lancement d’une nouvelle mission militaire en Afrique de l’Ouest et dans la région du Sahel, dont l’objectif est « une formation spécifique au déploiement d’opérations antiterroristes ». Le nombre de policiers et de militaires européens à envoyer dans les pays du Golfe de Guinée reste encore inconnu et, outre la préparation du déploiement des opérations antiterroristes, le renforcement des forces de sécurité locales et de leur soutien technique.

Avec le lancement de cette initiative en matière de sécurité et de défense, l’UE intensifie son soutien pour enrayer l’effet de contagion de l’insécurité du Sahel vers les États côtiers d’Afrique de l’Ouest. Dans le cadre d’une réaction plus large associant prévention, développement socioéconomique et aide humanitaire, cette initiative apportera un soutien sur mesure, en accord avec les besoins exprimés par nos partenaires. Elle témoigne entre-autres de l’engagement de l’UE à l’égard des pays disposés à coopérer avec nous.

La réussite de cette mission dépendra en grande partie de la coopération et de l’engagement des pays concernés. Les autorités locales doivent également prendre des mesures pour renforcer leurs propres capacités de sécurité, améliorer la gouvernance et répondre aux problèmes socio-économiques qui peuvent alimenter l’extrémisme.

Par ailleurs, l’Union européenne et ses États membres utilisent l’aide au développement fournie à l’Afrique comme un moyen de pression pour défendre leurs intérêts, en particulier le contrôle de l’immigration clandestine. L’un des outils qui incarne l’accent mis par l’Union européenne sur le contrôle des migrations est le « Fonds fiduciaire européen d’urgence pour l’Afrique », où l’Union européenne et ses États membres fournissent l’essentiel de l’aide au développement dans le monde. Cette aide s’est élevée à 75 milliards d’euros en 2019, dont environ un tiers est allé à l’Afrique.

Néanmoins, le coup d’État militaire au Niger a suscité des inquiétudes dans les pays de l’Union européenne, notamment en France, quant à son impact potentiel sur l’importation d’uranium destiné à alimenter, à long terme, les centrales nucléaires.

Selon les révélations faites par un sondage d’opinion effectué le 24 juillet 2022, « Les Européens sont meilleurs que les Chinois dans la plupart des indicateurs de performance, notamment en termes de

a) normes sociales,
b) d’opportunités d’emploi pour la population locale,
c) de normes environnementales
d) et de qualité des produits en Afrique.

D’ailleurs, dans une liste contenant 17 normes, les Chinois ont obtenu de meilleurs résultats que les Européens dans seulement 4 indicateurs, c’est qu’« Ils prennent des décisions et mettent en œuvre les projets plus rapidement, s’immiscent moins dans les affaires internes et hésitent moins face à la corruption ».

• Washington et sa nouvelle stratégie globale en Afrique

Il faudrait rappeler ici que les Etats-Unis avaient alloué 55 milliards de dollars à l’Afrique pour attirer vers eux les pays du continent, y compris une aide dans le domaine de la santé et de l’exploration spatiale.

Il va sans dire que la présence militaire américaine sur le continent brun s’est accrue depuis la création du Commandement militaire américain en Afrique (AFRICOM) en 2007, atteignant plusieurs milliers de militaires, sachant que Washington se concentre sur la lutte contre le « terrorisme », en particulier dans les pays du Sahel, d’Afrique de l’Ouest et du Nord, et la plupart du personnel militaire américain est stationné à « Djibouti », qui abrite la seule base militaire américaine en Afrique.

Pour Washington, la Chine agit en Afrique comme s’il s’agissait d’une « arène pour remettre en question l’ordre international fondé sur des règles, promouvoir ses intérêts commerciaux et géopolitiques exclusifs et affaiblir les relations des États-Unis avec les peuples et les gouvernements africains ».

Pour ce qui est de la Russie, les Américains estiment que « la région représente un environnement acceptable pour les sociétés militaires semi-gouvernementales et privées, et crée souvent un état d’instabilité pour obtenir des avantages stratégiques et financiers ».

C’est pourquoi, le 8 août 2022, Washington avait révélé une reformulation globale de sa politique en Afrique, car il entend faire face à la présence russe et chinoise à travers quatre objectifs s’étalant sur cinq ans:
• en soutenant les sociétés africaines,
• en apportant des gains démocratiques et sécuritaires,
• en offrant des opportunités économiques,
• en soutenant la préservation et l’adaptation du climat, et plus de la transformation équitable de l’énergie.

On constate également que les entreprises américaines ne peuvent pas rivaliser avec les entreprises chinoises et autres dans certains secteurs, tels que les projets d’infrastructures, car les entreprises chinoises ont des structures de coûts plus faibles et bénéficient de leur expérience pratique en Afrique depuis des décennies.

Toutefois, certaines entreprises américaines y disposent déjà d’avantages significatifs dans les secteurs:
• de la santé,
• des technologies financières,
• et des énergies renouvelables.

D’autant que, contrairement à la Chine, les Etats-Unis comptent un grand nombre de communautés africaines résidant aux États-Unis, dont beaucoup entretiennent des liens commerciaux avec l’Afrique, et Washington s’efforce d’impliquer les communautés africaines dans les initiatives visant à soutenir les relations avec le continent.

• Moscou et l’expansion de l’influence russe en Afrique

Il faut reconnaître que la Russie a commencé à jouer un rôle prépondérant en Afrique, s’étendant de la Libye au Mali, au Soudan, à la République centrafricaine et au Mozambique, en plus des pays africains du Sahel. Dans ce contexte, nous pouvons dire que l’aide russe consentie au Mali, outre les rumeurs sur son offre d’assistance au Burkina Faso, intervient dans le but d’intensifier les démarches russes visant à élargir sa base d’influence en Afrique, que ce soit au niveau officiel ou informel, en fournissant une coopération sécuritaire sous forme de formation, de renseignement et d’équipement à un certain nombre de gouvernements africains.

De facto, la rivalité américano-russe en Afrique a pris de l’ampleur au cours des dernières années, et plusieurs raisons expliquent cette rivalité, dont les plus importantes sont:
1. Le poids du continent à l’Assemblée générale des Nations Unies, où il représente un tiers des voix, puisque 17 pays du continent constituaient 50 % des abstentions lors du vote sur une résolution de l’ONU condamnant la Russie pour sa guerre contre l’Ukraine en mars 2022.
2. Les ressources énergétiques, dont le besoin s’est accru après la guerre en Ukraine, et l’existence d’une concurrence pour le site africain, riche en énergies renouvelables, notamment solaires, et celles générées par l’énergie éolienne.

Le groupe privé « Wagner »: un modèle pour les tentatives d’expansion de Moscou en Afrique

Les paramilitaires de Wagner sont arrivés en République centrafricaine en 2018 et le groupe a déployé des combattants dans la région riche en gaz de Cabo Delgado, dans le nord du Mozambique. Mais il faut mettre l’accent sur le fait que la plupart des opérations de Wagner se déroulent peut-être au Mali, à la suite des coups d’État dont le pays a été témoin, sachant que le groupe a conclu un accord de sécurité avec ce pays, pour le protéger et lui apporter un soutien, notamment après le retrait de l’armée française.

Les « Wagnériens » sont plus qu’une entreprise qui fournit un soutien militaire en échange d’or en Afrique: ils sont un modèle des tentatives de Moscou de s’étendre sur le continent africain, alors que le Kremlin nie tout lien avec « Wagner ».

Mais les responsables et observateurs américains et européens affirment qu’il s’agit bien d’un outil « non officiel » pour les russes, et qu’il est également considéré comme un outil diplomatique utilisé par eux en Afrique, et qu’il a des activités dans des domaines allant au-delà du domaine de la sécurité: « C’est un jeu de pouvoir que la Russie joue à travers Wagner », a expliqué Pauline Bax, Directrice adjointe de la division Afrique de l’International Crisis Group, qui ajoute que: « Moscou veut voir dans quelle mesure il peut étendre son influence en Afrique, et je pense que le les résultats ont surpris beaucoup de gens ».

• Pékin et la croissance de l’influence chinoise en Afrique

L’influence croissante de la Chine ainsi que de la Russie dans les pays africains en général, et dans le Sahel africain en particulier, fait craindre à Washington les conséquences de l’expansion des deux pays, pour lui-même comme pour l’Occident en général dans cette région. La croissance des sociétés de sécurité privées chinoises coïncide avec l’augmentation des investissements de Pékin dans de grands projets d’infrastructures en Afrique, surtout que la Chine investit également dans des projets miniers à travers le continent. La demande de services de sécurité chinois en Afrique a considérablement augmenté après le lancement de « la Ceinture et la Route (Belt and Road) » en 2013, qui fait partie du plan d’interaction de la Chine avec le continent.

Les entreprises chinoises sont de plus en plus en avance sur leurs concurrents européens en termes de rapidité de décision et de mise en œuvre rapide de leurs projets en Afrique.

Les succès de la Chine en Afrique sont dus à un certain nombre de raisons, dont les plus importantes sont:
1. La manière dont la Chine se présente au continent comme l’un des pays en développement et n’a pas d’histoire coloniale.
2. Le contour des conditions internationales fixées par l’Occident en fournissant de l’aide et en s’engageant dans des projets communs.

Toujours dans le même contexte, le Centre Afrique de l’Institut américain pour la paix avait indiqué, le 31 juillet 2023, que la Russie « a ravivé son intérêt pour l’Afrique il y a dix ans », et a ajouté que « la Chine a montré un intérêt croissant pour le continent au fil des ans, ces dernières années », notant qu’« il s’agit d’un modèle spécifique par lequel la Russie redessine l’équilibre des pouvoirs sur le continent à travers des troubles ».

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