MALI / MINUSMA : Naissance d’un conflit de lourdes conséquences au Sahel africain

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MALI / MINUSMA : Naissance d’un conflit de lourdes conséquences au Sahel africain
MALI / MINUSMA : Naissance d’un conflit de lourdes conséquences au Sahel africain

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Mali. Les autorités militaires au pouvoir de transition au Mali, ont demandé aux Nations unies, le vendredi 16 juin 2023, de retirer « sans délai » leur mission de maintien de la paix, invoquant l’existence d’une « crise de confiance » entre elles et les forces stationnées dans le pays depuis 10 ans et qui sont au service de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).

Dans ce contexte, Abdulaye Diop, actuel ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali, a prononcé un discours devant le Conseil de sécurité de l’ONU, dans lequel il a déclaré « Malheureusement, il semble que la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Mali soit devenue une partie du problème en alimentant les tensions entre les communautés », mettant l’accent sur le fait que « Cette situation a suscité la méfiance de la population malienne et créé également une crise de confiance entre les autorités maliennes et la MINUSMA ».

Diop, qui a précisé que « le gouvernement malien demande le retrait immédiat de la mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali », a déclaré aux membres du conseil de sécurité que : « Le réalisme exige la conclusion de l’échec de la MINUSMA, dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire ».


Le ministre malien des Affaires étrangères Abdulaye Diop

Retour sur les circonstances de ce différend

Les tensions se sont intensifiées entre le gouvernement de transition au Mali et la mission de maintien de la paix des Nations unies (MINUSMA), après que les autorités du pays aient rejeté un rapport publié par le Bureau des droits de l’homme des Nations unies accusant son armée d’avoir exécuté au moins 500 personnes l’an passé, en collaboration avec le groupe Wagner.

Le rapport de l’ONU a été publié le vendredi 12 mai dernier, en tant que résumé d’une enquête qui a duré plusieurs mois, et qui aurait révélé ce qu’il a qualifié de « pires atrocités » commises par l’armée gouvernementale avec le soutien de « combattants étrangers », faisant référence au groupe Wagner, pendant la guerre menée contre les groupes terroristes qui contrôlent des zones du Mali depuis plus de 10 ans.

Dans ce rapport, on pouvait lire que des soldats maliens et des combattants étrangers sont arrivés par hélicoptère dans le village de Mora, le 27 mars 2022, et ont ouvert le feu sur les habitants alors qu’ils tentaient de fuir, indiquant qu’au cours des jours suivants, des centaines d’autres civils ont été abattus et leurs corps jetés dans des tranchées. Ceci aurait donc provoqué la colère des autorités maliennes et provoqué de nombreuses réactions dans la rue malienne.

Néanmoins, le porte-parole du gouvernement Abdulaye Maïga avait assuré que les autorités « menaient une enquête sur d’éventuelles violations des droits de l’homme pendant l’opération », tout en réaffirmant que « les morts étaient des groupes terroristes armés, pas des civils », tout en ajoutant « Aucun civil de Mora n’est mort pendant l’opération militaire. Les morts n’étaient que des combattants terroristes et toutes les personnes arrêtées ont été remises aux forces de gendarmerie », soulignant l’engagement des autorités à protéger les droits de l’homme.

Toutefois, le Bureau des droits de l’homme des Nations unies a déclaré : « Le rapport est basé sur des entretiens avec des blessés et des témoins, en plus de rapports médico-légaux et d’images satellites », soulignant à cet effet que les autorités maliennes avaient refusé les demandes de l’enquête de l’équipe des Nations Unies afin d’accéder au village de Mora.

Réaction du Conseil de sécurité et de la MINUSMA

Il importe de rappeler que les membres du Conseil de sécurité doivent se prononcer sur la prolongation du mandat de cette mission onusienne d’ici le 30 juin. Une résolution nécessite au moins neuf voix pour, et que la Russie, la Chine, les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la France n’y opposent pas leur veto.

Pour sa part, le chef de la MINUSMA, Al-Qasim Wayne, a confirmé, dans diverses déclarations aux médias, que le travail de la mission sans l’approbation des autorités maliennes est « presque impossible ».

Selon lui, « C’est une décision qui doit être prise par le Conseil de sécurité lui-même. Mais ce que je veux dire et sur lequel je pense que tout le monde est d’accord, c’est que le maintien de la paix dépend du principe du consentement du pays hôte ».

Le Burkina Faso plaide en faveur de la demande du Mali

Le Burkina Faso a qualifié la demande du Mali de retirer la Mission des Nations Unies du pays de « décision courageuse » et « conforme à la vision des autorités maliennes » dans la lutte contre les groupes armés et le terrorisme qui touchent ces deux pays voisins, exprimant sa satisfaction envers cette étape.

On relève que le porte-parole du gouvernement burkinabé, Rimtalba Jean-Emmanuel Ouedraogo, a écrit dans un communiqué rendu public dimanche dernier en cette occasion, que son gouvernement a félicité le Mali pour ce choix qui, selon lui, « s’inscrit dans la vision stratégique » du pays, ajoutant qu’il « encourage le gouvernement et le peuple maliens frères d’affirmer la souveraineté de l’Etat du Mali et d’exprimer la volonté des Maliens d’être seuls maîtres de leur destin ».

En affichant clairement son soutien au Mali voisin, le Burkina Faso a appelé entre-autres la communauté internationale à « respecter strictement les choix du Mali » et demandé au Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, de « prendre les mesures nécessaires pour retirer les forces burkinabè participant au Mali dans le cadre de la MINUSMA ».

Par ailleurs, le gouvernement du Burkina Faso « a réaffirmé sa solidarité avec le gouvernement malien et tous les peuples de la région du Sahel dans la lutte contre le terrorisme ».

L’Allemagne rejette la demande du Mali

L’Allemagne a critiqué la demande du Conseil militaire au Mali de faire quitter le pays aux forces de maintien de la paix des Nations Unies « MUNISMA », la considérant politiquement motivée, et Berlin a renouvelé sa détermination à obtenir un retrait ordonné de ses forces d’ici mai 2024.

A noter que Berlin avait déjà annoncé la décision de retirer ses forces du Mali, depuis fin 2022, avant que le gouvernement ne l’approuve en mai 2023 en raison de tensions avec le conseil militaire au pouvoir, car les relations européennes avec le Mali se sont détériorées depuis le coup d’État militaire survenu en 2020, et depuis que le gouvernement malien ait invité des combattants du groupe militaire privé russe Wagner (qualifiés de mercenaires) à le soutenir dans la lutte contre les rebelles et contre les groupes terroristes, ce qui a poussé la France à retirer ses forces l’année dernière après être restées près de 10 ans dans le pays.

Dans ce contexte, l’Allemagne avait déployé environ 1.000 soldats de ses forces au Mali, la plupart près de la ville de Gao (dans le nord du pays), où leur mission est centrée sur la reconnaissance militaire des forces de la MINUSMA, dont le nombre est estimé en totalité à 13 000 éléments.

Réaction des Etats-Unis à la requête du Mali

Le département d’Etat américain

Le département d’Etat américain a exprimé son « regret » face à la décision du pouvoir militaire de transition au Mali de demander aux Nations Unies de retirer ses forces de maintien de la paix.

« Les États-Unis regrettent la décision du gouvernement de transition au Mali de révoquer son approbation de la MINUSMA », a fait savoir le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, en ajoutant « Nous sommes préoccupés par les répercussions de cette décision sur les crises sécuritaires et humanitaires qui affectent le peuple malien ».

Miller a souligné également que les États-Unis « apportent tout leur soutien » à la mission, en déclarant entre-autres que « sa réduction doit être ordonnée et responsable, la priorité étant donnée à la sûreté et à la sécurité des Casques bleus et du peuple malien ».

Allocation du Chef de la MINUSMA au Conseil de sécurité le 16 juin

Al-Qasim Wayne Chef de la Minusma

Lors de son allocation prononcée devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, le 16 juin 2023, Al-Qasim Wayne, Représentant spécial et Chef de la MINUSMA, a déclaré ceci : “la question du mandat de la MINUSMA a continué à alimenter les discussions au Mali quant à son degré de robustesse. C’est là évidemment une question qui relève de l’appréciation du Conseil. Je voudrais, pour ma part, mettre l’accent sur une question moins débattue, celle de la complémentarité entre l’action de l’Etat malien et l’action de la MINUSMA. La Mission a d’indéniables avantages comparatifs, qui peuvent et doivent plus effectivement être mis à contribution pour appuyer l’Etat malien. Cette articulation fonctionnelle est tributaire d’une relation de confiance entre les autorités maliennes et la MINUSMA. Elle nécessite un engagement plus soutenu du gouvernement à travers un dialogue régulier avec la Mission pour élargir le champ des possibilités et saisir les multiples opportunités qui existent, au bénéfice des populations maliennes.

En conclusion, et après presque dix ans de présence, je voudrais souligner que la MINUSMA, comme toutes les autres opérations de maintien de la paix des Nations unies, a vocation à créer les conditions de son départ en aidant le Mali à assurer la sécurité de sa population et de son territoire, ainsi qu’à poser les jalons d’une stabilité durable. C’est à cette tâche qu’il importe plus que jamais de s’atteler de façon volontariste et dans un esprit de concertation, de coopération et de complémentarité”.

A propos de la MINUSMA

Beaucoup savent déjà que le mandat de la MINUSMA se termine en juin 2023, soit dans moins de 10 jours, dans un contexte de doutes croissants quant à sa capacité à poursuivre sa mission, et ce, compte tenu de la détérioration des relations avec le conseil militaire au pouvoir au Mali et du retrait de 7 pays contributeurs, à savoir :
• Le Salvador,
• La Suède,
• Le Bénin,
• L’Égypte,
• Le Royaume-Uni,
• La Côte d’Ivoire
• Et l’Allemagne.

Pour rappel, la mission onusienne « MINUSMA » fut créée en 2013 et compte 13.000 soldats. C’est la mission de l’ONU qui a subi les pertes les plus élevées au monde ces dernières années, puisque 183 de ses soldats ont été tués dans les hostilités depuis qu’elle a vu le jour il y a dix bonnes années.

Liste des pays contributeurs de la Force militaire de la MINUSMA

Il importe de savoir que les pays contributeurs de la Force militaire de la MINUSMA comptent cinquante-trois nations : Allemagne – Australie – Autriche – Bangladesh – Belgique – Benin – Bhoutan – Burkina Faso – Burundi – Cambodge – Cameroun – Canada – Chine – Côte d’Ivoire – Danemark – Egypte – Salvador – Espagne – Estonie – Etats-Unis – Finlande – France – Gambie – Ghana – Guatemala – Guinée – Indonésie – Iran – Italie – Jordanie – Kenya – Liberia – Lituanie – Luxembourg – Mauritanie – Mexique – Népal – Niger – Nigéria – Norvège – Pakistan – Pays-Bas – Portugal – Roumanie – Royaume-Uni – Sénégal – Sierra Léone – Sri Lanka – Suisse – Tchad – Tchéquie – Togo – Tunisie.

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