Mali – Algérie: Raisons et Conséquences de L’Ampleur D’Une Forte Tension Ayant Provoqué une Crise Diplomatique dans le Sahel

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Mali - Algérie: Raisons et Conséquences de L'Ampleur D'Une Forte Tension Ayant Provoqué une Crise Diplomatique dans le Sahel
Mali - Algérie: Raisons et Conséquences de L'Ampleur D'Une Forte Tension Ayant Provoqué une Crise Diplomatique dans le Sahel

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Il est regrettable de constater ces derniers jours une montée des tensions à la frontière du Sahel africain, dévoilant une crise entre l’Algérie et les pays de l’Alliance des Etats du Sahel, maculée d’une lutte d’influence et de sécurité régionale.

A ce propos, on s’aperçoit que le conflit entre l’Algérie et le Mali, impliquant par solidarité le Niger et le Burkina Faso, s’est à nouveau intensifié, aboutissant à la décision de ces pays de retirer leurs ambassadeurs accrédités à Alger, ce qui a incité en retour l’Algérie à réagir en prenant des mesures similaires, en plus de fermer son espace aérien à ces pays.

Il faut reconnaître que ce n’est point le premier différend qui surgit entre le Mali et l’Algérie, car ces dernières années, des périodes de tension préoccupante ont été observées, sachant que le Mali accuse l’Algérie de communiquer avec des groupes qu’il considère comme terroristes à ses frontières.

Cet incident s’inscrit également dans un climat de méfiance croissante entre les deux pays, exacerbé par les réalignements stratégiques au Sahel (retrait de la France, montée de l’influence russe…). La gestion de la crise dépendra de la capacité des deux parties à éviter une surenchère nationaliste, dans un contexte où Alger comme Bamako affichent une posture de fermeté sur les questions de souveraineté.

Il illustre une fois de plus la volatilité des dynamiques géopolitiques au Sahel, où les frontières poreuses et les rivalités diplomatiques alimentent les tensions.

• Réaction du gouvernement algérien

Répliquant à l’accusation formulée par le Mali, l’Algérie a affirmé, dans un communiqué publié sur son site internet par le Ministère algérien des Affaires étrangères, qu’il s’agit simplement de « fausses allégations », en exprimant son mécontentement face à la décision du gouvernement de transition au Mali de rappeler les ambassadeurs des pays de l’AES (Mali, Niger et Burkina Faso), suite à la destruction d’un drone malien qui aurait violé son espace aérien.

« Toutes ces fausses allégations ne représentent rien d’autre que des tentatives désespérées pour détourner l’attention de l’échec lamentable de la tentative de coup d’État en cours, qui a plongé le Mali dans une spirale d’insécurité, d’instabilité, de dévastation et de privation », a déclaré le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué, exprimant « ses profonds regrets pour la partialité inconsidérée du Niger et du Burkina Faso en faveur des arguments fragiles avancés par le Mali ».

La déclaration du ministère algérien des A. E. est intervenue après celle du ministère algérien de la Défense, lequel a reconnu la destruction d’un « drone de reconnaissance militaire armé », le 1er avril à minuit, dans la région de Tin Zaouatine près de la frontière avec le Mali, « après qu’il ait pénétré l’espace aérien sur une distance de 2 kilomètres », avec pour mission, semble-t-il, de cibler une « grande réunion de dirigeants terroristes », selon le chef d’Etat-major général des armées du Mali.

Toutefois, le Mali aurait démenti, annonçant que son drone, n’avait pas franchi ses frontières, d’une part.

• Réplique du gouvernement de transition au Mali

D’autre-part, dans un communiqué officiel, rendu publique par le Ministre malien de la Sécurité, le ministère a déclaré que « Le gouvernement de transition a conclu avec une certitude absolue que le drone des Forces armées maliennes a été détruit à la suite d’un acte hostile préparé à l’avance par le régime algérien ».

Selon lui, « Les données précises sur la trajectoire de vol de l’avion enregistrées dans le système prouvent clairement que l’appareil n’a jamais quitté l’espace aérien malien. Par conséquent, le point de perte de contact avec l’avion et la localisation de son épave se situent tous deux sur le territoire national malien ».

De facto, le gouvernement malien aurait décidé de se retirer immédiatement du « Comité des chefs d’Etat-major interarmées », une alliance antiterroriste qui comprend les pays du Sahel en plus de l’Algérie. Il a également décidé de déposer une plainte auprès des instances internationales contre le régime algérien pour ce qu’il a qualifié d’acte d’agression.

Dans le même contexte, le ministère malien des Transports a annoncé à son tour que, conformément au principe de « réciprocité », il avait décidé de fermer l’espace aérien du pays à « tous les aéronefs civils et militaires » en provenance et à destination de l’Algérie « jusqu’à nouvel ordre ».

Par ailleurs, selon le gouvernement malien, l’épave du drone a été localisée à neuf kilomètres et demi au sud de la frontière entre les deux pays.

« La réponse algérienne, via le ministère de la Défense et le ministère des Affaires étrangères, s’intensifie », a déclaré un journaliste et chercheur spécialisé dans les affaires africaines, soulignant dans ce contexte que la déclaration du ministère de la Défense ne contenait aucune justification ni preuve réelle de la destruction du drone malien, pourtant exigée par le Mali, qui a attendu trois jours et, après enquête, a conclu qu’il n’existait aucune justification ni preuve de la violation de l’espace aérien algérien par ledit drone.

• Une crise diplomatique qui risque de se prolonger

On ne s’attendra pas à un rétablissement des relations entre le Mali et les pays du Sahel dans un avenir proche, compte tenu de l’escalade rhétorique et des déclarations virulentes entre les deux camps.

Par contre, la situation s’oriente probablement vers une nouvelle escalade, le Mali poursuivant son opération à la frontière, ce qui a accru la colère de l’Algérie et accentué l’escalade du ton, entraînant le retrait des ambassadeurs. Il semble que ces pays soient unis dans cette position et se dirigent vers une plus grande escalade avec l’Algérie, notamment avec la fermeture de l’espace aérien algérien devant eux, sachant que le Mali a répondu de la même manière à l’Algérie, bien sûr suivi du Niger et du Burkina Faso, ce qui posera sûrement un dilemme dans la région et une escalade majeure des pays du Sahel, en particulier du Mali, contre l’Algérie.

Dans ce contexte, selon des experts dans les questions de sécurité dans la région du Sahel: « Le conflit actuel entre l’Algérie et le Mali aurait de multiples origines, notamment des divergences dans leur gestion des groupes armés, (tels que le Cadre stratégique pour la défense du peuple azawadien), devenu plus tard le Front de libération de l’Azawad, que le Mali a qualifié de mouvement terroriste ».

Toutefois l’Algérie, qui nie cette allégation, privilégie des solutions politiques et sécuritaires équilibrées dans la région du Sahel en général, et dans la région de l’Azawad, au nord du Mali, en particulier, tandis que le Mali mise sur l’option militaire avec le soutien du Groupe Africa Corps (ex-Wagner), ce qui accroît la tension.

Cette tension est la dernière d’une série de différends entre les deux pays au cours des dernières années, bien que les ambassadeurs aient été rappelés auparavant en décembre 2023, lorsque le Mali avait accusé l’Algérie d’ingérence dans ses affaires intérieures quand le président Abdelmadjid Tebboune avait reçu à Alger l’Imam Mahmoud Dicko, opposant à la junte militaire de Bamako, en compagnie de certains dirigeants du mouvement de l’Azawad.

Le conflit actuel était attendu en raison de l’influence croissante de la Russie au Mali et de la volonté du régime militaire d’exporter ses crises internes par le biais d’accusations externes.

L’Algérie a toujours tenu à maintenir le Mali à l’écart de tout conflit politique et a toujours affirmé que les règlements devaient avant tout être nationaux, maliens, c’est-à-dire fondés sur un consensus malien. Il ne fait aucun doute qu’ils doivent être soutenus et accompagnés par des efforts et un soutien internationaux, régionaux, voire même les deux, et c’est probablement là le cœur du problème actuel.

• Comme dans un champ de bataille

Il importe de noter que ces opérations militaires qui ont conduit à la destruction du drone malien et au déclenchement de cette crise entre le Mali, l’Algérie et les alliés du Mali parmi les pays du Sahel, notamment le Burkina Faso et le Niger, sont dues à ces opérations militaires nées de la concurrence et de la coopération internationales avec la Russie et la Turquie, qui ont contribué à soutenir l’armée malienne dans ses opérations à la frontière algérienne.

Selon les observateurs, cette expansion militaire et les armes que le gouvernement malien et les pays du Sahel ont obtenues de la Russie, de la Turquie et d’autres pays ont contribué à faire de la région du Sahel une zone de conflit et d’influence.

Idem, le conflit en Ukraine a également jeté une ombre sur ce conflit dans la région du Sahel en raison du conflit entre la Russie et l’OTAN, en plus du principal conflit russo-ukrainien. Ces parties sont entrées dans la région du Sahel pour gagner en influence et ont commencé à agir contre la Russie, à attaquer ses intérêts et à tenter de frapper ses alliés, représentés par les pays du Sahel alliés à la Russie.

Par ailleurs, selon ces observateurs, l’escalade récente entre l’Algérie et les pays du Sahel aurait mis en lumière une série de différends que les observateurs qualifient de complexes pour plusieurs raisons, notamment politiques et sécuritaires, à commencer par les divisions sur l’accord de paix parrainé par l’Algérie en 2015 avec la communauté internationale, et s’étendant aux tensions sur le terrain liées au différend du gouvernement actuel avec les séparatistes du nord, et aux accusations algériennes d’empiétement sur sa souveraineté.

Parallèlement, le Mali se trouve confronté depuis 2012 à des troubles sécuritaires, ponctués d’actes de violence perpétrés par des groupes extrémistes armés.

Entre-temps, le Conseil militaire s’est retiré de toutes les alliances qui le liaient à l’Europe pour forger un rapprochement avec la Russie et permettre la présence des forces du groupe Wagner (devenu Africa Corps) sur son territoire.

La région s’est alors retrouvée dans un état d’instabilité, en raison des luttes de pouvoir régionales et internationales qui ont ajouté une complexité supplémentaire à la crise.

A ne pas oublier que la zone frontalière est hautement sensible, théâtre d’activités jihadistes (AQMI, JNIM) et de trafics, où l’Algérie y mène régulièrement des opérations, tandis que le Mali, dirigé par la junte depuis 2021, a plutôt tenu à renforcer sa coopération avec la Russie.

• Réactions et escalade potentielle

-/- Demande d’enquête: L’Algérie a exigé une « enquête transparente » et pourrait saisir des instances régionales telles que l’Union africaine, et la CEDEAO (bien que le Mali et ses alliés avaient quitté cette organisation régionale).

-/- Risques de représailles: Alger pourrait durcir sa position, notamment en:

a) Restreignant davantage les échanges commerciaux (l’Algérie est un partenaire économique important pour le Mali).

b) Soutenant plus ouvertement les mouvements touaregs hostiles à Bamako.

-/- Impact sur la stabilité régionale: Une escalade verbale ou militaire pourrait compliquer la lutte contre les groupes armés dans la région, déjà en proie à l’instabilité.

De facto, nous nous trouvons face à un dialogue de sourds qui risque fort de ne pas trouver de solutions, car aucune des deux parties n’envisage d’accepter la version de l’autre.

Par ailleurs, les débris du drone malien, de fabrication turque type Akinci, auraient été retrouvés du côté malien de la frontière par les rebelles indépendantistes du FLA (Front de Libération de l’Azawad), près de Tin Zaouatine.

Toujours dans le même contexte, des spécialistes des affaires africaines estiment que la récente escalade entre les trois pays du Sahel (Mali, Niger et Burkina Faso) reflète des tensions régionales croissantes et laisse présager un remaniement des alliances au Sahara.

Ils ont déclaré que: « La réponse collective du Mali, du Niger et du Burkina Faso à la destruction du drone malien est un développement très significatif, révélant une baisse de confiance entre l’Algérie et l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et indiquant que la région entraot dans une nouvelle phase de polarisation régionale ».

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